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Toujours plus de cigognes en Suisse, mais certaines ne migrent plus

Les cigognes sont généralement fidèles et si elles s'y plaisent, elles conservent leur nid, même si elles migrent entretemps (archives). KEYSTONE/APA/APA/ROBERT JAEGER sda-ats

(Keystone-ATS) Plus d’un millier de cigognes vivent en Suisse, un record, de mémoire d’homme, d’autant plus remarquable qu’il y a 70 ans, l’espèce y était considérée comme quasi éteinte. Il faut d’abord voir dans cette évolution les efforts des passionnés de cet oiseau emblématique.

Dès l’après-guerre sous la houlette de Max Bloesch, des cigognes algériennes ont été réintroduites en Suisse. Peu à peu, d’autres amateurs du migrateur ont créé les conditions propices à son installation. Mais cela n’explique pas une telle croissance de leur population.

Leur mortalité a également diminué, ce que certains spécialistes expliquent par un changement dans le comportement migratoire de l’oiseau, devenu plus flexible. Certains n’entreprennent carrément plus leur grand voyage vers le sud à l’approche de l’hiver, tandis que d’autres en réduisent la distance.

Il est aujourd’hui très rare qu’une cigogne passant l’été en Suisse migre jusque dans le Sahel africain, sa zone de villégiature originelle. Celles qui partent ne volent pas plus loin que dans le sud de l’Espagne ou au Portugal.

Elles savent qu’elles y trouveront à manger dans des décharges publiques à ciel ouvert, a indiqué à l’ats Peter Enggist, directeur de la Société Cigogne Suisse, qui a succédé à son fondateur Max Bloesch. A l’image de Porrentruy, du nom de la première cigogne, suivie par GPS, à s’être installée dans la capitale de l’Ajoie, qui se trouvait encore mardi sur une décharge au sud du Portugal.

Affaire de génétique

L’hiver dernier, près de 360 cigognes ont cependant renoncé à migrer, d’après un décompte de Cigogne Suisse. Pour certaines d’entre elles qui sont baguées, c’était une nouvelle expérience, car elles ont été identifiées en Espagne par le passé. Un projet de recherche devrait livrer des informations sur les raisons qui poussent ces migrateurs à se sédentariser.

Personnellement, Peter Enggist avance sa propre hypothèse, basée sur le fait que la distance de migration est génétiquement programmée. Or, comme les cigognes introduites en Suisse après-guerre sont d’origine algérienne, elles migrent sur une distance plus courte, celle séparant l’Algérie de l’Afrique centrale étant équivalente à celle entre la Suisse et l’Espagne ou le Portugal.

Une question d’expérience

L’expérience accumulée par chaque oiseau joue certainement aussi un rôle, estiment encore les spécialistes sur la base des constats de Cigogne Suisse et de la Station ornithologique de Sempach (LU). Selon ceux-ci, les cigognes les plus âgées migrent le moins. Leur vécu leur permet de trouver plus facilement de la nourriture dans des conditions hivernales qu’un jeune oiseau inexpérimenté, a dit à l’ats Livio Rey, de la Station ornithologique.

Et elles savent qu’en passant l’hiver à demeure, elles bénéficient d’un avantage sur celles qui migrent. Sachant que les cigognes sont non seulement fidèles en couple mais aussi à leur nid, celles qui restent évitent de se le faire prendre par une rivale. Il ne reste aux plus jeunes qu’à construire leur propre nid.

Objectifs dépassés

Grâce à l’engagement de passionnés, à l’image de la Fondation des Marais de Damphreux (JU) qui aménage des sites, cette étape leur est facilitée. Ainsi, le nombre de cigognes qui se sont installées près de Porrentruy s’est multiplié très rapidement.

Sur les plus de 1000 cigognes qui ont passé l’été dernier en Suisse, les spécialistes ont recensé quelque 470 adultes vivant en couple, dont 370 parents, et 757 jeunes. Les objectifs du plan d’action de la Confédération, de Cigogne Suisse, de la Station ornithologique et de BirdLife en faveur de la cigogne blanche sont dès lors déjà atteints, six ans avant terme.

Le travail des associations n’en est pas pour autant terminé. Des efforts sont encore nécessaires en matière d’aménagement de cadres de vie propices à la reproduction et offrant de la nourriture en suffisance. Des territoires agricoles exploités de manière extensive ou des zones marécageuses revitalisées sont à ce titre idéaux.

Les dangers se renouvellent

Il s’agira aussi de veiller à réduire les dangers qui déciment les cigognes, à l’image des lignes à haute tension et autres câbles ou, plus récents, des pâles des éoliennes qui échappent à leur vue. Sans compter le danger que représente l’homme lui-même. L’oiseau figure ainsi toujours sur la liste rouge des espèces menacées.

Car à côté des amoureux de l’imposant migrateur, il existe aussi des gens pour lesquels les cigognes sont jugées indésirables. A cause des déchets végétaux qu’elles abandonnent en construisant leur nid ou de leurs déjections, elles ne sont pas les bienvenues sur tous les toits et cheminées. Cigogne Suisse intervient aussi dans ce genre de cas, afin de faciliter la cohabitation.

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