Des perspectives suisses en 10 langues

UBS: un sauvetage géant aux allures de déjà-vu

Keystone

Parquer les actifs toxiques d'une banque dans une société chargée de les valoriser à long terme? Les Etats-Unis viennent d'y renoncer. La Suisse a elle retenu cette solution après la débâcle d'UBS. De quoi rappeler des souvenirs aux contribuables genevois ou bernois.

«Fondation des casseroles». C’est de ce doux surnom que les Genevois avaient rebaptisé l’entité spéciale créée en 2000 pour absorber les actifs douteux de la Banque cantonale de Genève (BCGE) après l’éclatement de la bulle immobilière de la fin des années 80.

Faudra-t-il recycler l’expression au niveau fédéral ? C’est en effet le même type de solution qui a été prévu pour permettre au géant bancaire helvétique UBS de se débarrasser de ses positions à risques adossées pour la plupart à des titres américains.

Ces dernières, à hauteur de près de 58 milliards de dollars à fin septembre, seront transférées dans un fonds financé en majeure partie par un prêt de la Banque nationale suisse (BNS). Son échéance est de huit ans, prolongeable jusqu’à dix voire douze ans.

«A la différence de l’UBS, la BNS a du temps», avait déclaré le président de la Banque nationale Jean-Pierre Roth au lendemain de l’annonce du plan de sauvetage. Rassurant, il avait indiqué que le paquet n’était pas «qu’une somme de risques», mais qu’il contenait «de bons et de moins bons titres» qui avaient de «bonnes chances d’être replacés» à long terme.

Un optimisme partagé par le Conseil fédéral (gouvernement) et le directeur de l’administration fédérale des finances Peter Siegenthaler. Tout en précisant que d’éventuelles pertes seraient à la charge non de la Confédération ou des cantons mais de la BNS, le haut fonctionnaire a dit partir du principe que ces titres pourront être revendus avec un bénéfice.

Précédents genevois et bernois

Toutes proportions gardées, les expériences faites au niveau des banques cantonales montrent cependant le contraire. A Genève, ce sont 5,3 milliards de francs de créances douteuses qui avaient été extraites du bilan de la BCGE. Liquidée au 30 juin 2008, la fondation chargée de les valoriser escompte une perte d’un peu plus de 2,1 milliards de francs.

Et ceci alors qu’elle a pu agir dans un contexte économique propice. «Nous avons bénéficié d’une excellente conjoncture. Les taux hypothécaires et le marché immobilier étaient favorables. Nous avons ainsi réussi à limiter les dégâts», confirme Gilbert Vonlanthen, directeur de la fondation.

A Berne, la société Dezennium Finanz mise en place en 1993 pour sauver la banque cantonale de la faillite avait absorbé 6,5 milliards de titres pourris. Selon les résultats de la liquidation publiés en décembre 2002, ses pertes se chiffraient à quelque 2,5 milliards de francs.

Au final, les contribuables ont donc toutes les chances de passer à la caisse. «La plupart de ces procédures de valorisation d’actifs illiquides, comme ces dernières années aux Etats-Unis ou en Suède, ont abouti à des pertes, souligne Luc Thévenoz, directeur du Centre de droit bancaire et financier de l’Université de Genève. Mais elles étaient toutefois moindres que les pertes maximales prévues.»

Recapitalisation à la vaudoise

Dans le cas de l’entité ad hoc créée pour UBS, il estime pour sa part, à l’instar de nombreux autres spécialistes, que «personne aujourd’hui ne peut prédire à quelle valeur ces actifs pourront être réalisés». D’autant qu’il s’agit de produits très structurés autrement plus complexes que de simples créances immobilières garanties par des immeubles ou des terrains.

A ses yeux cependant, l’ensemble de la formule choisie par la Confédération – qui finance par des fonds publics prise de participation et financement du délestage – est «raisonnable». A noter que le gouvernement américain a quant à lui annoncé mercredi qu’il renonçait à son plan de rachat d’actifs invendables des banques, Washington préférant finalement entrer directement dans le capital des établissements en difficulté.

