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Un ancien élève accuse un pédagogue de renom d’avoir abusé de lui

Le livre de Markus Zangger et Hugo Stamm accuse le pédagogue Jürg Jegge d'avoir abusé sexuellement de mineurs dès les années 1970. KEYSTONE/WALTER BIERI sda-ats

(Keystone-ATS) Un ancien élève zurichois reproche à un pédagogue alémanique réputé et primé d’avoir abusé sexuellement de lui, il y a plusieurs décennies, dès l’âge de 12 ans. Il a publié un livre sur le sujet, en collaboration avec le journaliste de renom Hugo Stamm.

Ancien rédacteur au Tages-Anzeiger, le journaliste à la retraite Hugo Stamm a présenté mardi à Zurich le livre accusateur aux médias, au côté de son auteur Markus Zangger. L’ouvrage, intitulé “Jürg Jegges dunkle Seite” (“Le côté sombre de Jürg Jegge”), raconte les abus que le pédagogue lauréat du Prix Dorion en 2011 lui aurait fait subir en tant qu’enseignant d’une classe d’élèves en difficulté.

La présomption d’innocence de Jürg Jegge prévaut et les faits reprochés sont prescrits, car ils se seraient produits dans les années 1970 et 1980. “Il ne s’agit pas d’un règlement de comptes”, souligne Markus Zangger, aujourd’hui quinquagénaire. Le but du livre est, selon lui, de “donner du courage aux autres victimes” (du pédagogue), “et faire en sorte que l’on parle de ces sujets”.

Un signal aux abuseurs

Le livre vise toutefois aussi à émettre un signal à tous les abuseurs: “leurs actes finissent un jour par être révélés”, déclare Markus Zangger. Sous prétexte de mesures thérapeutiques, Jürg Jegge aurait abusé sexuellement de lui, notamment lors de séances de masturbation à deux.

Markus Zangger n’a réussi à couper tout contact avec le pédagogue qu’à l’âge de 28 ans. “Mais ma dépendance psychique a subsisté bien plus longtemps encore”, explique-t-il.

Lettre d’explication du pédagogue

Le livre rend aussi publique une lettre que Jürg Jegge a adressée en mai 2015 à Markus Zangger, en réponse aux reproches qu’il lui avait alors fait directement. Le pédagogue y évoque “la rupture d’un tabou” entre adultes et mineurs, “comme moyen de libération” du corps et de la sexualité, théorie en vogue dans les années 1970 dans les milieux de la gauche alternative, qu’il avait alors faite sienne.

Dans cette lettre, Jürg Jegge conteste avoir abusé de son pouvoir, tout en admettant avoir commis ces actes “dans son propre intérêt, mais pas seulement”. Il admet cependant qu’il ne les répéterait plus aujourd’hui, la société ayant fortement criminalisé entretemps les contacts sexuels entre enfants et adultes. “Ce serait contre-productif” pour les jeunes d’aujourd’hui, écrit le pédagogue.

“La lettre laisse transparaître qu’il y a eu des abus sexuels”, indique à l’ats Hugo Stamm dans une vidéo. Trois psychologues ont confirmé cette interprétation, ajoute le journaliste. Quatre autres élèves de l’époque ont en outre confirmé par écrit qu’ils ont vécu de tels abus sexuels. L’ats a tenté, mardi, de prendre contact avec Jürg Jegge. Ce dernier n’était toutefois pas joignable.

Récompensé à deux reprises

En 2011, le pédagogue zurichois a reçu le Prix Doron, doté de 50’000 francs. Il était alors récompensé pour son engagement en faveur des jeunes qui échouent à l’école en raison de problèmes sociaux et psychiques.

En 1985, il avait créé un atelier de formation pour jeunes en difficulté. Il a aussi été lauréat du Prix Mächler en 1999, récompensant des personnes critiques actives dans les domaines religieux, humaniste et éthique.

SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision

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