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Tension américano-iranienne à Genève liée à un ministre controversé

Les opposants iraniens accusent le ministre de la justice Seyyed Alireza Avaei de crimes contre l'humanité. KEYSTONE/VALENTIN FLAURAUD sda-ats

(Keystone-ATS) Washington et Téhéran se sont affrontés mardi à l’ONU à Genève autour du discours du ministre iranien de la justice qui est sous sanctions suisses. Des opposants ont demandé sur la Place des Nations que la CPI juge celui qu’ils accusent de crimes contre l’humanité.

Avant les déclarations de ce responsable controversé, les Etats-Unis se sont dits “consternés” par sa présence au Conseil des droits de l’homme. La situation des droits humains en Iran “mérite mieux”, a affirmé la mission américaine auprès de l’ONU à Genève.

Washington, dont les intérêts en Iran sont représentés par la Suisse, a appelé les Etats membres à “condamner les contrevenants aux droits de l’homme qui cherchent à utiliser le Conseil comme plate-forme pour obscurcir leurs rôles”.

Sous sanctions suisses et européennes, Seyyed Alireza Avaei est considéré comme l’un des responsables des massacres de 1988 en Iran, qui auraient fait jusqu’à 30’000 victimes parmi les opposants. Comme procureur, il était l’une des quelques personnes à décider des exécutions de masse des détenus politiques.

Arabie saoudite encore visée

Dans son discours devant le Conseil, le ministre a à son tour ciblé les Etats-Unis. Il a dénoncé leur soutien “inconditionnel” de Washington à Israël et la décision “provocatrice” du président américain Donald Trump de déplacer l’ambassade américaine à Jérusalem.

Plus largement, il a condamné l’attitude de certains Etats qui utilisent les droits de l’homme pour faire avancer leurs intérêts politiques. Et qui visent “injustement” d’autres pays pour de présumées violations.

Seyyed Alireza Avaei a aussi notamment dénoncé les pays qui ont provoqué la montée du groupe Etat islamique (EI). Il s’en est ensuite pris, sans la nommer, à l’Arabie saoudite pour son attitude dans le conflit yéménite.

Appelant le Conseil à davantage de “bons sens”, il a défendu les récentes réformes du code pénal dans son pays. Mais aussi le moratoire et la reconsidération des cas de milliers de personnes condamnées à être exécutées pour trafic de drogues. La sentence est certes maintenue pour certains criminels, notamment ceux qui dirigent cette activité.

Auparavant, des opposants iraniens en exil s’étaient rassemblés contre la présence du ministre. “Avaei, hors de l’ONU”, ont scandé près d’une centaine de manifestants qui s’en prenaient par ailleurs au guide suprême iranien, l’ayatollah Ali Khamenei, devant les portraits de plusieurs victimes des massacres de 1988.

“De plus en plus isolé”

Après avoir demandé au Ministère public de la Confédération (MPC) et au procureur général genevois Olivier Jornot de poursuivre le ministre iranien, ils ont souhaité un procès devant la Cour pénale internationale (CPI). “Nous voulons que cette tribune à l’ONU se transforme en tribunal”, a affirmé à l’ats un des dirigeants du Conseil national de la résistance d’Iran, Afchine Alavi.

Les opposants souhaitent mettre les Nations Unies et les Etats membres “face à leurs responsabilités”. D’autant plus que le régime iranien “est de plus en plus isolé à l’interne” après les rassemblements récents en Iran.

La Suisse applique des sanctions financières contre Seyyed Alireza Avaei. Elle ne lui interdit toutefois pas l’entrée sur son territoire. Et même dans le cas contraire, elle serait “en principe tenue par ses obligations en droit international de lui permettre de participer à une réunion de l’ONU”, avait dit il y a quelques jours à l’ats l’ambassadeur suisse à Genève, Valentin Zellweger.

Le Conseil des droits de l’homme “n’invite pas. Les pays nous signifient qui ils envoient”, avait affirmé de son côté le porte-parole de l’enceinte onusienne Rolando Gomez.

Dans la liste suisse de sanctions, le ministre iranien est mis en cause notamment en tant qu’ancien président des autorités judiciaires de Téhéran. Il est responsable “de violations des droits humains, de détentions arbitraires, du refus de droits à des prisonniers et de l’augmentation des exécutions”.

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