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Pas de droit à l’oubli pour les auteurs des crimes graves

Après la décision du Conseil des Etats, les auteurs de crimes graves comme le meurtre ou des actes sexuels sur enfants n'auront pas le droit à l'oubli (image symbolique). KEYSTONE/SALVATORE DI NOLFI sda-ats

(Keystone-ATS) Les personnes condamnées pour meurtre, viol ou actes d’ordre sexuel sur des enfants n’auront pas le droit à l’oubli. Le Conseil des Etats a mis sous toit jeudi la loi sur le casier judiciaire informatisé VOSTRA. Il s’est rallié au durcissement voulu par le National.

Une majorité de la Chambre du peuple avait estimé lors de la session de printemps que les auteurs de délits graves comme le meurtre, le viol, la prise d’otages ou des actes d’ordre sexuel sur des enfants ne devraient pas avoir le droit à l’oubli. Les jugements resteront dans VOSTRA jusqu’au décès du condamné.

Les sénateurs ont suivi l’avis de la Chambre du peuple. Lors d’un premier débat, ils avaient suivi la version du Conseil fédéral. Mais plusieurs orateurs se sont engagés pour un durcissement. Ils ont fait référence aux précédents débats sur les initiatives sur l’internement à vie ou l’imprescriptibilité des crimes pédophiles.

“Il ne s’agit pas de tomber dans le populisme, ni de condamner doublement une personne. Mais en cas de récidive pour des délits graves, personne ne comprendra qu’une autorité pénale ou judiciaire n’a pas pu avoir connaissance d’antécédents”, a plaidé Daniel Jositsch (PS/ZH).

Récidive

Le catalogue des délits comprendra d’une part tous les crimes graves, dit qualifiés, et les crimes d’ordre sexuel d’autre part. Car “les pédocriminels ont une prédisposition plus importante à la récidive”, selon Daniel Jositsch.

A droite, Karine Keller-Suter (PLR/SG) a renchéri: “J’ai constaté personnellement plusieurs fois que lors d’une enquête ou d’un jugement, les autorités ne savaient pas qu’elles avaient affaire à un récidiviste condamné pour un crime grave. Cela ne va pas.”

Le projet prévoyait déjà un durcissement massif de la durée d’inscription, a tenté de contrer la ministre de la justice Simonetta Sommaruga. Les jugements auraient été biffés du casier judiciaire en fonction de leur gravité, entre 12 et 25 ans après la fin de la peine privative de liberté. Seuls les jugements des personnes condamnées à la prison à vie auraient été inscrits dans VOSTRA jusqu’au décès de la personne.

Principes libéraux

De plus, le catalogue des délits défendu par le Conseil national n’est pas basé sur des critères sérieux, a poursuivi Mme Sommaruga. Les peines prévues pour l’inscription à vie dans VOSTRA s’étalent entre cinq et vingt ans, sans logique. D’autres délits graves ne s’y trouvent pas.

Elle a reçu le soutien de Robert Cramer (Verts/GE). “Il faut se méfier des cas particuliers. Nous ne vivons pas dans un régime totalitaire. Nous ne devons pas sacrifier les principes d’une société libérale.” Une personne condamnée a le droit après avoir purgé sa peine à l’oubli, à repartir de zéro. “Il faut éviter le soupçon permanent.”

Mais ces arguments n’ont pas porté. Au vote, 29 sénateurs contre 14 ont décidé de suivre la Chambre du peuple. Le dossier repasse au National pour des adaptations formelles du texte de loi.

Parmi les autres points de divergence, les sénateurs ont approuvé toutes les décisions du National. Ainsi, les ordonnances de classement rendues par une autorité pénale ne figureront pas dans VOSTRA, contrairement à ce que souhaitait le Conseil fédéral. Les sénateurs ont estimé que le maintien de ces ordonnances dans le casier pouvait contrevenir à la présomption d’innocence.

Pas pour les entreprises

Un des enjeux principaux de la révision de la loi sur le casier judiciaire informatisé visait par ailleurs à introduire un casier pour les entreprises. Le Conseil fédéral proposait d’y enregistrer les jugements pénaux et les procédures pénales. Mais le Parlement n’en veut pas et a enterré ce volet de la réforme, jugé inutile et coûteux par une majorité de droite.

La nouvelle loi prévoit encore une extension massive des droits de consultation du casier. L’accès à VOSTRA sera accordé aux polices cantonales, aux autorités qui surveillent les placements d’enfants ou encore l’adoption internationale. Il est prévu de créer quatre extraits différents du casier, afin qu’une autorité ne connaisse que les informations absolument nécessaires pour accomplir ses tâches.

En contrepartie de l’extension des droits de consultation, le projet renforce la protection des données en étendant les droits des personnes concernées. Celles-ci pourront demander non seulement quelles infractions sont inscrites sous leur nom, mais aussi quelles autorités ont fait des recherches à leur sujet les deux dernières années et dans quel but.

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