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Ruban blanc prône l’intégration des hommes dans la lutte

"Aujourd'hui, il existe encore une masculinité toxique et dominante, à travers laquelle les hommes se permettent de battre, d'insulter et de dénigrer les femmes", regrette Elly Pradervand (image symbolique). KEYSTONE/LUIS BERG sda-ats

(Keystone-ATS) Les hommes ont toujours peiné à s’investir dans la lutte contre les violences faites aux femmes. Pour les encourager, le comité d’action Ruban Blanc a mis sur pied un système d’ambassadeurs au masculin.

“Impliquer les hommes dans la lutte contre les violences envers les femmes et les filles n’a pas été facile. Et ce n’est pas encore totalement acquis”, confie à Keystone-ATS Elly Pradervand, membre du comité d’action de Ruban Blanc, qui lancera le 25 novembre une nouvelle campagne de sensibilisation. En cause: l’idée bien ancrée dans la société qu’il s’agit d’un combat de femmes.

“Même la police estime qu’il s’agit de problèmes de femmes”, raconte la Genevoise. “D’après les policiers, les femmes battues ne savent pas ce qu’elles veulent. Elles viennent une première fois remplir une plainte, avant de la retirer deux semaines après car leur partenaire leur a promis de ne plus recommencer. Un mois plus tard, le processus est relancé.”

“Ce faisant, la police ignore les obstacles physiques et psychologiques qu’une femme doit surmonter pour dénoncer son partenaire”, poursuit la présidente de la Fondation Sommet Mondial des Femmes, basée à Genève, qui a lancé Ruban Blanc. Et de préciser qu'”une femme est battue en moyenne entre 15 à 20 fois avant d’avoir le courage d’en parler à quelqu’un, et encore plus avant de pouvoir porter plainte.”

Guterres ambassadeur

La réticence de certaines organisations féministes, qui refusent toute aide masculine, a également été un obstacle pour Ruban Blanc. Mais pour Elly Pradervand, il était temps d’inclure le sexe opposé.

“Les femmes dénoncent les inégalités entre les sexes et les abus, dont elles font l’objet, depuis plus de 50 ans. Et personne ne les écoute vraiment”, rappelle-t-elle. “Il est impératif d’impliquer les hommes. Tout d’abord, parce que les hommes violents n’écoutent que les hommes. Mais aussi parce que beaucoup d’hommes, s’estimant non-violents, se distancient du problème.”

Quelques années après sa naissance en 2009, Ruban Blanc lance ainsi le concept d’ambassadeurs au masculin. Il s’agit de personnalités de tous les domaines professionnels qui s’engagent à ne pas commettre de violences envers les femmes, à ne pas les tolérer et à ne pas rester silencieux. Ils sont aujourd’hui une cinquantaine. Parmi eux, se trouvent notamment le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres et plusieurs politiciens suisses.

Rôle de modèle

S’ils se contentent souvent d’offrir un soutien moral à la cause, les ambassadeurs ont également et surtout un rôle de modèle. “Si un homme bat sa femme et a l’impression que la société tolère ses actes, il continuera à être violent. C’est pourquoi il est important de dire en tant qu’homme qu’on est contre ces violences et ainsi peut-être amener les auteurs à arrêter”, explique le conseiller national Roger Nordmann (PS/VD).

Pour le conseiller aux Etats Raphaël Comte (PLR/NE), “il faut aussi montrer aux femmes qu’elles ne sont pas seules à défendre cette cause. Il ne s’agit pas d’une lutte des femmes contre les hommes, mais d’une lutte commune des femmes et des hommes contre les violences.”

Plus proactif, l’ancien conseiller national Luc Barthassat (PDC/GE) estime qu’il faut discuter du problème, être à disposition des personnes dans le besoin, mais aussi sensibiliser les plus jeunes. “J’apprends à mes enfants le respect de l’autre, qui est une personne à part entière ayant autant de droit que soi-même.”

La jeunesse s’engage

La jeunesse, c’est aussi le pari que fait Ruban Blanc. Fin octobre, le comité d’action a présenté sa nouvelle initiative, qui vise à sensibiliser les jeunes Suisses à la problématique. Rédigée par et pour eux, la déclaration Youth Engage énumère leurs droits et leurs devoirs pour vivre ensemble dans le respect et la bienveillance.

“Aujourd’hui, il existe encore une masculinité toxique et dominante, à travers laquelle les hommes se permettent de battre, d’insulter et de dénigrer les femmes”, regrette Elly Pradervand. “La société doit trouver un moyen de transformer ce modèle de masculinité pour qu’il soit plus adapté à notre époque et nous parions sur la jeunesse pour opérer ce changement.”

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