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Manifs laïques en Turquie contre une “constitution religieuse”

(Keystone-ATS) La police a dispersé par la force mardi plusieurs manifestations de partisans de la laïcité en Turquie. La veille, le président du Parlement avait appelé de ses voeux une “Constitution religieuse”.

“La Turquie est laïque et le restera”, ont scandé mardi matin une centaine de manifestants réunis devant l’une des entrées de l’Assemblée nationale à Ankara. La police antiémeutes est intervenue à coups de gaz lacrymogène, a constaté un photographe de l’AFP.

En début de soirée, quelque 300 personnes qui manifestaient sur la rive asiatique d’Istanbul ont été dispersées par la police qui a tiré des balles en plastique, selon un autre photographe de l’AFP. Un autre rassemblement a été réprimé à Izmir (ouest).

La police a procédé à plusieurs interpellations, selon les photographes.

Propos mal accueillis

Les manifestants protestaient contre des propos prononcés lundi par le président du Parlement Ismail Kahraman, membre du Parti de la justice et du développement (AKP, islamo-conservateur au pouvoir) du président Recep Tayyip Erdogan.

“En tant que pays musulman, pourquoi devrions-nous être dans une situation où nous sommes en retrait de la religion ? Nous sommes un pays musulman (…) Avant toute autre chose, la laïcité ne doit pas figurer dans la nouvelle Constitution”, a dit M. Kahraman.

Rattrapé par la polémique en Croatie, où il était en déplacement mardi, le chef de l’Etat turc a pris ses distances avec M. Kahraman. “Le président de notre Parlement a exprimé ses propres opinions”, a-t-il déclaré.

“En ce qui me concerne, ce que je pense à ce sujet est clair depuis le début”, a poursuivi M. Erdogan. “L’Etat se tient à égale distance de tous les groupes religieux (…) C’est cela la laïcité”. Cité par l’agence de presse Dogan, M. Kahraman a lui aussi déclaré qu’il n’avait fait qu'”exprimer (ses) opinions personnelles”.

Une garantie

Depuis son arrivée au pouvoir en 2002, l’AKP est accusé par ses détracteurs de vouloir islamiser la société turque. Cette formation a libéralisé le port du voile islamique autrefois strictement interdit dans la fonction publique et les universités.

La déclaration de M. Kahraman a provoqué une levée de boucliers des partis d’opposition. Dans une rare unanimité, ces derniers ont appelé à sa démission.

“La laïcité est la garantie de la liberté de culte”, a lancé le chef de file de l’opposition laïque au Parlement, Kemal Kiliçdaroglu, lors d’un discours devant ses députés du CHP (parti républicain du peuple). Il a accusé le régime islamo-conservateur de vouloir “détruire la République”.

L’AKP “a montré son vrai visage”, a assuré pour sa part Figen Yuksekdag, coprésidente du Parti démocratique des peuples (HDP, prokurde).

Depuis la reconduction de l’AKP au pouvoir, en novembre, l’une des priorités du gouvernement est de doter la Turquie d’une nouvelle loi fondamentale pour remplacer celle héritée de la junte militaire après le putsch de 1980.

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