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Travail forcé en Birmanie: l’économie suisse peine à s’engager

Le travail infantile est monaie courante en Birmanie. Ici une usine de chaussures de sport à Rangoon. Keystone

Le travail forcé en Birmanie figure au menu de la 89e assemblée de l'Organisation internationale du travail (OIT) qui débute ce mardi à Genève. En Suisse, syndicats et organisations non gouvernementales (ONG) ont réactivé leur campagne pour le retrait des entreprises actives dans le pays. Celles-ci résistent malgré la pression du public.

Le travail forcé concernerait encore un million de personnes en Birmanie. L’OIT a demandé en novembre dernier aux Etats, entreprises et syndicats d’adopter des sanctions contre Rangoon pour obtenir l’éradication de cette pratique.

Cette décision sans précédent a redonné un coup d’accélérateur aux campagnes pour le retrait des entreprises actives au Myanmar (nouveau nom de la Birmanie). En Suisse aussi, les ONG exhortent depuis des années touristes et voyagistes à renoncer à ce pays tant qu’il n’aura pas donné des signes tangibles d’ouverture démocratique.

Elles ont ajouté depuis quelques mois à leurs cibles la multinationale Triumph, dont le siège est à Zurzach (AG). Cette société emploie un millier d’employés dans son usine birmane.

Pour la première fois, l’Union syndicale suisse (USS) est entrée dans la bataille, à l’instigation de la Confédération internationale des syndicats libres. Elle a envoyé début mars une lettre à Triumph, à la Fédération suisse des agences de voyages et à une vingtaine de tour-opérateurs.

Les réponses sont peu encourageantes, reconnaît Colette Nova, de l’USS, pour qui «les entreprises nient contribuer à soutenir le régime par leur présence».

Triumph affirme que ses employés birmans bénéficient de meilleures conditions que la moyenne dans le pays. L’entreprise ne veut pas «endosser la responsabilité d’un licenciement purement politique». «Nous ne croyons pas aux sanctions et sommes pour un dialogue avec le régime», explique Alois Hirzel, porte-parole de la société.

Pourtant, ajoute Mme Cova, «les ouvriers du textile gagnent en moyenne 8 dollars par mois pour des semaines de 45 à 60 heures. Ce n’est pas difficile d’offrir mieux, et les allégations de Triumph sont invérifiables».

Pour la Fédération internationale des travailleurs textiles, quelque 16 % des profits de Triumph finissent dans les coffres du régime, qui contrôle toute l’économie. L’entreprise s’inscrit en faux: «Nous n’avons pas de «joint-venture» avec les militaires», assure-t-elle.

Quant aux voyagistes, ils laissent le libre choix à leurs clients. Les quelque 25 tour-opérateurs actifs en Birmanie arguent qu’ils ne travaillent qu’avec des partenaires privés.

Des arguments que n’accepte pas Christine Plüss, du Groupe de travail tourisme et développement pour la Birmanie. «L’Etat est derrière tout. De plus, les voyagistes profitent forcément des infrastructures construites grâce au travail forcé, sans parler du gain en terme d’image pour la junte».

En revanche, si les entreprises sont peu coopératives, le public répond présent. Depuis février, 4000 personnes ont envoyé des cartes à Triumph à la suite de la campagne «Clean Clothes» (CCC) et 12 000 ont signé la pétition contre le travail forcé de l’association Suisse-Birmanie.

Les Suisses, en premier, renoncent à passer leurs vacances au Myanmar. Ils n’auraient été que 2500 en 1999, selon Mme Plüss. Economiquement, la junte est aux abois, estime Claude Schauli, de l’Association Suisse-Birmanie. Son Année du tourisme (1996) a fait un flop, avec seulement 150 000 visiteurs sur le demi-million escompté.

Sous cette pression de l’opinion publique, les investisseurs commencent à réagir. Ils hésitent et plusieurs multinationales, surtout américaines, se sont retirées du pays.

La grande exception revient à la France. Pour preuve, le groupe pétrolier français Total Fina Elf totalise la moitié des investissements étrangers en Birmanie.

A terme, les sanctions économiques devraient faire plier le régime, comme pour l’Afrique du Sud, prévoit Claude Schauli.

swissinfo et les agences

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