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Présidentielle: un évangéliste aux portes du pouvoir

Le candidat évangéliste Fabricio Alvarado pourrait bousculer les habitudes au Costa Rica KEYSTONE/EPA EFE/JEFFREY ARGUEDAS sda-ats

(Keystone-ATS) Au Costa Rica, la possibilité de voir le pasteur évangéliste Fabricio Alvarado devenir président dimanche fait craindre un recul des libertés. En tête du 1er tour tour avec 25% des voix, il affronte l’ex-ministre de centre gauche Carlos Alvarado (22%).

Les deux candidats en lice, sans lien de parenté entre eux, sont au coude-à-coude dans les sondages, avec une légère avance pour le premier. A 43 ans, Fabricio Alvarado est un ancien journaliste converti à la religion évangélique, qui s’inscrit dans le courant du protestantisme. Cette dernière attire toujours davantage de fidèles dans les pays d’Amérique latine, traditionnellement catholiques.

Le développement de ces églises, opposées à l’avortement, au mariage gay et à la légalisation de la marijuana, se traduit par une poussée du vote conservateur dans la région, selon les experts.

Le poids du vote évangélique sur le “non” au référendum colombien fin 2016 est une des dernières preuve de l’influence de cette force religieuse en Amérique latine, où ses adeptes dépassent les 30% de la population au Honduras, Guatemala, Nicaragua, Salvador et Puerto Rico, selon le Centre d’investigation Pew basé à Washington.

Au Brésil, il existe même un “banc évangélique” au Parlement qui compte près de 80 membres et a joué un rôle clé dans la destitution fin août dernier de la présidente Dilma Rousseff, jugent les experts.

Montée en puissance

Repéré par le parti Restauration nationale (RN), lié aux églises néo-pentecôtistes, Fabricio Alvarado est devenu le premier député élu de cette formation, puis leur postulant à la présidentielle.

De manière assez inattendue, ce “petit” candidat s’est détaché dans les dernières semaines de la campagne du premier tour du peloton de 13 candidats, passant de 3% d’intentions de vote en décembre à 17% fin janvier. Il le doit à sa position ferme contre l’union de personnes du même sexe, après une récente décision de justice qui affecte tout le continent.

Le 9 janvier, la Cour interaméricaine des droits de l’homme (CourIDH), institution émanant de l’Organisation des Etats américains (OEA), a en effet exhorté les pays de la région à reconnaître le mariage gay, marquant une évolution en Amérique latine, région où les inégalités sont criantes pour la communauté LGBT.

Bien que non-contraignante, cette décision exerce une pression sur les législations locales. Fabricio Alvarado s’est déjà dit prêt à retirer son pays de la CourIDH en cas de victoire dimanche.

Durant la campagne, le candidat évangéliste a aussi déclaré vouloir modifier le contenu des cours d’éducation sexuelle, transformer l’Institut national de la femme en organisme dédié à la famille et annuler un décret interdisant la discrimination contre les personnes issues de la communauté LGBT dans les institutions publiques.

Il défend également la pratique des églises évangélistes qui veulent “soigner” l’homosexualité.

Craintes partagées

“Au cours de cette élection, c’est la démocratie qui est en jeu, l’éducation et la culture aussi, mais surtout les droits de l’homme”, prévient l’économiste Leonardo Garnier, ex-ministre de l’éducation au Costa Rica. Une crainte pour les libertés confirmée par l’ex-défenseuse des droits du Costa Rica Montserrat Solano.

“200 ans après notre indépendance, nous devons décider si nous poursuivons le travail de nos ancêtres de perfectionner, avec les sciences et la raison, une république démocratique et l’Etat de droit (…) ou si nous perdons cet héritage face au dogme et l’exclusion”, a-t-elle écrit récemment sur son compte Twitter.

“Au Costa Rica, nous ne pouvons pas nous permettre de bafouer les droits de l’homme, ni menacer de quitter les cadres légaux internationaux sur lesquels nous nous appuyons”, a encore jugé la diplomate costaricaine Christiana Figueres, qui a négocié l’accord de Paris sur le climat.

Le candidat conservateur a voulu prendre ses distances avec cette image en soulignant qu’aucun des membres de son équipe en matière d’économie, de sports ou encore de sécurité n’était un “religieux”.

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