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Un budget sans surprise pour l’aide au développement

Pour l'instant, la Suisse refuse de hausser la part de son produit national brut consacré aux projets d'aide au développement (comme ici au Nicaragua). LATINPHOTO.org

Le budget de l'aide publique au développement pour les années 2009-2012 a été accepté par la Chambre basse. Mais la proposition de porter ce crédit à 0,7% du produit national brut a été balayée.

«Avec ce vote, la majorité a désavoué les Objectifs du Millénaire de l’ONU». C’est ainsi que le député écologiste Josef Lang a résumé la déception d’une grande partie du camp rose-vert à l’issue du débat que le Conseil national (Chambre basse) a tenu lundi et mardi sur les crédits à l’aide au développement.

Pour la période 2009-2012, les députés ont accepté de suivre le gouvernement. Ils ont voté une enveloppe de 4,5 milliards de francs destinée à la Direction du développement et de la coopération (DDC). L’agence publique suisse disposera donc de 300 millions de plus que lors de la période précédente.

La Chambre basse a également adopté le crédit de 800 millions destiné à financer les mesures de politique économique et commerciale au titre de la coopération au développement prises dans le cadre du Secrétariat d’Etat à l’économie (Seco).

Mais la droite majoritaire a refusé de donner le «signal fort de solidarité» que la gauche, écologistes en tête, et le parti démocrate-chrétien (PDC, centre droit) appelaient de leurs vœux.

0,7% «peu réaliste»

Elle a en effet rejeté l’idée d’augmenter graduellement les crédits pour l’aide au développement. En commission, cette proposition avait pourtant été adoptée, certes à une courte majorité. La part du produit national brut (PNB) dévolu à la coopération aurait dû passer de 0,4% actuellement, à 0,5% en 2010, 0,6% en 2012 et 0,7% en 2015.

Une telle augmentation aurait répondu à la pétition déposée au début de la session d’été par les organisations d’entraide helvétiques. Se référant aux objectifs de l’ONU, ce texte, signé par près de 200’000 personnes, demande de porter l’aide au développement à 0,7% du PNB.

Pour sa part, la ministre des Affaires étrangères Micheline Calmy-Rey a répété que cet objectif était «très peu réaliste», comme elle l’avait déjà dit dans la presse dominicale alémanique. Elle a précisé qu’une telle hausse nécessiterait une augmentation du crédit-cadre de 2,2 milliards de francs.

Une chance aux Etats

Quant au Conseil fédéral, il estime la part actuelle de 0,4% du PNB satisfaisante. Pour l’obliger à la respecter dès l’an prochain, la Chambre basse a tout de même adopté une motion.

De leur côté, les organisations d’entraide adressent un «carton jaune» au Conseil national. «Nous sommes conscients qu’une hausse à 0,7% n’était politiquement pas réaliste. Mais on aurait pu aller jusqu’à 0,5%», souligne Michèle Laubscher d’Alliance Sud, leur organisation faîtière.

Selon elle, le fait que le compromis à 0,5% dès 2015 proposé par le PDC ait été rejeté à dix voix près montre que celui-ci a une chance au Conseil des Etats (Chambre haute). Les sénateurs se prononceront lors de la prochaine session, en automne.

La DDC réorganisée

D’ici là, la réforme de la DDC, annoncée début juin, aura progressé. A ce propos, les députés ont été nombreux à répéter les critiques du rapport de la commission de gestion du Conseil des Etats (Chambre haute) fin 2006.

Absence de stratégie nationale, dispersion des moyens et manque de priorités, ce rapport avait mis en évidence quelques-uns des griefs régulièrement répétés par l’Union démocratique du centre (UDC, droite nationaliste). Sa proposition de renvoyer le crédit pour la DDC au gouvernement en le chargeant d’améliorer d’abord le fonctionnement de l’agence n’a toutefois pas passé la rampe.

«On s’attendait à ce que l’UDC veuille raccourcir les crédits, ce qui n’a pas été le cas. C’est déjà quelque chose, relève Michèle Laubscher. Reste que les arguments de la droite – comme la réforme de la DDC, les garanties quant à la qualité de ses actions ou le caractère concret de ses projets – nous semblent être des prétextes. Les députés qui réclament cela votent d’ailleurs ‘non’ lorsqu’il s’agit de demander un rapport à ce sujet au Conseil fédéral. Ce n’est pas conséquent!»

Entamée sous la houlette du nouveau directeur Martin Dahinden, la réorganisation de la DDC passera par une concentration de l’aide sur douze pays prioritaires d’ici 2012. Mais la ministre des Affaires étrangères a également averti que la DDC devra à l’avenir être mieux intégrée dans son département.

En retard selon l’OCDE

La plupart des députés ont aussi exigé plus de cohérence et de coordination au niveau de l’aide publique suisse, ainsi qu’une meilleure définition des méthodes de collaboration entre la DDC et le Seco.

«La Confédération est à contre-courant concernant le budget de l’aide au développement», a mis en garde en début de débat le démocrate-chrétien Luc Barthassat. «En tant que pays riche, elle se met dans une situation impossible par rapport aux autres pays industrialisés qui augmentent leur aide», renchérit Michèle Laubscher.

Dans le classement des 22 pays riches du Comité d’aide au développement de l’OCDE en 2007, la Suisse figurait à la 12e place pour ce qui est de la part du PNB consacrée à la coopération. A égalité avec l’Allemagne, elle se plaçait derrière la France ou l’Autriche. En 2007, la moyenne s’établissait à 0,45% du PNB.

swissinfo, Carole Wälti

L’aide publique au développement de la Suisse comprend les dépenses de la DDC et du Secrétariat d’Etat à l’économie (Seco), ainsi que celles d’autres offices fédéraux, des cantons et des communes.

En 2007, ces dépenses ont atteint 0,37% du produit national brut (PNB) de la Suisse. Cela représente un peu plus de 2 milliards de francs par an.

En 2006, ces dépenses se montaient à 0,39% du PNB. Elles n’ont dépassé le cap des 0,4% qu’en 2005.

Cette même année, la Confédération a adopté une nouvelle manière de comptabiliser l’aide au développement. Elle comprend désormais les coûts liés à l’accueil des requérants d’asile ou certaines activités de promotion de la paix.

De leur côté, les membres de l’Union européenne se sont engagés, en 2005 également, à atteindre 0,7% de leur PNB d’ici 2015.

La coopération multilatérale est celle que la Suisse soutient par le biais de son engagement dans les différentes agences de l’ONU ou la Banque mondiale.

La part de l’aide multilatérale suisse dans le budget total de l’aide au développement est actuellement de 43%.

La commission compétente a toutefois proposé de la plafonner à 40%. La Chambre basse a suivi.

La majorité a en effet estimé qu’il n’était pas souhaitable d’augmenter l’aide multilatérale au détriment du soutien bilatéral axé sur des projets précis.

Selon la ministre des Affaires étrangères, la nouvelle répartition ne pourra se faire sans augmentation du crédit-cadre.

Sinon, une réduction des contributions à l’UNICEF ou aux fonds de développement des banques africaines devra être envisagée, a-t-elle averti.

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