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Sur le Mont-Blanc, un forage de glace pour la science du futur

Le projet un peu fou consiste à extraire de la glace sur le Mont-Blanc pour la conserver dans un "congélateur naturel" en Antarctique (archives). Keystone/ALESSANDRO DELLA BELLA sda-ats

(Keystone-ATS) A 4300 mètres d’altitude, sur le Mont-Blanc, des scientifiques en tenue d’alpiniste manient la glace avec des précautions d’orfèvre. En quelques jours, ils ont prélevé plusieurs tonnes de cet “or blanc” destiné à la science du futur.

Sur le grand replat enneigé du col du Dôme, dans les Alpes françaises, les grimpeurs engagés dans l’ascension du Toit de l’Europe (4810 m) ne peuvent échapper à ce drôle de “camp de base”: trois tentes, un carottier aux airs de petit puits de pétrole et un grand dôme orange pour emballer les carottes de glace.

Sur un panneau destiné aux curieux, les scientifiques (russe, français et italiens) ont écrit: “Projet Ice memory”. Un projet un peu fou qui consiste à extraire de la glace sur le Mont-Blanc pour la conserver dans un “congélateur naturel” en Antarctique.

Car la glace, menacée par le réchauffement climatique, est une précieuse matière première pour les chercheurs. En se formant sous l’effet des chutes de neige, les glaciers emprisonnent en effet de petites bulles d’air et des impuretés, témoins de l’atmosphère d’il y a plusieurs dizaines ou centaines d’années.

Trois à quatre tonnes de glace

C’est ainsi que les glaciologues ont pu établir le lien entre températures et gaz à effet de serre ou étudier l’évolution de la pollution ou de l’activité industrielle. Et dans quelques années, les progrès techniques permettront sans doute de nouvelles découvertes… à condition qu’il reste de la glace à analyser.

“Trois à quatre tonnes de glace vont descendre du col du Dôme cette année”, souligne Patrick Ginot, glaciologue à l’Institut de recherche pour le développement (IRD) et coordonnateur de l’opération.

Trois carottes de 10 cm de diamètre et de plus de 120 m de long doivent être forées. L’une d’entre elles sera analysée dans un laboratoire à Grenoble pour constituer une base de données ouverte à tous les scientifiques. Les deux autres devraient rejoindre à l’horizon 2020 une cave de neige sur la base franco-italienne Concordia, en Antarctique.

Programme de l’Unesco

Les cylindres de glace sont extraits par tronçon de 1 mètre, brossés, mesurés et empaquetés dans un film plastique. Les carottes sont ensuite rangées dans des caisses isothermes et stockées dans la neige avant leur héliportage dans la vallée. Un travail minutieux qui permet d’extraire 50 mètres de glace par jour quand les conditions météo sont bonnes et qu’il n’y a pas d’incident technique.

Le projet du Mont-Blanc s’inscrit dans un programme de l’agence de l’ONU pour la sciences et la culture, l’Unesco. Il est notamment soutenu par le Centre national français de la recherche scientifique, l’Université Ca’Foscari de Venise et l’Université Grenoble Alpes (UGA).

Mais faute de financement public, il est payé par des mécènes privés. Environ un million d’euros restent à trouver pour financer les analyses et le transport de la glace vers le continent blanc.

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