Des perspectives suisses en 10 langues

Un sismomètre développé avec l’EPFZ va s’envoler sur Mars

Vue d'artiste de l'atterrisseur avec le sismomètre au premier plan. NASA sda-ats

(Keystone-ATS) Le lancement du robot américain InSight vers Mars est programmé ce samedi à 13h05 à partir de la base de Vandenberg en Californie. Des sismologues de l’EPFZ jouent un rôle-clé dans cette mission.

InSight (Interior Exploration using Seismic Investigations, Geodesy and Heat Transport) est la première mission dédiée à l’étude du sous-sol de Mars. Elle doit durer deux ans – soit une année martienne – et vise à faire avancer la compréhension des processus de formation de toutes les planètes rocheuses, dont la Terre, ainsi que de leur évolution.

La sonde de la NASA emportera notamment un instrument de mesure sismique développé sous la conduite du Centre national d’études spatiales français (CNES). Différentes équipes européennes ont participé à son élaboration.

L’Ecole polytechnique fédérale de Zurich (EPFZ) a notamment contribué à l’électronique ultrasensible de l’appareil, en collaboration avec l’entreprise SYDERAL SA à Chules (BE). Cette dernière a fourni un boîtier qui permet de contrôler le fonctionnement du sismomètre et de mesurer les mouvements infimes du sol martien.

Si le lancement du robot par une fusée Atlas V-401 a lieu samedi comme prévu – la fenêtre de tir est ouverte deux heures par jour jusqu’à mardi -, il arrivera sur la planète rouge le 26 novembre.

Station géophysique

InSight a pour but d’étudier la structure interne de Mars, via le déploiement à sa surface d’une station géophysique embarquée dans un atterrisseur fixe. Une fois sur le sol martien, un bras robotisé déploiera le sismomètre SEIS (Seismic Experiment for Interior Structures), une sorte de stéthoscope d’environ 30 kilos pour un diamètre de 60 centimètres.

Quelques semaines plus tard, ce capteur sismique “très large bande” d’une précision inégalée devrait déjà livrer des données utilisables, et les sismologues de l’EPFZ seront les premiers à les consulter. Le dispositif mesurera l’activité tectonique de Mars, ce qui permettra d’en déduire des informations sur sa structure, entre autres la taille du noyau et l’épaisseur du manteau.

Le but est notamment de déterminer si le coeur de la planète rouge est solide ou liquide et pourquoi sa surface n’est pas composée de plaques tectoniques mouvantes comme sur Terre.

Les impacts de météorites seront également analysés, via les ondes sismiques générées. Le sismomètre sera recouvert d’un bouclier qui l’isolera des bourrasques de vent martien et des variations de température.

Echelle de magnitude martienne

Comme l’a expliqué à l’ats Domenico Giardini, professeur de sismologie et géodynamique à l’EPFZ, les ondes captées par le sismomètre permettront de tirer des conclusions sur la densité de la roche et la température à l’intérieur de Mars. Sur les 728 jours terrestres que durera la mission, le spécialiste s’attend à une cinquantaine d’événements.

En recoupant les éléments de localisation, de force et de distance, les chercheurs pensent obtenir “une très bonne structure de données”, indique l’ancien directeur du Service sismologique suisse.

Une des questions qui se posent est comment les modèles terrestres pourront s’appliquer. L’équipe du Pr Giardini a ainsi créé pour Mars une nouvelle échelle de magnitude inspirée de celle de Richter. Les séismes y sont en effet de faible intensité.

Histoire thermique

Le dispositif au sol inclut encore le capteur HP3 (Heat Flow and Physical Properties Package), capable de saisir le flux de chaleur jusqu’à une profondeur de cinq mètres. Il doit évaluer la vitesse de refroidissement de la planète afin de reconstituer son “histoire thermique”.

Un autre instrument, RISE (Rotation and Interior Structure Experiment), quantifiera quant à lui les variations de l’axe de rotation de la planète rouge.

Les chercheurs espèrent comprendre “pourquoi cette planète qui a été habitable a priori il y a 4 milliards d’années a cessé de l’être peu à peu”, comme le formule Philippe Lognonné, responsable scientifique de SEIS au CNES.

La mission a dû être reportée de deux ans à cause de problèmes sur le sismomètre. Son coût est de l’ordre du milliard de dollars. Et rien n’est encore gagné, les missions sur Mars étant réputées difficiles, avec un taux de succès de 40% seulement. Les Etats-Unis sont les seuls à ce jour à y avoir placé et opéré avec succès un atterrisseur.

SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision

SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision