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Un «Jeudi noir» encore dans toutes les mémoires

Des chômeurs faisant la queue pour la soupe populaire à New York. Keystone

Il y a 75 ans cette semaine que s’est produit le fameux crack boursier de Wall Street, qui a conduit le monde à la récession. La Suisse n’a bien sûr par été épargnée.

La crise économique a marqué le pays pendant plusieurs années, mais n’a pas vraiment pris une tournure dramatique, estime un historien bernois.

Tout commence ce fameux «Jeudi noir». Dans la matinée du 24 octobre 1929, le cours de la bourse de New York plonge dans les abîmes.

L’effondrement boursier se poursuit les jours suivant. Au «Jeudi noir» succèdent le «Vendredi noir», le «Lundi noir» et le «Mardi noir». Il s’agit en fait du plus grand crack boursier de l’histoire.

Ce crack marque le point de départ d’une récession économique mondiale qui, au cours des années suivantes, place de nombreux Etats et des millions de personnes au bord du gouffre.

Plus tard mais plus longtemps



En Europe, c’est l’Allemagne qui est la plus touchée. En 1932, le pays compte plus de six millions de chômeurs. Une situation qui contribue à l’accession des nazis au pouvoir l’année suivante.

La Suisse ne pouvait bien sûr pas rester en marge d’une telle crise mondiale.

Les effets s’y sont certes fait sentir d’une manière moins dramatique que dans d’autres pays, mais ont duré plus longtemps, indique Bernard Degen, professeur d’histoire à l’Université de Berne.

«Au début de la crise, l’économie intérieure, et plus particulièrement le secteur du bâtiment, a continué à bien marcher, déclare-t-il. Il existait en Suisse une grosse pénurie de logements depuis la fin de la Première Guerre mondiale et la demande en habitation restait forte».

La Bourse suisse elle-même n’a d’abord connu qu’un petit recul. «A l’époque, elle ne jouait pas un grand rôle, explique l’historien. Les entrepreneurs suisses se finançaient surtout eux-mêmes ou grâce à des crédits bancaires». Ce n’est finalement qu’en 1931 que la Bourse suisse a été plus durement touchée.

Mais les actionnaires suisses étaient à l’époque surtout des personnes riches et «certainement pas de petits actionnaires qui plaçaient toutes leurs économies en actions», souligne Bernard Degen.

Aux Etats-Unis, posséder des actions était en revanche courant, même parmi les petits épargnants.

Pas les mêmes effets pour tout le monde



Du côté des banques suisses, ce sont surtout les banques ayant de nombreux placements à l’étranger qui ont été ébranlées. Elles ne pouvaient en effet plus rapatrier leur argent, par exemple de l’Allemagne qui avait imposé un moratoire des payements.

«Les banques cantonales, dont les créanciers étaient surtout des Suisses, n’ont en revanche pas eu d’aussi gros problèmes», explique Bernard Degen.

Des différences peuvent également être observées dans le secteur industriel. Les industries traditionnellement tournées vers l’exportation, comme l’horlogerie, le textile ou les machines ont été touchées de plein fouet.

«De nombreuses branches ont réussi par la suite à se remettre de la crise. Mais certaines ont sombré à tout jamais, comme par exemple la filature de soie qui avait encore à cette époque une certaine importance à Bâle», précise l’historien.

Des chômeurs plutôt discrets



Les chiffres montrent qu’avec 125’000 chômeurs, la Suisse a atteint le sommet de la crise en 1936. Pourtant ces masses de sans-abri et de chômeurs qui marquaient le quotidien des villes américaines n’y existaient pratiquement pas.

«Certes, il y avait des chômeurs dans les villes, explique Bernard Degen. Il existe des images qui montrent des queues de sans-emploi devant les offices du travail de Genève, Zurich ou Bâle».

«Mais il n’y avait pas de ces spectaculaires concentrations de chômeurs, car les industries les plus touchées, comme l’horlogerie et le textile, étaient constituées de petites entreprises disséminées sur le territoire», poursuit-il.

Au plan politique, le gouvernement et le Parlement ont mis sur pied un véritable management de crise. Jusqu’en 1936, la politique a surtout été marquée par la poursuite de l’équilibre budgétaire et des économies.

Pour y parvenir, le Parlement ne s’est pas montré très regardant sur les moyens. «Il est typique de cette époque de voir le Parlement avoir recours à l’arrêté fédéral urgent, car tout référendum est ainsi exclu», explique Bernard Degen.

Cette manière de faire a finalement cessé en 1949, suite à l’acceptation par le peuple de l’initiative populaire «Retour à la démocratie directe».

Une histoire qui se répète



Le crack de 1929 n’était que le prélude à une série de chutes des cours qui, jusqu’à aujourd’hui, frappent les actionnaires à intervalles irréguliers.

«Lorsque la bulle spéculative liée à la nouvelle économique a éclaté, en 2000, beaucoup de petits actionnaires suisses ont été touchés, contrairement à ce qui s’était passé en 1929», rappelle l’historien.

Mais si l’histoire se répète, les effets sont moins catastrophiques, car la base financière des investisseurs est plus large. «La misère de ceux qui ont vécu le crack de 1929 aux Etats-Unis était beaucoup plus grande que lors des cracks suivants», conclut Bernard Degen.

swissinfo, Renat Künzi
(Traduction: Olivier Pauchard)

Le cours de Wall Street a chute de 90% entre octobre 1929 et l’été 1932.
L’indice Dow Jones est passé de 381 points en septembre 1929 à 41,22 à l’été 1932.
Les 381 points n’ont à nouveau été atteints qu’en 1964.
Durant la crise des années 30, le taux de chômage aux Etats-Unis a atteint 25%.
125’000 chômeurs en Suisse en 1936.

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