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Ou comment séduire le public des vertus de la cuisine aux insectes

Andrea Staudacher en pleine préparation de vers de farine caramélisés. Keystone/PETER KLAUNZER sda-ats

(Keystone-ATS) Dans sa cuisine coquette de Berne, Andrea Staudacher reçoit le journaliste avec des barres énergétiques réinventées: le croquant aux noisettes et fruits secs est confectionné à base de farine d’insecte. Une nécessité pour les générations futures, selon elle.

“La farine d’insecte a les mêmes propriétés que la farine d’épeautre”, explique la Bernoise, qui a consacré son travail de master au thème des insectes dans la nourriture. Son dada: l’alimentation du futur. “Qu’est-ce que les gens mangeront dans 20, 30 ou 50 ans?”, se demande-t-elle.

Pour elle, la cuisine à base d’insectes a de quoi séduire les fins gourmets. Elle offre une large palette de préparations, que ce soit des snacks de céréales, des glaces drapées de grillons et de vers de farine ou des smoothies rafraîchissants aux sauterelles. Il s’agit d’explorer les saveurs nouvelles, poursuit Andrea en train de mixer une sauterelle au milieu des fruits et des légumes.

Surmonter son dégoût

Les insectes font déjà partie de l’alimentation d’environ deux milliards de personnes de par le monde. Mais dans la culture occidentale, les petites bêtes rampantes dans la marmite font encore frissonner de dégoût. “C’est dans nos gènes”, sourit la jeune femme. Tout le monde est éduqué dans l’idée que les bestioles sont synonymes de vermine. Et pourtant, il est possible de surmonter son dégoût, assure la cuisinière.

Il y a quelque 2000 sortes d’insectes propices à la table. En Suisse, les vers de farine, grillons et sauterelles sont autorisés comme denrées alimentaires depuis mai 2017. La législation est très stricte en matière d’élevage d’insectes destinés à l’alimentation.

En Suisse, les insectes sont tués avant la vente. Les éleveurs ont opté pour la congélation rapide, méthode considérée jusqu’à maintenant comme la plus respectueuse des animaux. “Il n’existe cependant que très peu d’études sur la sensibilité des insectes à la douleur, selon Andrea Staudacher.

Riches en protéines

Les insectes qui se prêtent à la cuisine sont encore très chers. “Auparavant, j’ai payé environ 600 francs pour un kilo de grillons lyophilisés importés, 250 francs pour des vers de farine et 400 francs pour des sauterelles”, se rappelle la Bernoise. Aujourd’hui, elle se fournit en majorité auprès d’un éleveur de la région.

Les insectes ont la particularité d’être riches en protéines, d’acides gras non saturés et de substances minérales. Cette source de nourriture devrait gagner en importance au vu de l’augmentation de la population mondiale. L’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) estime que la demande en protéine animale devrait doubler d’ici 2050.

“A un moment ou à un autre, il faut s’attendre à une pénurie de protéines”, avertit la Bernoise. Or la production de protéines animales, et plus particulièrement de viande, absorbe beaucoup de ressources, que ce soit en sol, en eau et en énergie. Les insectes présentent une voie alternative.

Cette catégorie d’animaux exige en effet beaucoup moins de nourriture et de place. “Les insectes ont une empreinte écologique dix fois moins grande que la viande commercialisée”, précise Andrea Staudacher.

En outre, les petites bêtes ne causent aucune émission de CO2 et peuvent être élevées sans gros investissement technique ou financier. C’est une ressource qui pourrait contribuer à assurer l’alimentation des générations futures.

Encore marginal en Suisse

En Suisse, l’alimentation à base d’insectes reste pour le moment un produit de niche. Autorisée depuis mai 2017, la commercialisation a connu un boom durant les premiers mois puis l’intérêt est retombé, constate la spécialiste. Il faudra encore un gros travail de conviction pour surmonter les hésitations des consommateurs, selon elle.

La spécialiste entrevoit un potentiel dans l’extraction de protéines d’insecte. Elles pourraient être utilisées dans toutes sortes d’aliments comme le pain protéiné. Cela présenterait l’avantage de contourner la répugnance éprouvée par les consommateurs à l’idée de manger des insectes. Mais les ingrédients contenant ce type de protéines ne sont pas autorisés en Suisse.

Dans son expérience pour promouvoir la cuisine aux insectes, Andrea Staudacher constate que le public est très diversifié. Cela va du jeune hipster urbain au paysan de l’Emmental de 80 ans. En moyenne, les hommes se montrent plus courageux que les femmes à croquer un grillon. Le tout est de trouver l’occasion d’essayer. Elle-même organise des “food-events” et des cours de cuisine.

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