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Umberto Barberis accuse les conseillers de Köbi Kuhn

Keystone

L'ancien international et entraîneur ne mâche pas ses mots sur la performance de l'équipe de Suisse. Pour Umberto Barberis, l'heure du bilan et des comptes a sonné. Et Köbi Kuhn n'est pas seul responsable du fiasco. Les experts de l'Association suisse de football (ASF) sont montrés du doigt.

Compétiteur dans l’âme, l’ancien joueur de Monaco et de l’équipe de Suisse est à la fois triste et fâché de la performance des Suisses à l’Euro.

Selon lui, cette aventure est un gâchis, une belle occasion manquée, un flop monumental.

Artisan du football, il demande aux responsables techniques de l’Association suisse de football (ASF) de ne pas se cacher derrière le départ de Köbi Kuhn et de tirer les conclusions d’un échec qui est aussi en grande partie le leur.

swissinfo: Umberto Barberis, vous semblez en avoir gros sur le moral après cet Euro avorté de l’équipe de Suisse?

Umberto Barberis: Oui et c’est légitime. Je ne pousse pas un coup de gueule mais je pose un constat! C’est la première fois, et peut-être la dernière, que la Suisse organise un Eurofoot et c’est un fiasco sportif. Il ne faut pas se voiler la face, même si l’organisation est irréprochable, pour nous c’est un Euro raté!

En fonction des moyens mis en œuvre et des déclarations faites avant la compétition par les joueurs, je comprends que la population se sente flouée. Il n’y a qu’en Suisse où une fédération et une équipe nationale puissent se satisfaire d’une victoire contre le Portugal B dans un match de ‘gala’ sans enjeu. Et osent se vanter d’une première victoire dans un Eurofoot en regrettant simplement l’élimination. Mais c’est de la rigolade. A l’étranger, tout le monde se marre.

swissinfo: Tout cela, est-ce la faute à Köbi Kuhn?

U.B.: Non. Köbi Kuhn était un formidable joueur et il a toujours bien senti les choses comme entraîneur. A mon sens, il est plus victime que fautif.

Son principal tort est de n’avoir pas eu le courage de démissionner au moment où il a été mis sous tutelle par le Département technique de l’ASF (entre la fin de Mondial 2006 et le début de l’Euro).

Mais je le comprends un peu, car il pensait réellement partir sur un «gros» truc. Il était persuadé que son équipe, bien que moins forte que beaucoup d’autres, allait se sortir les tripes pour décrocher la lune. Il a sans doute commis quelques erreurs, mais il avait les mains liées.

Au final, c’est lui – et dans une moindre mesure le gardien Pascal Zuberbühler – qui reste devant et qui prend les flèches (il en a pris aussi de derrière). Un peu comme en mai 68, où lorsque les CRS arrivaient, ne restaient que les lanceurs de cailloux; tous ceux qui les alimentaient avaient pris la poudre d’escampette.

swissinfo: Qui porte la plus grande responsabilité de cet échec?

U.B.: Le Département technique de l’ASF, anciennement dirigé par Hansruedi Hasler. C’est ce ‘département’ qui lui a mis dans les pattes un manager – Adrian Knup – et une armada de techniciens comme Mario Comisetti, Bernard Challandes, Claude Ryf, Yves Débonnaire, Pierre-André Schürmann, Pierluigi Tami, Martin Trumpler ou Heinz Moser.

Tous ces ‘docteurs’ se sont répartis les internationaux (cinq chacun) et sont allés les voir dans leurs clubs à plusieurs reprises. Ils ont également rempli des armoires de classeurs de notes sur les adversaires de la Suisse et même des futures équipes que la Suisse aurait pu rencontrer en quarts de finale, voire plus loin.

Pire, des investissements sans précédent ont été consentis au niveau du développement et de la mise au point d’une batterie de tests élaborée par des médecins, des physios et des spécialistes en condition physique de Macolin.

Chaque international a dû se soumettre à un programme spécifique dans son club et effectuer des tests tous les mois.

Aujourd’hui, c’est le moment du bilan et des questions! Le travail a-t-il été bien fait? Qui a-t-il dans tous ces cahiers de note? Les batteries de tests et les milliers de francs dépensés en valaient-ils la peine? Qu’a réellement fait Adrian Knup à part l’homme invisible? Où est passé Stéphane Chapuisat, la figure suisse de l’Euro?

J’aimerais simplement des réponses. Et voir tous ces responsables prendre leurs responsabilités. Car il y a eu abondance de biens, de moyens et d’hommes… pour un résultat zéro. Même l’Autriche (avec un seul point au compteur contre 3 à la Suisse) est restée plus longtemps que nous dans le tournoi.

Je ne suis pas là pour dire: ce sont des nuls. J’ai juste l’impression qu’ils sont nuls… à moins qu’ils me montrent ce qu’ils ont fait! Alors, soit ils changent de politique, soit ils remettent leurs mandats en question.

swissinfo: Cela va-t-il changer avec l’arrivée d’Ottmar Hitzfeld?

U.B.: Je pense effectivement que oui. Je connais assez bien Ottmar Hitzfeld et je suis sûr qu’il va très vite demander au Département technique de l’ASF de le laisser faire son boulot et de s’occuper de ses affaires: soit des sélections juniors sur le déclin, en ne ratant pas la naturalisation de jeunes talents comme celle de Petric ou Rakitic, qui jouent aujourd’hui sous les couleurs de la Croatie.

Interview-swissinfo: Mathias Froidevaux

Né le 5 juin 1952 à Sion en Valais, Umberto Barberis a été le consultant de swissinfo pour les derniers matches de préparation de l’équipe de Suisse ainsi que les rencontres disputées par la troupe de Köbi Kuhn durant l’Euro. Il vous donne aussi rendez-vous sur le Blog VIP de swissinfo où vous pourrez réagir à ses propos très… tranchés.

Meneur de jeu durant sa carrière de footballeur, il a remporté trois Coupe de Suisse (deux fois avec Servette et une fois avec Sion), deux championnats de Suisse (avec Servette), un championnat de France (avec Monaco) et quatre Coupe de la Ligue (avec Servette).

En 1982, il a été élu meilleur joueur étranger du championnat de France.

Il compte 54 sélections en équipe de Suisse (7 buts).

Devenu entraîneur dès la fin des années 80, il a successivement présidé aux destinées de quatre clubs romands : Lausanne-Sport, Sion, Servette et Baulmes.

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