Privilégiée en son temps par l’Etat de Vaud – qui avait injecté plus de 2 milliards de francs dans son établissement cantonal dans les années 2000 -, la recapitalisation n’aurait pourtant pas été directement applicable à UBS, selon Luc Thévenoz.

«La BNS ne pouvait pas entrer au capital d’UBS en raison de la loi qui la gouverne. La Confédération aurait donc dû sortir les fonds nécessaires, ceci dans une proportion alors nettement supérieure à 6 milliards de francs. De plus, ni les pouvoirs publics ni UBS ne désiraient que la Confédération devienne un très gros actionnaire de la banque», explique-t-il.

L’effet ‘récession’

A son avis, la solution choisie implique en fait plusieurs atouts. Outre le facteur temps invoqué par la BNS, le professeur relève qu’UBS dispose de son côté d’une longueur d’avance. Ayant décelé la toxicité de ces actifs depuis plus d’une année, la grande banque a en effet pu, partiellement du moins, les décortiquer, les évaluer et les amortir.

Et comme c’est elle qui, sous le contrôle de la BNS, sera chargée de les valoriser, elle devrait donc être en mesure de savoir comment s’y prendre sur le marché américain, qu’elle connaît. Autre avantage comparativement à ce qui s’est passé avec les banques cantonales, les titres ne seront pas repris à une valeur surévaluée.

«Les actifs seront rachetés soit après amortissement dans les comptes UBS, soit après évaluation par un expert indépendant au 30 septembre. Cela ne veut pas dire qu’ils ne peuvent pas par la suite encore se déprécier, mais on part quand même de beaucoup plus bas», précise Luc Thévenoz.

Actuellement sur toutes les lèvres, le mot de ‘récession’ pourrait donc bien au bout du compte rimer très difficilement avec celui de ‘valorisation’.

swissinfo, Carole Wälti

A la fin des années 1980, la Suisse a été confrontée à une grave crise immobilière.

Dans un contexte de haute conjoncture, l’inflation s’est renforcée et les taux d’intérêt ont augmenté très rapidement et de manière très marquée.

Une situation comparable en bien des points à celle traversée récemment par les Etats-Unis, où la crise a cependant été amplifiée puis mondialisée par la titrisation des biens immobiliers.

Lors de la crise immobilière en Suisse, les banques ont enregistré des pertes sur le marché intérieur du crédit de plus de 42 milliards de francs entre 1991 et 1996.

Plusieurs garde-fous ont été mis en place par la suite en matière de conditions de prêt et de surveillance des risques.

L’acheteur doit par exemple fournir 20% de fonds propres pour se voir prêter de l’argent.

Le plan de sauvetage présenté au matin du 16 octobre par la Confédération est historique.

Jamais jusque-là l’Etat helvétique n’était intervenu aussi massivement dans l’économie.

La Confédération prévoit de renforcer la base des fonds propres d’UBS en débloquant un prêt de 6 milliards de francs convertible en actions. L’Etat pourrait au final détenir 9,3% du capital d’actions de la plus grande banque suisse.

Ce montant sera prélevé des fonds de la Confédération et ne pèsera pas sur le bilan des caisses fédérales.

Le crédit devrait rapporter plus de 700 millions de francs par an à la Confédération grâce à un taux d’intérêt de 12,5%.

Parallèlement, un fonds ad hoc sera créé pour racheter les actifs toxiques d’UBS.

Celui-ci sera financé par UBS à hauteur de 6 milliards de dollars au plus et par un prêt de la BNS de 54 milliards de dollars maximum.

En cas de pertes, UBS est déliée de l’obligation de rembourser.

En cas de bénéfices, le premier milliard ainsi que 50% de l’éventuel capital restant irait à la BNS. Le reste irait à UBS.

En conformité avec les normes du JTI

Plus: SWI swissinfo.ch certifiée par la Journalism Trust Initiative

Vous pouvez trouver un aperçu des conversations en cours avec nos journalistes ici. Rejoignez-nous !

Si vous souhaitez entamer une conversation sur un sujet abordé dans cet article ou si vous voulez signaler des erreurs factuelles, envoyez-nous un courriel à french@swissinfo.ch.

SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision

SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision