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Portugal: la gauche fait tomber le gouvernement pro-austérité

(Keystone-ATS) La gauche portugaise, unie pour la première fois en 40 ans de démocratie, a mis mardi sa menace à exécution. Elle a provoqué la chute du gouvernement minoritaire de droite “pour tourner la page de l’austérité”, sous l’oeil inquiet des marchés financiers.

Il reviendra désormais au président Anibal Cavaco Silva de décider s’il nomme un Premier ministre de gauche alors que ce conservateur n’a jamais caché sa réticence face à un tel scénario.

Une motion rejetant le programme du gouvernement de droite a été adoptée par les 123 voix des députés de l’opposition, contre 107 à la droite, entraînant ainsi sa démission à peine onze jours après son entrée en fonctions.

Le gouvernement de Pedro Passos Coelho, 51 ans, dont la coalition de droite était pourtant arrivée en tête des élections législatives du 4 octobre, entre ainsi dans l’histoire comme l’exécutif le plus éphémère du Portugal.

“Il est possible de tourner la page de l’austérité dans le cadre de la zone euro”, a assuré à l’issue du vote le secrétaire général du Parti socialiste Antonio Costa, 54 ans, qui brigue la place de Premier ministre.

Zone de turbulence

“Le Parti socialiste a fait un choix radical, préférant se joindre à des minorités qui l’ont toujours combattu”, a déclaré M. Passos Coelho avant d’ajouter que “ce n’est pas tous les jours que l’on quitte le gouvernement en ayant obtenu le soutien des électeurs”.

Avant le vote, M. Costa avait signé trois accords distincts avec le Bloc de gauche, proche de Syriza au pouvoir en Grèce, le Parti communiste et les Verts, qui jettent les bases de l’alliance soutenant un gouvernement du PS, mais font l’impasse sur les engagements européens.

La balle repasse ainsi dans le camp du président. Faute de pouvoir dissoudre le Parlement pendant six mois, il peut soit charger M. Costa de former le gouvernement, soit décider de laisser M. Passos Coelho expédier les affaires courantes en attendant de nouvelles élections.

Climat tendu

Longtemps considéré comme l’élève modèle de la zone euro prompt à appliquer la rigueur budgétaire réclamée par Bruxelles, le Portugal est entré à nouveau dans une zone de turbulences, un an et demi après sa sortie d’un plan de sauvetage financier.

Reflet d’un pays divisé, environ 5000 partisans de la gauche et près de 2000 de la droite ont manifesté mardi dans une ambiance électrique devant le Parlement à Lisbonne, les uns pour saluer le départ du gouvernement, les autres pour s’y opposer.

Dans l’hémicycle aussi, le climat était tendu. “Si la confiance des investisseurs se brise, la menace d’une banqueroute redevient réelle”, a lancé la ministre des Finances Maria Luis Albuquerque, agitant le spectre d’un retour de la troïka des créanciers (UE-BCE-UE) en cas d’arrivée au pouvoir de la gauche.

“Le Portugal a besoin d’une autre politique”, lui a rétorqué Mario Centeno, auteur du programme économique du PS, tout en réitérant qu’un éventuel gouvernement socialiste “honorera tous les engagements européens” du pays.

Gommer les divergences

Victorieuse aux élections législatives avec 38,6% des voix, la coalition de droite a toutefois perdu sa majorité absolue au sein d’un Parlement dominé par la gauche emmenée par le Parti socialiste, arrivé deuxième avec 32,3% des voix.

Pour sceller leur alliance, les partis rivaux de la gauche ont dû chercher, au moins temporairement, à gommer leurs divergences historiques, notamment sur la renégociation de la dette et l’appartenance du pays à la zone euro.

Le programme de la gauche visant à redonner du pouvoir d’achat aux Portugais suscite des inquiétudes en Europe. Mais, pour Bruxelles, la situation au Portugal n’est pas comparable à celle de la Grèce après l’arrivée au pouvoir de Syriza, car Antonio Costa s’est engagé à “respecter les règles budgétaires européennes”.

Parmi les manifestants devant le Parlement, Fatima Carvalho, ouvrière retraitée de 66 ans, se réjouit: “on a rêvé d’une union de la gauche depuis la Révolution du 25 avril 1974, maintenant, c’est chose faite”. Isabel Norton de Matos, interprète de 59 ans, redoute au contraire qu'”avec Antonio Costa, le Portugal ne devienne une nouvelle Grèce”.

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