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Traité antitabac: la Suisse se fait attendre

La Convention antitabac interdit la vente de cigarettes aux mineurs. Keystone Archive

La Suisse devra adapter ses lois avant de pouvoir ratifier la Convention mondiale antitabac qui est entrée en vigueur dimanche.

Pour l’Organisation mondiale de la santé (OMS), le traité représente une étape historique dans la lutte contre le tabagisme qui fait cinq millions de morts par an.

Sur 1,3 milliard de fumeurs dans le monde, 650 millions mourront prématurément à cause du tabac, selon l’OMS. L’agence des Nations unies s’est félicitée de l’entrée en vigueur dimanche de la Convention antitabac, signée par 168 pays et ratifiée désormais par 57 pays.

Le texte a été adopté en mai 2003 par l’Assemblée mondiale de la santé, après trois ans de négociations à Genève. La Suisse l’a signé en juin 2004, mais elle ne prévoit pas de pouvoir le ratifier avant 2010 ou 2012.

Modifications législatives

Plusieurs dispositions de la Convention requièrent en effet des adaptations législatives en Suisse. Ces changements concernent les règles de publicité, de vente aux mineurs et de protection contre la fumée passive, précise l’Office fédéral de la santé publique (OFSP).

L’adaptation de la législation suisse aux normes de la Convention sur la publicité et la vente aux mineurs exige une révision de la loi fédérale sur les denrées alimentaires. La procédure de consultation commencera l’année prochaine.

Mais l’approbation de la loi pourrait prendre du temps face à certaines résistances, notamment des milieux de la publicité. Concernant les mesures de protection contre la fumée passive, le Conseil fédéral enverra un rapport au parlement d’ici la mi-2005.

Un pas important a déjà été franchi en novembre avec l’entrée en vigueur de la révision de l’ordonnance sur le tabac. Elle permet de proscrire l’appellation «light», trompeuse sur les paquets de cigarettes, et d’uniformiser les règles d’étiquetage pour donner une information plus claire.

Interrogé sur l’impact de l’entrée en vigueur du traité sur la situation en Suisse, Philippe Vallat, responsable du programme national de prévention du tabagisme à l’OFSP a affirmé qu’elle n’aura pas d’influence juridique directe, mais seulement «un effet indirect».

Premiers effets dans 30 à 40 ans

De son côté, l’OMS avertit que l’entrée en vigueur du traité n’aura pas une effet immédiat sur la consommation de tabac. Il faudra attendre la mise en oeuvre des dispositions de la Convention et d’éventuels protocoles renforçant les mesures antitabac pour constater un effet.

«Il faudra 30 à 40 ans avant que la demande de tabac diminue», a précisé la directrice de l’Initiative de l’OMS contre le tabac, le Dr Vera Luiza da Costa e Silva.

Il faut dire que l’industrie du tabac investit de plus en plus dans les pays en développement, des marchés où la consommation est en hausse en raison de l’augmentation de la population.

Pressions de l’industrie

La responsable de l’OMS a également dénoncé les pressions des multinationales du tabac pour empêcher la ratification de la Convention dans certaines pays. Elle a notamment fait état de pressions auprès des membres du Congrès américain.

«Il n’y aura pas d’apocalypse. La demande ne va pas diminuer demain», a souligné un autre responsable de l’OMS, le Dr Douglas Bettcher, coordinateur de la Convention.

Selon lui, «la question de la disparition des producteurs de tabac, brandie comme un épouvantail par l’industrie, ne se posera pas avant 2030 ou 2040».

D’ici là, la mise en oeuvre de la Convention permettra de trouver des solutions alternatives pour les producteurs touchés par la baisse de la demande, a-t-il fait remarquer.

Catalogue de mesures

A compter de l’entrée en vigueur du traité, l’Etat partie a trois ans pour prendre les mesures garantissant la présence de mises en garde sanitaires «claires, visibles et lisibles» sur les paquets de cigarettes. Il a cinq ans pour interdire complètement la publicité, la promotion du tabac et les activités de parrainage.

L’Etat qui est dans l’incapacité d’instaurer une interdiction globale de la publicité «du fait de sa Constitution» peut imposer seulement «des restrictions» à la publicité en faveur du tabac et à la promotion et au parrainage du tabac.

Le traité prévoit également des mesures de protection contre le tabagisme passif, la mise en oeuvre de mesures législatives pour interdire de fumer dans les lieux publics et de travail.

La vente des produits du tabac aux moins de 18 ans est interdite. Des mesures doivent être prises pour s’assurer que les distributeurs automatiques ne soient pas accessibles aux mineurs. La Convention recommande par ailleurs l’application de mesures financières et fiscales dissuasives pour réduire la consommation.

Plusieurs pays de l’Union européenne ont ratifié la Convention: l’Allemagne (décembre 2004), la France (octobre 2004), la Grande-Bretagne (décembre 2004), l’Espagne (janvier 2005), les Pays-Bas (janvier 2005) notamment. Le Japon a ratifié le traité en juin 2004. La 1ère conférence des Etats parties devrait se tenir en février 2006.

swissinfo et les agences

Selon l’OMS, le tabagisme est la deuxième cause de mortalité dans le monde.
Chaque année, près de cinq millions de personnes meurent de maladies liées à la fumée.
Les Suisses font partie des plus gros fumeurs en Europe: 32% des 14-65 ans fument.
8’300 personnes meurent prématurément du tabagisme chaque année en Suisse.

– La Convention antitabac de l’OMS, qui prévoit un catalogue de mesures pour lutter contre le tabagisme, est entrée en vigueur dimanche.

– 168 pays l’ont signée. Et jusqu’ici seuls 57 pays l’ont ratifiée.

– La Suisse a signé la Convention en juin 2004, mais ne pourra pas la ratifier avant 2010. Des modifications de la législation nationale sont nécessaires.

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