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Trafic de drogue: infiltration contestée en vain par la défense

Cette affaire judiciaire touche à un trafic de drogue international, portant sur des centaines de kilos de cocaïne et de marijuana (photo symbolique). KEYSTONE/MARTIAL TREZZINI sda-ats

(Keystone-ATS) Le procès de quatre hommes accusés à divers niveaux de participation à un trafic international de drogue s’est ouvert lundi devant le Tribunal criminel de La Chaux-de-Fonds. Les méthodes d’infiltration ont été contestées en vain par la défense.

“Il y a eu une débauche de moyens – 5000 pages de conversation d’écoutes téléphoniques, une taupe, des micros, des balises GPS – pour des charges finalement assez minces”, a déclaré un des avocats des prévenus, Olivier Bigler. Selon lui, la “méthodologie obscure” de l’enquête en matière de traduction n’était pas conforme à la jurisprudence du Tribunal fédéral.

L’avocat s’interroge notamment sur les déductions de la police. “Comment a-t-elle pu déduire dans une discussion en albanais que quand on parle de voiture, il s’agit d’héroïne et quand on parle de carrelage de marijuana?”, observe Olivier Bigler.

Pour les avocats d’un autre prévenu, le restaurateur italien approché par la taupe, l’infiltration était peu conforme et incomplète. Ils ont notamment reproché à la procureure, de n’avoir pas instruit la personne infiltrée.

Selon la procureure, Nathalie Guillaume-Gentil Gross, “le procureur ne doit pas instruire directement l’agent infiltré. On a choisi de ne pas le rencontrer pour éviter de le griller. Dans un petit canton comme Neuchâtel, si on le rencontre par hasard à la Migros et qu’on le salue par réflexe, il est grillé”.

Moyens de preuve valables

Le Ministère public a également défendu que “l’intégralité des preuves est valable”. Ce dossier, nommé l’affaire chrome, comporte 20’000 pages, ce qui représente six cartons bananes. Il a fait l’objet de nombreux recours de procédure.

“Tous les recours sur les moyens de preuve ont été écartés”, a ajouté Nathalie Guillaume-Gentil Gross. Selon elle, la défense veut “dépecer cette enquête” en écartant des pièces. Au final, la Cour n’a pas retenu aucun des moyens préjudiciels déposés par les différents avocats des prévenus.

Interrogé par la présidente du Tribunal, Muriel Barrelet, le principal accusé, un Kosovar de 51 ans en détention à La Chaux-de-Fonds, a déclaré vouloir “tourner la page” à l’issue du procès. “J’aimerais être condamné uniquement pour ce que j’ai fait, mais pas pour ce qu’on a dit que j’ai fait”.

Le second prévenu, un Kosovar de 58 ans détenu à Gorgier (NE), a répété qu’il conteste les accusations portées à son encontre en matière de stupéfiants. Hormis cet aspect, il est notamment accusé de blanchiment d’argent.

Vengeance personnelle

Le troisième accusé, un Kosovar de 43 ans libéré sous conditions, conteste ce qu’on lui reproche et s’oppose à la manière dont on le décrit. “Je n’ai jamais frappé personne. Je ne suis pas un al Capone”. Il a l’impression d’être suivi depuis qu’il est sorti de prison.

“La procureure a le bras long. C’est une vengeance personnelle de sa part. J’étais son traducteur à l’époque et elle était tombée amoureuse de moi”. Nathalie Guillaume-Gentil Gross a rappelé que de telles accusations avaient déjà été portées à son encontre et que le prévenu n’a jamais dit s’il voulait sa récusation.

Elle a donc reposé la question de la récusation. L’avocat du prévenu, Olivier Bigler, a répondu qu’il ne l’exige pas car il n’y a pas suffisamment d’éléments pour le faire.

Le 4e prévenu, un restaurateur italien de 58 ans libéré sous conditions, ne comprend pas ce qu’il lui arrive. “Pourquoi un patron de bistrot se serait-il improvisé délinquant à plus de 50 ans”, s’interroge son avocat Daniel Brodt ? Selon lui, le prévenu est une victime collatérale dans la volonté de mettre fin à des organisations criminelles.

“C’est la narration d’une histoire à charge. L’agent infiltré était un agent provocateur, car il a poussé le restaurateur à commettre une infraction”, a expliqué Me David Freymond, le second avocat du restaurateur. C’est lui qui aurait notamment mis en contact la taupe et le principal accusé.

Les quatre prévenus sont accusés à divers degrés d’infractions graves à la loi fédérale sur les stupéfiants et d’actes de blanchiment d’argent. Ils sont notamment soupçonnés d’avoir participé dans le cadre d’une bande à un vaste trafic international de drogue.

Centaines de kilos de cocaïne

Le trafic aurait duré entre mai 2011 et septembre 2015. Les prévenus auraient utilisé des subterfuges pour faire livrer des centaines de kilos de cocaïne depuis l’Amérique latine en Europe, ainsi que pour faire passer depuis l’Albanie et le Kosovo en Suisse des centaines de kilos de marijuana.

Selon le Ministère public, la drogue était dissimulée parmi des marchandises licites transportées dans des containers par voie maritime ou aérienne, en faisant croire qu’il s’agissait notamment de fleurs, d’asperges, de crevettes, de filets de perche, de meubles ou de champignons.

A l’issue d’une longue enquête, le quatuor a été interpellé en 2015. Le procès se tient jusqu’à jeudi sous haute surveillance policière.

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