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Un diplomate à la main tendue

Pour Kurt Zaugg, la 'main ouverte' est plus qu'une posture. Il nous accueille assis dans un canapé dont la forme est signée Le Corbusier. swissinfo.ch

Etabli depuis plus de 20 ans en Espagne, Kurt Zaugg s'investit sans compter pour que le pays de Cervantès n'oublie pas l'existence de la Suisse.

L’ancien directeur de l’Ecole suisse de Madrid vit dans la capitale espagnole. L’ouverture d’esprit et la foi en l’avenir propre à Madrid ne cessent de le galvaniser.

Le trajet avec l’autobus 193 vers San Agustin del Guadalix commence dans un environnement très contemporain. Avec ses tours en verre qui flanquent la vénérable Plaza Castilla, la Puerta de Europa symbolise la fierté de l’Espagne qui veut être un des moteurs de la nouvelle Europe unie.

L’autoroute quitte Madrid et traverse les banlieues de la nouvelle ceinture avec ses quartiers d’immeubles flambant neuf ou encore à l’état de squelettes, qui repoussent toujours plus les limites de la ville vers les hauteurs désolées de la Castille. Le voyage se termine 30 kilomètres plus loin.

Une forme célèbre de Le Corbusier

‘Une main tendue’: tel est le nom du canapé gris, pièce maîtresse du salon où Kurt Zaugg nous reçoit, assis contre l’annulaire et le petit doigt. La célèbre forme choisie par Le Corbusier est aussi tout un symbole: la rencontre de l’autre et l’ouverture à sa culture différente.

La maison aux murs blancs, dans laquelle Kurt Zaug, originaire de Berthoud et âgé de 66 ans, vit depuis six ans, fait partie d’un grand domaine caché dans le lointain.

La maison d’un étage est entourée de prairies bucoliques où paissent des chevaux, parsemées ici et là d’arbres séculaires. Le vert des prairies contraste avec la pâleur de la terre, desséchée par le manque de pluie persistant.

Globalement européen

«Je me sens complètement européen; quel que soit l’endroit où je vis, en Suisse, en Allemagne, en France, en Italie ou précisément en Espagne».

Kurt Zaugg qualifie de «fantastique» la liberté de déplacement que les bilatérales donnent désormais aux Suisses à l’intérieur de l’Union européenne (UE). Pour notre diplomate, l’idée de rassembler des populations et des cultures différentes, fondatrice de l’Union européenne, est «porteuse d’avenir».

Son monde ne s’arrête pas à son oasis de verdure aux portes de Madrid. Kurt Zaugg vient de rentrer de San Francisco, où vit et travaille son fils. Et il s’apprête à repartir à Hong Kong, ville dans laquelle sa fille vient de s’établir pour des raisons professionnelles.

Suiza no existe…

Mais revenons à l’Espagne. La Suisse y est pratiquement inexistante, comme Kurt Zaugg en fait presque quotidiennement le constat.

«En Espagne, on remarque très vite combien nous sommes en dehors de l’Europe. Et lorsque votre interlocuteur ne la confond pas avec la Suède, il se limitera aux traditionnels clichés: Les banques, les montagnes enneigées, le fromage et le chocolat».

Le diplomate en est convaincu: «Si la Suisse veut être vraiment perçue dans ce qu’elle est, elle doit faire un gros effort pour mieux se faire connaître et mieux se vendre.»

Sans taire les défauts

Vendeur, Kurt Zaugg l’est assurément. Mieux faire connaître la Suisse dans ce pays qu’il a choisi, tel est en quelque sorte son projet d’entreprise: «J’ai toujours eu à cœur de construire un réseau de personnes qui s’intéressent à notre pays.»

Ses activités professionnelles lui ont ouvert bien des portes. «Mon travail d’enseignant à l’Ecole suisse m’offrait une plate-forme idéale pour diffuser des informations et susciter de l’intérêt.»

A ses élèves, à leurs parents ou au public de l’une de ses conférences, il s’est toujours efforcé de présenter la Suisse comme elle est: intéressante, variée mais sans taire ses défauts. «J’ai aussi expliqué pourquoi la Suisse ne voulait pas adhérer à l’UE», raconte Kurt Zaugg.

Des programmes d’échanges scolaires réussis

Dans la palette des produits proposés par Kurt Zaugg, les programmes d’échanges scolaires entre Espagnols et Suisses et inversement ont fait un tabac.

«Les écoliers espagnols qui ont séjourné dans une école suisse durant six mois ou une année entière, sont revenus très différents, riches de nombreuses expériences positives dont ils ont fait part à leurs camarades, amis et proches», se félicite l’ancien directeur.

A l’inverse, les élèves suisses sont rentrés impressionnés par le sens de l’accueil des Madrilènes et par le dynamisme contagieux qui émane du pays.

Tempo Tempo

C’est cette envie de se déraciner qui a incité Kurt Zaugg et sa famille à venir s’installer en Espagne, il y a vingt ans. Il a commencé sa carrière comme enseignant à l’Ecole suisse de Madrid avant d’en prendre rapidement la direction.

Il a quitté ses fonctions en 2004 pour des raisons d’âge. Mais son enthousiasme pour la métropole espagnole est resté intact. Madrid est pour lui une grande cité pleine de dynamisme et de foi en l’avenir.

«Ce qui a été réalisé en si peu de temps, comme ces nouveaux quartiers pour 25’000 habitants est tout simplement fantastique. Les procédures de décisions sont simples: on ne progresse qu’en courant le risque de se tromper», martèle Kurt Zaugg.

Et d’ajouter: «En Suisse, c’est la frilosité et le désir de protéger qui règnent en maître.»

Manque de goût d’innover

Son diagnostic. La Suisse manque aussi de goût d’innover. «Les Suisses qui ramènent de leur séjour à l’étranger une nouvelle perspective, sont un enrichissement pour notre pays.»

Kurt Zaugg na pas l’intention de quitter le pays qu’il a choisi. «Ici, j’ai tout ce dont j’ai besoin et donc, aussi, de très nombreux amis.»

C’est donc plein d’énergie et avec ce temps qui lui a toujours manqué dans sa profession qu’il se consacre à son activité favorite.

Le voyage se termine quelques heures plus tard à la Puerta de Europa, mais cette fois-ci avec une ouverture sur l’avenir: pour Kurt Zaugg, les deux tours symbolisent une nouvelle ère «passionnante et pleine de promesses».

swissinfo, Renat Künzi, Madrid
(Traduction de l’allemand: Bertrand Baumann)

En 2004, 21’500 Suisses enregistrés auprès d’une représentation diplomatique vivaient en Espagne, dont près de 7500 à Madrid et 4800 sur la Costa Blanca.
Le début de l’émigration Suisse en Espagne remonte aux années 1970, lorsque des entrepreneurs espagnols établis en Suisse ont commencé à faire de la publicité pour leurs projets de résidences pour personnes âgées sur la Costa Blanca.
Puis, des dizaines de milliers de seniors d’autres pays les ont rejoints.
La Costa Blanca, rebaptisée par certains «Costa Geriatrica» est d’ailleurs souvent qualifiée de «Maison de retraite de l’Europe».

– Kurt Zaugg a été, jusqu’au début 2004, directeur de l’Ecole suisse de Madrid.
– Mieux faire connaître la Suisse, tel a été le moteur de ses 20 années de présence en terre espagnole.
– Sa vie durant, il a construit un réseau de personnes qui s’intéressent à la Suisse.
– Il reste actif au sein de l’Organisation des Suisses de l’étranger (OSE).
– Il est en outre conseiller d’une instance de la Confédération dans le domaine de la formation.

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