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Nouvel échec d’Erdogan contre un patron de presse allemand

Mathias Döpfner, patron du groupe Springer, a beaucoup ri du poème satirique de Jan Böhmermann sur M. Erdogan (archives). KEYSTONE/EPA/BERND VON JUTRCZENKA sda-ats

(Keystone-ATS) La justice allemande a confirmé mardi en appel le rejet d’un recours du président turc Recep Tayyip Erdogan. Celui-ci voulait empêcher le patron d’Axel Springer, l’un des principaux groupes de presse européens, de réitérer son soutien à une satire le visant.

Dans une lettre ouverte publiée le 10 avril sur le site du quotidien conservateur Die Welt, propriété de Springer, le président du directoire du groupe, Mathias Döpfner, avait apporté son soutien au comique Jan Böhmermann. Auteur d’un pamphlet lu le 31 mars sur la chaîne publique ZDF, M. Böhmermann y traitait M. Erdogan de pédophile et de zoophile.

“Je trouve votre poème réussi. J’ai ri à voix haute”, écrivait le patron du groupe qui publie aussi le quotidien à gros tirage Bild. M. Döpfner avait ajouté qu’il s’associait “pleinement” aux “formulations et outrages” du satiriste.

Saisi par l’avocat allemand de M. Erdogan, Ralf Höcker, le tribunal de Cologne avait rejeté le 10 mai en première instance la requête en référé du dirigeant turc. Les juges avaient invoqué le “droit fondamental à la liberté d’expression”.

Démonstration par l’absurde

Mardi, la Cour d’appel de Cologne a confirmé le rejet du recours de M. Erdogan : “Comme le tribunal (de première instance), la Cour d’appel estime que la ‘lettre ouverte’ (de M. Döpfner) est compatible avec l’article 5 de la Constitution” qui garantit la liberté d’expression, indique la juridiction. La Cour constitutionnelle fédérale allemande reste désormais le seul et dernier recours pour M. Erdogan.

En dépassant ouvertement les bornes et en allant en conscience au-delà de ce que le droit allemand autorise, le comique entendait démontrer par l’absurde combien le pouvoir turc avait eu tort de s’attaquer à un autre de ses textes. Il s’agissait d’une chanson diffusée 15 jours plus tôt à la télévision allemande qui critiquait la remise en cause des libertés publiques en Turquie.

L’affaire avait rapidement pris un tour diplomatique et provoqué un scandale en Allemagne. La chancelière Angela Merkel avait en effet autorisé les poursuites judiciaires voulues par Ankara à l’encontre de l’humoriste, alors que les dérives autoritaires de M. Erdogan sont de plus en plus vivement dénoncées.

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