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UBS doit aussi changer de stratégie

Le patron d'UBS Oswald Grübel a annoncé sa démission samedi. Keystone

Le patron d’UBS Oswald Grübel a jeté l’éponge suite à la fraude d’un courtier qui a provoqué une perte de 2 milliards de francs. Pour la presse, cette issue est insuffisante: il faut un changement de stratégie et le départ du président du conseil d'administration.

La nouvelle est tombée vendredi. Le patron d’UBS Oswald Grübel a annoncé sa démission avec effet immédiat, tirant ainsi les conséquences des transactions frauduleuses d’un courtier londonien et du manque de contrôle exercé par la banque.

Pour assurer l’intérim, le conseil d’administration a nommé Sergio Ermotti, un spécialiste de la banque d’investissement, qui est actuellement responsable des activités d’UBS en Europe, Afrique et Moyen-Orient. Le choix définitif d’un nouveau patron n’interviendra qu’ultérieurement.

Une décision logique

Les commentateurs de la presse suisse jugent globalement que ce retrait est logique compte tenu du nouveau scandale qui a touché la banque.

«La démission d’Oswald Grübel est en soi un élément important de clarification. Quelle que soit la nature de sa responsabilité dans l’accident de trading à Londres, ce départ donne dans le monde l’impression que le groupe bancaire suisse est capable d’intervenir rapidement sur ses problèmes de stabilité. Plutôt que de traîner pendant des mois une controverse sans fin sur le maintien d’un top manager incarnant la stratégie», note ainsi le journal des affaires L’Agefi.

«Nous vivons une époque où les patrons de banques passent du statut de sauveur à celui de paria presque aussi rapidement que les entraîneurs de foot, ironise pour sa part Le Matin Dimanche. Pour consolider UBS, deux têtes grises étaient sorties du bois. [NDLR: le patron Oswald Grübel et le président du conseil d’administration Kaspar Villiger]. Un ratage total: le premier tombe, le second voit sa tête réclamée elle aussi.»

Problèmes pas réglés

Mais s’ils trouvent cette démission logique, les commentateurs sont tout aussi unanimes à considérer qu’elle n’est pas suffisante. La NZZ am Sonntag résume bien l’opinion générale en écrivant: «Oswald Grübel s’en va, les problèmes restent».

Plusieurs éditorialistes regrettent en premier lieu que la banque ait opté pour une solution intérimaire, alors qu’elle se retrouve une nouvelle fois en pleine tempête. «Lorsque l’on veut opérer un changement de génération à la tête et que l’on dit que le nouveau capitaine doit piloter dans des eaux agitées, pourquoi alors une solution intérimaire? Pourquoi ne donne-t-on pas à Ermotti une chance définitive?», écrit par exemple que quotidien bernois Bund.

Pour beaucoup, le choix même de Sergio Ermotti pose question. Car avec ce spécialiste de la banque d’investissement, UBS marque un «changement de style, mais pas de cap», ainsi que le note le quotidien Le Temps. Et le quotidien La Liberté d’ajouter: «La sortie de route d’Oswald Grübel ne changera rien fondamentalement à la stratégie développée par UBS depuis le krach de 2008». 

Or, pour bon nombre de commentateurs, il serait temps qu’UBS change de stratégie. La Sonntagszeitung, par exemple, juge que la banque a jusqu’ici suivi une stratégie «illusoire». Il convient maintenant d’introduire des limites: «une limite supérieure en matière de risques, de bonus et de pertes».

Une autre tête réclamée

Beaucoup d’éditorialistes estiment que pour parvenir à ce changement de stratégie, il faut maintenant aussi un changement à la tête du conseil d’administration. La presse, en Suisse alémanique surtout, demande ainsi ouvertement la tête de son président, l’ancien ministre des Finances Kaspar Villiger.

«Peut-on pousser un ouf de soulagement parce qu’Oswald Grübel a donné sa démission? Non. C’est Kaspar Villiger le problème, pas Grübel», écrit par exemple La Berner Zeitung.

Le Bund enfonce encore un peu le clou en écrivant: «La situation est encore péjorée par le fait qu’avec Kaspar Villiger, le président du conseil d’administration, on a encore une figure de transition qui veut rester presque deux ans. Le déficit de nature technique de Kaspar Villiger s’est une nouvelle fois manifesté à la fin de la semaine. Lors d’une conférence téléphonique samedi et d’une interview dimanche, il a déclaré ne pas avoir observé, jusqu’il y a un an,  un changement de paradigme  dans l’industrie de la finance suite à la crise financière de 2008. Un retrait en anticipé de Kaspar Villiger n’est cependant pas à l’ordre du jour.»

Le Tagesanzeiger estime également que Kaspar Villiger montre une nouvelle fois ce qui lui manquant déjà à l’époque où il était politicien. Il doit son succès à son «aura d’intégrité», beaucoup moins à des qualités techniques. «A UBS, on garde l’impression que Villiger se cache derrière le CEO Oswald Grübel. Et dans ses mandats précédents dans des conseils d’administration, il est resté caché lorsque des décisions rapides étaient demandées.»

UBS a annoncé qu’un courtier ayant causé une perte de l’ordre de deux milliards de dollars liée à des transactions non autorisées avait été appréhendé à Londres. Lundi dernier, elle a revu à la hausse la perte engendrée, à

2,3 milliards de dollars

(soit environ 2 milliards de francs suisses).

Cette perte a conduit l’agence de notation financière Moody’s à placer la note AA3 long terme d’UBS sous surveillance, en vue d’une possible dégradation en raison des «faiblesses dans la gestion du risque du groupe».

Une perte de 2 milliards de dollars serait certes «gérable» par la banque, note Moody’s, mais «ces pertes soulèvent des questions sur la capacité du groupe à réussir la reconstruction de ses opérations de banque d’investissement».

  

La nouvelle de l’arrestation du courtier soupçonné d’être l’auteur de la fraude a fait l’effet d’une bombe dans le monde financier et le titre UBS a clôturé jeudi en chute de 10,80% à 9,75 francs suisses, dans un marché haussier.

La banque a précisé que cette affaire risquait de faire plonger dans le rouge ses résultats du troisième trimestre, mais que ses clients ne devraient pas en souffrir directement.

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