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Des médecins suisses au secours des Taïwanais

Tremblement de terre à Taiwan
Située sur une des zones sismiques les plus actives du monde, Taïwan subit régulièrement de violents séismes, comme ici à Hualien, à l'est de l’île, en février 2018. Keystone / Ritchie B. Tongo

Ignoré par l’OMS, Taïwan vient de signer un accord de collaboration avec les Hôpitaux Universitaires de Genève (HUG) pour un soutien humanitaire relatif aux séismes qui frappent régulièrement l’île.

Au même moment et à deux pas de là s’ouvrait la 72e Assemblée annuelle de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), avec 191 États, mais sans Taïwan. Pourtant, ce pays de 23 millions d’habitants est en état d’urgence permanent car, d’après les scientifiques de l’Institut de physique du globe de Paris (IPGP) elle fait partie des zones sismiques les plus actives de la planèteLien externe. D’une superficie moindre que la Suisse, cette île très densément peuplée se trouve entre deux plaques tectoniques qui s’enfoncent l’une sous l’autre jour après jour, en provoquant, quasi quotidiennement, des tremblements de terre, comme le démontrent les statistiquesLien externe.

Médecins suisses à Chichi

En septembre 1999, un séisme d’une magnitude de 7,6 faisait plus de 2000 morts et 10’000 blessés à Chichi, ville située en plein centre de Taïwan, et marquait le début d’une collaboration humanitaire entre les médecins locaux et leurs homologues suisses.

Vingt ans plus tard, le ministre de la Santé de Taïwan signait à Genève un Mémorandum d’entente (MOU) avec le Département de médecine humanitaire des HUG. Un triple objectif régit cet accord daté du 22 mai 2019, comme l’explique le docteur Jih-Haw Chou, directeur des centres taïwanais de contrôle médical: «Des experts suisses seront reçus à Taïwan pour élaborer avec nos équipes d’urgentistes des lignes rouges d’intervention pour tous types de situations créées par les désastres naturels. Ensuite, ces réglementations théoriques seront mises en pratique, toujours conjointement, lors d’exercices sur le terrain. Finalement, cette émulation professionnelle donnera naissance à une coopération en matière de recherche scientifique, de sorte à élaborer avec nos homologues suisses des solutions universelles susceptibles d’aider toutes les populations concernées par ces mêmes fléaux.»

Cette intention de collaborer et de partager des connaissances ne date pas d’hier. En 1995 déjà, la Fondation de l’alliance des professions médicales de Taïwan faisait pression sur son gouvernement pour intégrer l’OMS. Sa directrice Shih-Chia Lin témoigne: «En 1997, soit deux ans après le début de nos efforts, notre ministère des Affaires étrangères a enfin fait sa demande officielle d’adhésion à l’OMS. Parallèlement, nous menions des campagnes d’information au Japon, aux États-Unis et dans l’Union européenne pour obtenir des soutiens et intégrer cette institution afin de bénéficier de ces communications comme le reste du monde.»

Ce manque d’information relatif aux pandémies cause, en 1998, le décès de 78 enfants taïwanais des suites d’Entérovirus, suivis, en 2003, de 73 autres morts dus au syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS), auquel le pays fait face sans aucun soutien extérieur. Il lui faudra attendre 2009 et beaucoup d’autres décès pour obtenir enfin de l’OMS un statut d’observateur. Victoire pourtant de courte durée, puisque ce droit lui est retiré en 2016. Même l’offre, en 2018 d’une donation d’un million de dollars pour venir en aide aux malades d’Ebola en Afrique n’est pas acceptée par cet organisme mondial.

Derrière cette mise à ban, il y a la Chine, dont le président actuel a encore déclaré en début d’année: «Taïwan doit être réunifié avec la Chine et il le sera!»

Allégeance à Pékin

Formose («belle» en portugais) de son ancien nom, l’île de Taïwan fut colonisée tour à tour par les Chinois, les Hollandais et les Japonais. Ces derniers, après leur défaite de 1945, la remettent aux Nations Unies, qui la confient à la République de Chine. Après la guerre civile chinoise (1927-1950), deux millions de ses nationalistes fuient la nouvelle République populaire de Chine et son Parti Communiste en s’établissant à Taïwan.

Leur leader, Tchang Kaï-chek puis son fils imposent à l’île le régime de parti unique, favorisent l’industrialisation et y font régner la terreur blanche jusqu’en 1987. Après le décès de son dernier tyran en 1987, le pays économiquement prospère entame sa démocratisation en établissant un système multipartite qui aboutit en 1996 à l’élection au suffrage universel de son premier président.

Pourtant, à ce jour, aucune convention n’a jamais clairement défini le statut politique de l’île. Seuls 17 petits États – dont la Suisse ne fait pas partie – reconnaissent officiellement son gouvernement. Pour la Chine communiste, elle fait donc partie intégrante de son territoire. Vision radicalement différente de celle de Taïwan capitaliste, qui a réussi à construire un système démocratique exemplaire en trente ans seulement.

Aujourd’hui, le pays réclame sa reconnaissance par l’OMS pour rompre l’isolement de sa population en cas de cataclysme majeur. Une revendication légitime d’après l’article 2 de la Déclaration universelle des droits de l’homme, dont la communauté internationale fait ici peu de cas.

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