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Washington reconnaît une frappe mais nie avoir visé la mosquée

"Nous allons enquêter sur les allégations selon lesquelles cette frappe aurait fait des victimes civiles", a déclaré un responsable américain. Les forces états-uniennes ont en revanche nié avoir délibérément visé la mosquée (photo symbolique). KEYSTONE/AP/VADIM GHIRDA sda-ats

(Keystone-ATS) Les forces armées américaines ont reconnu avoir effectué une frappe dans le nord de la Syrie, contre Al-Qaïda. Elles ont en revanche nié avoir délibérément visé une mosquée où au moins 49 personnes ont péri, selon un nouveau bilan avancé vendredi.

D’après l’Observatoire syrien de droits de l’homme (OSDH), la frappe aérienne contre la mosquée d’Al-Djina, une localité de l’ouest de la province d’Alep tenue par les rebelles syriens, a fait au moins 49 morts, des civils en majorité. L’ONG a ajouté que des avions de combat avaient frappé au moment de la prière alors que l’édifice religieux était rempli de fidèles.

Selon Rami Abdel Rahmane, directeur de l’OSDH, une centaine de personnes ont également été blessées dans ce raid aérien sur ce village sous contrôle de groupes rebelles. Le groupe islamiste Ahrar Al-Cham a affirmé dans la journée que la mosquée avait été frappée par la coalition sous commandement américain.

Selon le correspondant de l’AFP sur place, il y a deux mosquées proches l’une de l’autre. Toutes deux portent le nom d’Omar ben al-Khattab. La nouvelle mosquée a été complètement détruite et l’ancienne endommagée.

Enquête en vue

Le capitaine Jeff Davis, porte-parole du Pentagone, a montré à la presse des photos du site qui, a-t-il dit, ont été prises après la frappe. On y voit une mosquée intacte située à côté de la cible localisée par le Pentagone. Il a ajouté que l’armée américaine estimait que plusieurs dizaines de militants d’Al-Qaïda ont péri dans cette frappe.

“Nous n’avons pas visé une mosquée, mais le bâtiment que nous avons ciblé, là où avait lieu le rassemblement (d’Al-Qaïda), se trouve à environ 15 mètres d’une mosquée qui est toujours debout”, avait déjà plaidé jeudi soir le colonel John J. Thomas, porte-parole du Centcom, le commandement des forces américaines au Moyen-Orient.

Dans un communiqué préalable, le Centcom avait annoncé que “les forces américaines (avaient) effectué une frappe aérienne sur un rassemblement d’Al-Qaïda en Syrie, le 16 mars, dans la province d’Idlib, tuant plusieurs terroristes”. Plus tard dans la journée de jeudi, le porte-parole du Centcom a cependant reconnu que la localisation précise de cette frappe n’était pas claire, mais qu’il s’agissait bien du même raid rapporté sur le village d’Al-Djina.

“Nous allons enquêter sur les allégations selon lesquelles cette frappe aurait fait des victimes civiles”, a ensuite déclaré le colonel Thomas.

Fouille des décombres

Des images filmées par un correspondant de l’AFP montrent des habitants et des Casques blancs, ces secouristes des zones rebelles de Syrie, fouillant les décombres à l’aide de torches et de pelles. On y voit une partie du bâtiment religieux entièrement détruit et des voitures à proximité carbonisées.

“Nous avons entendu des explosions quand la mosquée a été frappée. C’était juste après la prière, à un moment où en général il y a des cours de religion pour les hommes”, a témoigné Abou Mohammed, un habitant.

“Quand je suis arrivé, j’ai vu 15 cadavres, et beaucoup de morceaux de corps au milieu des débris. Certains corps n’étaient même pas reconnaissables”, a-t-il indiqué.

Cessez-le-feu

Un cessez-le-feu parrainé par la Russie, alliée du régime syrien, et la Turquie, soutien des rebelles, est certes entré en vigueur en décembre 2016, mais les violences ont continué dans le pays. Le ciel syrien est encombré par les avions du régime syrien, ceux de la Russie, ceux de la Turquie et ceux de la coalition internationale dirigée par les Etats-Unis.

La Russie est intervenue militairement au côté du régime en septembre 2015. Mais elle a toujours démenti les accusations selon lesquelles ses raids ont tué des civils en Syrie. La coalition internationale concentre habituellement ses frappes sur les djihadistes du groupe Etat islamique (EI) et ceux de Fateh al-Cham, l’ex-branche syrienne d’Al-Qaïda, qui occupent des régions en Syrie.

Déclenché par la répression de manifestations pro démocratie, le conflit est devenu très complexe avec la montée en puissance de groupes djihadistes, l’implication de forces régionales et de puissances internationales, sur un territoire très morcelé. Au total, en six ans, la guerre en Syrie a déjà fait plus de 320’000 morts.

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