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Très intimes «Confessions genevoises»

Rousseau, une figure clé du passé genevois et de son imagerie.

S'appuyant sur les mémoires de Jean-Jacques Rousseau, Henri-Frédéric Amiel et Georges Haldas, le Musée Voltaire de Genève dévisage la Cité de Calvin.

Trois grands auteurs, trois époques différentes, trois façons aussi de dire le rapport à soi, à l’enracinement ou à l’exil.

D’emblée le décor frappe par son atmosphère. On se croirait quelque part chez Tchekhov, dans «La Cerisaie» précisément, avec une humanité en partance.

Dans la principale salle du Musée Voltaire où se tient l’exposition «Confessions genevoises», c’est donc un monde prêt pour le départ qui attend le visiteur. Les volets ont été fermés. Tous les fauteuils sont recouverts de draps blancs, y compris cette vieille malle contenant des plaques, elles aussi blanches, rehaussées de citations écrites en noir.

Amour et rejet

Comme des bouteilles jetées à la mer, elles délivrent leurs messages rédigés il y a bien longtemps. En voici un: «Je suis de Genève comme n’en étant pas». C’est signé Henri-Frédéric Amiel (1821-1881), écrivain et philosophe genevois, exilé de lui-même. A ses côtés, son compatriote Jean-Jacques Rousseau amoureux, quant à lui, de sa ville natale, éloigné d’elle à la fin de sa vie, malgré lui.

De Rousseau, voici donc ce message laissé lui aussi dans la malle: «Jamais je n’ai vu les murs de Genève, jamais je n’y suis entré sans sentir une défaillance de cœur». Le ton ici pathétique s’oppose à celui plus viril d’un autre genevois, Georges Haldas, 90 ans, poète, essayiste et traducteur greco-suisse qui délivre, quant à lui, ses messages par vidéo interposée.

De sa voix rocailleuse il dit: «Je suis dépouillé de tout enracinement, j’ai deux patries». Entendez, la Grèce et la Suisse.

Rousseau, Amiel, Haldas: trois époques différentes, trois façons de vivre l’enracinement et l’exil. «Confessions genevoises» réunit donc les trois hommes par le biais de leurs mémoires.

«J’ai choisi l’écriture mémorielle parce qu’elle traduit mieux que toute autre forme d’expression littéraire le rapport à soi, à l’autre et à la ville où l’on a vu le jour», explique François Jacob, commissaire de l’exposition.

Photos, vidéo, illustrations iconographiques, lettres et manuscrits disent les liens des trois écrivains avec la Cité de Calvin. Attachement viscéral pour Rousseau, envie de fuite constante pour Amiel et questionnement quasi métaphysique pour Haldas qui a eu la chance de voir naître la Société des Nations et de connaître donc la Genève internationale où l’ici et l’ailleurs se confondent forcément.

Le visage qui change

Mais «Confessions genevoises», c’est aussi le temps qui passe. Car d’auteur en auteur et de siècle en siècle, la ville change bien sûr de visage. Du temps de Rousseau, Genève est fortifiée, sa muraille touche l’actuelle gare Cornavin.

«Amiel, en revanche, vit au moment où l’on détruit la muraille et où l’on commence les travaux d’urbanisation, c’est pour lui traumatisant», commente François Jacob.

Quant à Haldas, sa Genève est celle des cafés marocains, italiens ou espagnols, lieux cosmopolites, ruches toujours animées où l’auteur s’installait pour écrire «de 6h du matin jusqu’à 6h du soir», précise encore François Jacob.

Le commissaire de l’exposition est français. Débarqué à Genève il y a cinq ans, il dit aujourd’hui, parlant de cette ville: «Les rapports y sont âpres. Et pourtant elle vous accueille si vous savez vous intéresser à elle».

swissinfo, Ghania Adamo

«Confessions genevoises», exposition à voir au Musée Voltaire, Genève, jusqu’au 29 février 2008.

Jean-Jacques Rousseau est né à Genève en 1712, et décédé à Ermenonville, près de Paris, en 1778. Ses cendres sont transférées au Panthéon en 1794. Il est l’auteur de nombreux ouvrages dont certains inspireront les mouvements révolutionnaires du XVIIIe siècle. On lui doit, entre autres, «Les Confessions», qui donnent leur titre à cette exposition.

Henri-Frédéric Amiel voit le jour à Genève en 1821 et y décède en 1881. Il enseigne la philosophie à l’université de sa ville natale et publie plusieurs volumes de poèmes et d’études historiques. Il est surtout connu pour son Journal intime.

Georges Haldas est né à Genève en 1917, d’un père grec et d’une mère suisse. Poète, essayiste et traducteur, il est lauréat de plusieurs prix littéraires. Il a publié plus de 60 ouvrages dont: «Venu pour dire», «Le livre des trois déserts», «Ulysse ou la mesure de l’homme», ainsi qu’une autobiographie dont se nourrit également l’exposition.

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