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MSF fustige la politique migratoire de l’UE et refuse des fonds

Des milliers de personnes, dont des mineurs non-accompagnés, sont bloquées sur les îles grecques, vivant dans "des conditions terribles, dans des camps surpeuplés, parfois pendant des mois", déplore MSF (archives). KEYSTONE/AP/PETROS GIANNAKOURIS sda-ats

(Keystone-ATS) Médecins sans frontières (MSF) a annoncé vendredi qu’elle n’accepterait plus de fonds de l’Union européenne et de ses Etats membres. L’ONG proteste ainsi contre une politique migratoire visant “à repousser les personnes et leur souffrances loin des côtes européennes”.

“Cette décision prend effet immédiatement et sera appliquée à tous les projets de MSF à travers le monde”, a indiqué l’organisation lors d’une conférence de presse à Bruxelles. MSF fustige notamment l’accord conclu en mars entre l’UE et Ankara, qui prévoit le renvoi de tous les nouveaux migrants arrivant sur les côtes grecques depuis la Turquie, y compris les demandeurs d’asile.

Combiné avec la fermeture de la route migratoire des Balkans, cet accord controversé a eu pour effet de provoquer une baisse considérable des arrivées sur les côtes grecques depuis fin mars. Mais il a aussi suscité de nombreuses critiques de la part des défenseurs des droits de l’Homme et du droit d’asile.

“Sur les îles grecques, plus de 8000 personnes, y compris des centaines de mineurs non-accompagnés, sont restées bloquées en conséquence directe de ce pacte”, vivant dans “des conditions terribles, dans des camps surpeuplés, parfois pendant des mois”, a souligné MSF.

Concept de réfugié en danger

“Depuis des mois, MSF a dénoncé la réponse honteuse de l’Europe, qui se focalise plus sur la dissuasion que sur l’aide et sur la protection à apporter aux personnes qui en ont besoin”, a déclaré Jérôme Oberreit, secrétaire général international de MSF. Selon lui, l’accord UE-Turquie “va un cran plus loin, et met le concept de réfugié – et la protection qu’il engendre – en danger”.

MSF déplore également la volonté de l’UE “d’imposer une réduction de l’aide au commerce et au développement” aux pays africains qui “n’endigueraient pas la migration vers l’Europe ou qui ne faciliteraient pas les retours forcés” de migrants irréguliers.

Les activités de MSF sont financées à 92% par des donations privées, a indiqué l’ONG. En 2015, “les fonds issus des institutions de l’UE ont représenté 19 millions d’euros, ceux issus des Etats membres ont représenté 37 millions d’euros”, selon l’ONG.

ONG partagées

Amnesty International a apporté son soutien à MSF. L’organisation a salué sur le réseau social Twitter une attitude “courageuse et fondée sur des principes”, face à la “honte” de l’accord UE-Turquie.

La question du financement par l’UE se pose aussi pour ACF, selon Pauline Chetcuti, responsable du plaidoyer d’Action contre la faim. Cette dernière étudie les possibilités “au cas par cas”, cherchant à établir “si les fonds sont liés à une politique de gestion des flux migratoires”.

Médecins du Monde continue d’accepter les fonds de l’UE “qui cadrent avec nos principes éthiques”, a indiqué Jean-François Corty, le directeur des opérations internationales. L’organisation a par exemple choisi de ne plus intervenir dans les ‘hotspots’ en Grèce et en Italie, qu’elle qualifie de “centres de rétention”.

L’opinion est plus partagée à Handicap International. Elle explique ne pas pouvoir se permettre de refuser des fonds, vu “l’urgence des besoins”.

Comme la Belgique, l’Allemagne a dit de son côté regretter la décision de MSF. “Mais cela correspond à cette organisation”, a estimé une porte-parole du ministère allemand des Affaires étrangères. Elle estime que MSF “est très restrictive concernant les moyens provenant de sources étatiques”.

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