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Personne incapable: les proches devraient être davantage associés

Le conseiller national Pirmin Schwander (UDC/SZ) est convaincu, cas à l'appui, qu'il faut réduire les compétences des APEA, raison pour laquelle il lance une initiative populaire en ce sens. KEYSTONE/ANTHONY ANEX sda-ats

(Keystone-ATS) Les autorités de protection de l’enfant et de l’adulte (APEA) devraient avoir des compétences réduites. Une initiative populaire a été lancée afin que les proches des personnes jugées inaptes soient davantage associés aux processus de décision.

Les auteurs de l’initiative «Pour l’autonomie de la famille et de l’entreprise”, issus principalement de Suisse orientale et centrale, ont jusqu’au 15 novembre 2019 pour recueillir les 100’000 signatures nécessaires, indique mardi la Feuille fédérale.

Ils souhaitent avant tout fixer dans la Constitution l’ordre à suivre des proches ayant le droit de fournir une assistance personnelle, de gérer le patrimoine ou de représenter dans ses rapports juridiques une personne frappée d’incapacité de discernement ou d’exercer les droits civils.

La priorité irait au conjoint, ou au partenaire enregistré, puis aux parents ou aux enfants, puis aux grands-parents, aux petits-enfants ou aux frères et soeurs, et enfin au concubin. Cet ordre pourrait être modifié à l’avance par la personne concernée par testament et sans l’assentiment des autorités. Elle pourrait aussi désigner une ou plusieurs personnes ou entreprises. Sa volonté primerait.

Seul un tribunal pourrait, dans le cadre d’une procédure ordinaire, constater l’incapacité de discernement ou l’incapacité d’exercer les droits civils. Idem s’il s’agit de retirer ou restreindre les droits de fournir une assistance personnelle, de gérer le patrimoine ou représenter quelqu’un dans ses rapports juridiques.

Droit en vigueur depuis 2013

Avec le nouveau droit en vigueur depuis le 1er janvier 2013, toutes les décisions relevant de la protection de l’enfant et de l’adulte sont du ressort d’une seule autorité interdisciplinaire désignée par les cantons, argumentent les opposants.

Les APEA disposent d’un droit quasi illimité, a expliqué devant la presse le conseiller national Pirmin Schwander (UDC/SZ). Elles interviennent dans la vie d’enfants, de mères et de pères célibataires, de divorcés, d’handicapés et de personnes âgées, a-t-il dit énumérant des cas concrets. Elles peuvent faire de la vie de ces personnes un véritable enfer.

La nouvelle loi a fait des vagues, surtout en Suisse alémanique, notamment après le drame de Flaach (ZH) le 1er janvier 2015. Une mère qui s’était vue retirer ses deux enfants en bas âge a préféré les tuer plutôt que les ramener dans l’institution où ils avaient été placés alors que les grands-parents s’étaient déclarés prêts à les accueillir.

“Ce ne sont pas des cas particuliers. Je parle de centaines de cas, dans tous les cantons”, a relevé M. Schwander. “Nous proposons un changement de paradigme”. Il faut renforcer la solidarité familiale et empêcher la mise en place d’une assistance en dehors du cercle de connaissance, selon l’opposant de longue date aux APEA, soupçonné d’avoir aidé une femme en fuite à l’étranger à cacher son enfant.

Echec au Parlement

Selon le droit actuel, des personnes capables de discernement peuvent recevoir une assistance par exemple si elles ont besoin d’une aide financière. Les APEA décident qui va être désigné lorsqu’il y a des doutes ou des conflits d’intérêts dans la famille.

Si les intérêts de la personne incapable sont menacés, l’époux peut se voir retirer son pouvoir de représentation. Les souhaits des proches sont pris en compte mais la famille n’a pas de droit absolu. Une des conditions posées est un lien étroit avec la personne à protéger.

Le Conseil fédéral a annoncé qu’il allait examiner comment mieux associer les proches à tous les stades de la procédure et s’il est possible de régler plus concrètement la marche à suivre des autorités en cas de signalement de personne en danger.

Des tentatives de corriger le tir ont déjà échoué au Parlement. Face à ces échecs, “nous devons emprunter la voie sinueuse de l’initiative fédérale”, a relevé la conseillère nationale Barbara Keller-Inhelder (UDC/SG). A Schwyz, une initiative de l’UDC qui demandait que l’APEA revienne sous contrôle des communes a été rejetée par 51% des votants.

Contre-productif

La Conférence en matière de protection des mineurs et des adultes (COPMA) dénonce cette initiative. Selon elle, ce texte est préjudiciable à la protection des enfants et des adultes vulnérables. Aujourd’hui déjà, les membres de la famille sont les premiers interlocuteurs. La loi prévoit exactement les cas de figure où les APEA doivent intervenir.

L’initiative veut imposer une hiérarchie rigide de ce droit sans prendre en compte les relations entre les membres d’une famille. Il peut cependant y avoir de gros conflits d’intérêts. L’initiative ouvre la porte à des abus potentiels. Les APEA ont aussi parfois la mission de protéger les personnes vulnérables de leurs proches.

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