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Un Beuys «biologique» au Kunsthaus de Zurich

Joseph Beuys à la Documenta 7 de Kassel en 1977. Archivio Storico De Domizio Durini

Les expositions d’art présentent souvent des archives documentant les œuvres exposées. Avec «Difesa della natura», une action de Joseph Beuys menée dans les années 1970 en Italie, ce sont ces objets et documents qui deviennent le cœur de l’exposition.

«Tout le monde connaît les «Olivestones» mais peu savent d’où elles viennent», affirme Tobia Bezzola, conservateur au Kunsthaus de Zurich. «Cette exposition est l’occasion unique de traverser une phase de la vie de Joseph Beuys et de voir comment il a travaillé.»

De fait, cette «Difesa della natura», du nom d’une action menée par l’artiste (1921-1986) à Bolognano, petit village au sud des Abruzzes, n’est pas une exposition ordinaire. Peu d’œuvres d’art au sens classique – les fameuses «Pierres d’olive» en forment la remarquable exception – mais plus de cent documents, archives, objets, photographies (dont la qualité est davantage documentaire que photographique) plongent le visiteur dans la vie et le travail de Beuys.

Joseph Beuys est venu pour la première fois à Bolognano en 1972. Il y reviendra régulièrement jusqu’en 1985 pour y séjourner chez ses amis, le Baron Buby Durini et sa femme Lucrezia De Domizio qui l’accompagneront et financeront son travail, y compris l’action «7000 chênes» de la Documenta 7 à Cassel (1982).

Parmi les largesses de ses amis mécènes, il y aura aussi les cinq bassins en pierre, datant du début du 18e siècle, qui deviendront les «Olivestones». Joseph Beuys a pu les choisir lui-même dans le Palazzo Durini

Avec les Durini, propriétaires d’un domaine agricole, l’artiste perfectionne aussi sa théorie de la «sculpture sociale», vue comme création visant à améliorer l’humanité en lui montrant son interaction avec le reste de l’univers. Au contact de la nature et des paysages italiens, Joseph Beuys accentuera aussi sa philosophie écologique.

Etudes biologiques pointues

Les photographies montrent ainsi l’homme au feutre et au gilet en train de tester des graines, des plantes et de réfléchir aux processus naturels. Il plante, goûte, touche des feuilles, regarde la nature autour de lui. «Les objets forment un complexe dont chaque élément renvoie aux autres, explique Tobia Bezzola. C’est n’est pas une histoire, mais des histoires.»

Joseph Beuys et son couple d’amis vont aux Seychelles ensemble. L’artiste en ramènera un établi en bois sur lequel il fixera sa fameuse bande collante blanche, donnant une touche absurde à l’objet, qui fait partie de l’exposition. On y trouve aussi sa machette, des morceaux d’écorce sur lesquels il a écrit le type exact de la plante, mais aussi une antique machine à trier les céréales, intitulée «Contre la faim dans le monde» (1984).

Objets et œuvres d’art sont exposés à Zurich dans des salles non rectilignes: en partant des «Olivestones» («la seule installation de Beuys qui fonctionne encore et qui a toujours fonctionné», selon le directeur du musée Christoph Becker), offertes au Kunsthaus de Zurich par le couple Durini en 1992, le spectateur doit faire des crochets, aller de l’avant, revenir en arrière, pour traverser ce qui est autant une phase de vie qu’une œuvre.

Les photos montrent aussi le Beuys militant, amoureux du discours, de la théorie et de la pratique: l’action «Difesa della Natura» commence par la plantation de 7000 arbres et arbustes menacés de disparition sur un terrain de 15 hectares, qu’il nomme «Piantagione Paradise».

Don de la collection au Kunsthaus

Durant tous ces séjours, Beuys a l’habitude de signer des objets qu’il a utilisés, des objets plus ou moins insignifiants, plus ou moins porteurs de sens, et de les donner ensuite à la baronne. Il trouve un parapluie multicolore abandonné? Il ne s’en sépare pas pendant des jours, le signe et le donne. Le parapluie est aujourd’hui exposé à Zurich devant les photos montrant Beuys équipé de la toile colorée.

S’il ne faut pas manquer les objets exposés, les supports sont aussi importants. Appuyées contre les murs, les vitrines en fer rouillé semblent défier les lois de l’équilibre. C’est Beuys lui-même qui les a dessinées et elles ont été construites en Italie.

Très émue lors de l’ouverture de l’exposition, Lucrezia De Domizio Durini a annoncé qu’elle faisait don de l’ensemble de sa collection au Kunsthaus de Zurich. «C’est une des collections les plus complètes d’art contemporain, et la plus grande que l’on ait jamais reçue», s’est félicité Christoph Becker.

«Nous pouvons désormais montrer comment Beuys a été important pour l’art du 20e siècle», a encore commenté Christoph Becker. Le directeur a annoncé qu’une salle spéciale sera consacrée à l’artiste lorsque l’agrandissement du musée, qui doit encore être approuvé en votation, sera terminé.

Né le 12 mai 1921 à Krefeld (Allemagne).

 

Son oeuvre, à la fois symbolique et autobiographique, s’inspire directement des épisodes de sa vie. Il invente une oeuvre d’art total qui inclut sa vie, son travail et sa place d’homme dans la société.

 

Utilise des matériaux variés et rarement utilisés dans la création artistique: la graisse, la terre, le sang, le soufre, le bois, etc.

Enrôlé en tant que pilote dans l’armée de l’air allemande, il s’écrase en Crimée. Recueilli par des nomades Tatares qui le nourrissent de miel, revient à la vie, recouvert de graisse et enroulé dans des couvertures de feutre.

 

Cette expérience marquera son oeuvre: on retrouve chez Beuys l’utilisation de feutre marquée d’une croix rouge, symbole de la souffrance. 



 

1946: commence à sculpter et entre à l’Académie en 1947. Il s’intéresse à l’alchimie, aux liens entre la religion et les sciences ainsi qu’à l’évolution.

1952: reçoit sa première commande sculptée. Il utilise la graisse ou la cire pour leur capacité de transformation au contact de la chaleur.



 

1955: traverse une grave dépression.

 

1961: nommé professeur de sculpture à l’Académie des Beaux-Arts de Düsseldorf.

Mécènes. Il se rend pour la première à Bolognano, dans les Abruzzes, en 1972 où il se lie d’amitié avec les mécènes Buby Durini et sa femme Lucrezia De Domizio

1974: premier voyage aux Etats-Unis. Le 2 novembre, première grande rétrospective au Salomon R. Guggenheim Museum de New York.

 


1986: décède le 23 janvier d’une crise cardiaque consécutive à une maladie pulmonaire dont il souffre depuis plusieurs années.

Source: site d’histoire de l’art www.moreeuw.com

L’exposition «Joseph Beuys. Difesa della Natura», au Kunsthaus de Zurich, dure jusqu’au 14 août.

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