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Michel Neyret, ex-star de l’antigang, jugé pour corruption

Michel Neyret a concédé "des imprudences", mais pas de la malhonnêteté. KEYSTONE/EPA/CHRISTOPHE PETIT TESSON sda-ats

(Keystone-ATS) Près de cinq ans après sa chute, l’ancienne star de la police lyonnaise Michel Neyret comparaît depuis lundi devant le tribunal correctionnel de Paris. Il est accusé de corruption et de trafic de stupéfiants.

L’ancien numéro 2 de la Police judiciaire de Lyon est accusé d’avoir franchi la frontière qui sépare “flics et voyous”. Il aurait accepté des cadeaux de membres du milieu en échange de services. Il aurait aussi détourné plusieurs kilos de résine de cannabis afin de rémunérer des informateurs.

A la barre lundi, Michel Neyret a raconté s’être “jeté à corps perdu dans une politique de renseignement pour infiltrer le milieu et décrocher des flagrants délits” lorsqu’il était patron de l’antigang.

“C’est vrai qu’il m’est arrivé de fournir des informations” à des informateurs pour gagner leur “confiance”, a-t-il admis, tout en assurant n’avoir “jamais rien fait” pour entraver une enquête.

“Des imprudences”

Questionné par le président sur son étrange relation avec les “indics” visés dans la procédure, avec lesquels il s’affichait pendant des vacances ou dont il empruntait les voitures de luxe, le policier a concédé “des imprudences”.

“Je pensais à l’époque maîtriser les choses. Je n’ai pas fait preuve de professionnalisme dans leur gestion, d’une approche intelligente, je me suis laissé déborder par la situation”, a-t-il lâché, mettant en lumière sa ligne de défense: défaillant oui, malhonnête non. Âgé de 60 ans, Michel Neyret a déjà passé huit mois en prison.

Poursuivi pour huit délits dont corruption, trafic d’influence passif et détournement de scellés de stupéfiants, il encourt une peine de dix ans de prison. A ses côtés, huit autres prévenus, dont son épouse Nicole, trois de ses anciens subordonnés et des membres présumés du milieu lyonnais. Le procès est prévu pour durer jusqu’au 24 mai.

Les méthodes de la police

Patron de la brigade antigang de Lyon pendant vingt ans, Michel Neyret a accumulé les succès dans ses enquêtes et fait tomber nombre de délinquants de haut vol avant d’être arrêté par l’IGS, la police des polices, en 2011.

Il craint que la justice ne fasse preuve de sévérité envers un homme longtemps présenté comme un modèle et est en même temps “pressé d’en finir et de s’expliquer”, a expliqué l’un de ses avocats, Yves Sauvayre.

“On ne fera pas l’économie d’un débat sur les méthodes de la police. Tout le monde était content des méthodes de Michel Neyret”, a dit Yves Sauvayre, qui déplore une hypocrisie. Les relations entre policiers et informateurs, toujours très complexes, sont au coeur du procès.

Montres de luxe, Ferrari…

Michel Neyret va notamment devoir s’expliquer sur les liens amicaux qu’il entretenait avec l’une des figures du milieu lyonnais, Gilles Benichou, qu’il a décrit comme un “personnage attachant aux valeurs familiales fortes”. L’ancien policier est également soupçonné d’être intervenu auprès de policiers ou de magistrats pour informer des malfaiteurs de l’état d’une procédure, notamment.

Le magistrat chargé de l’enquête a détaillé les cadeaux reçus par l’ancien policier ou son épouse Nicole: des séjours dans des hôtels de luxe au Maroc et à Cannes, notamment, deux montres de luxe, dont une de 30’000 euros, des sommes en liquide, des prêts de voitures, dont une Ferrari.

Passage à Genève

Dans une écoute téléphonique versée au dossier, Nicole Neyret reproche à Gilles Benichou d’avoir “pourri” son mari. L’épouse de l’ex-policier devra également dire devant le tribunal pourquoi elle s’est rendue à Genève avec Gilles Benichou pour créer une société et ouvrir un compte bancaire.

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