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Un label suisse bien vivace à Baselworld

Baselworld, écrin de l'horlogerie, accueille chaque année des dizaines de milliers de visiteurs. Ici, le stand de l'entreprise suisse Rolex. Keystone

L’horlogerie suisse est associée à la qualité ainsi qu'au swiss made. Et inversement. Un ensemble de valeurs plus ou moins tangibles dans lesquelles se reconnaissent bien des patrons horlogers. En voici deux rencontrés dans le cadre de Baselworld.

«Le swiss made a rassuré des générations et des générations d’acheteurs. Aujourd’hui, dans nos points de vente ou nos boutiques dans le monde, aucun client ne demande si nos produits sont fabriqués en Suisse. C’est un fait, assure le patron de Zenith. L’horlogerie suisse est devenue suffisamment crédible pour qu’on arrête de retourner les produits pour savoir où ils ont été fabriqués.»

Dans les stands et les allées de Baselworld, on croise des visages des quatre coins de la planète. Cette foule a une obsession, la montre. Et un champion, l’industrie horlogère suisse et son swiss made.

De Zenith comme du spécialiste de l’outillage Bergeon, un biologiste dirait qu’elles sont des formes évoluées de cette industrie. La première fabrique à peu près entièrement ses montres de luxe, redevenues classiques et sobres après les délires de l’avant-crise. C’est une manufacture, elle appartient au Français LVMH, et produit un des mouvements les plus célèbres de la branche, el Primero.

La presse horlogère a fait de Jean-Frédéric Dufour, son patron depuis juin 2009, l’«homme de l’année 2011». Passé par Chopard, Ulysse Nardin et Swatch Group, il se dit doté d’une «connaissance de la branche horlogère assez complète, pas forcément spécialisée». Un jour, on lui propose par téléphone le poste de CEO de Zenith…

«Vous ne réfléchissez pas, vous dites ‘oui’ tout de suite, dit-il. Des marques comme celles-ci, il n’y en a pas beaucoup dans l’horlogerie suisse. Mais jamais je n’avais imaginé que cela m’arriverait et je ne peux pas vous donner la recette pour devenir patron horloger.»

A son arrivée, 42 ans, il se concentre sur le produit, la clarté du message, l’optimisation de la structure de la manufacture et la gestion financière pour «prendre le contrôle de la machine». Après un an et demi, on assure chez Zenith que Baselworld est «un succès au dessus de nos attentes, qui étaient élevées.»

Identité et transmission  

A propos de l’identité suisse de ses montres, Jean-Frédéric Dufour constate que Zenith «peut rester swiss made» tant que ses «partenaires suisses jouent le jeu.» «Grâce au tissu industriel dans le Jura, avec notre production de manufacture [quantités limitées], nous trouvons toujours des acteurs industriels [fournisseurs notamment] qui fabriquent swiss made. Si vous passez au-dessus de 100’000, 200’000 montres pas an, cela devient difficile.»

Question, alors: la manufacture pourrait-elle un jour quitter la Suisse? «Non, je ne pense pas. Le cœur de notre entreprise est là, au Locle, explique Jean-Frédéric Dufour. Un atelier supplémentaire en France, si Zenith devenait très gros, c’est imaginable. Mais je ne vois pas cela à moyen terme.»

Au-delà de strictes règles de production, le label suisse charrie un message fort, selon lui. «Les Asiatiques aiment les montres suisses parce qu’elles incarnent exactement leurs valeurs: la transmission du savoir-faire. La transmission d’un savoir-faire horloger, de génération en génération.»

«Cette valeur de transmission nous permet de continuer notre voyage industriel, estime Jean-Frédéric Dufour. On est passé d’un produit de besoin à un produit de totale émotion, mais fabriqué sur place et qui fait appel à des métiers présents ici depuis très longtemps.»

Outillage aux quatre vents  

Comme Zenith, Bergeon est basée au Locle. Depuis 220 ans, cette PME de 65 personnes est un leader de l’outillage horloger. Son créneau commercial est celui des outils pour le service après vente (SAV) et l’établi. Tournevis, brucelles, microscopes portables, extracteurs de lunettes de montres, polisseuses ou appareils nettement plus complexes.

Une partie de l’horlogerie a opéré un changement d’attitude et les grandes marques considèrent de plus en plus le suivi du produit hors de l’usine comme une nécessité. La firme du Locle profite de ce retour du SAV même si elle doit faire face à une concurrence asiatique à bas coût toujours plus féroce.

Ses produits se retrouvent dans les unités des grandes marques suisses éclatées sur la planète. Des horlogers de partout, en stage ou en formation en Suisse, travaillent avec ses outils. Bergeon promeut le label suisse dont elle profite en retour puisque la majorité de ses produits sont fabriqués en Suisse.

L’arrivée à sa tête de Vladimiro Zennaro en 2005 a coïncidé avec l’entrée au conseil d’administration de plusieurs grandes marques suisses. Une manière d’accentuer encore cette dimension swiss made, «primordiale», selon ce patron. Primordiale parce que «gage de sécurité dans la qualité du produit mais aussi marque de fabrique que nous exportons.»

Le prix n’est pas décisif  

La qualité des processus, de la formation de la main d’œuvre et du produit mis bout à bout font le label suisse, estime Vladimiro Zennaro, qui relève aussi des aspects moins concrets comme le goût pour la précision au sein du terreau social. Selon lui, «la valeur du swiss made a un coût mais le cumul des éléments propre au swiss made fait que le prix n’est pas décisif pour la clientèle.»

Pour répondre à l’évolution technologique et se préserver des copies, Bergeon s’est dotée d’une structure technique axée sur l’innovation. Mais son patron juge aussi que face à la contrefaçon – «hallucinante en terme de volumes» – le swiss made, sous l’angle strictement légal, est une arme «forte». Selon lui, il est ressenti par les contrefacteurs comme «une barrière infranchissable.» Ou presque.

«Les copies de nos propres produits qui, elles, n’ont pas l’étiquette swiss made, représentent pour nous un préjudice équivalant à 7 à 8% de notre chiffre d’affaires. Ce qui est relativement important. Mais sans la valeur et la notoriété du swiss made, le préjudice serait nettement plus élevé.»

La Fédération de l’industrie horlogère suisse (FH) a saisi le gouvernement pour demander une adaptation de l’ordonnance swiss made afin de rendre cette réglementation datant de 1971 moins laxiste.

Son projet prévoit qu’au moins 80% du coût de fabrication d’une montre mécanique devra être imputable à des opérations effectuées en Suisse.

Pour les montres électroniques, ce minimum serait de 60%. La construction technique et le prototypage devraient de plus être effectués en Suisse.

Ce projet est actuellement soumis au Parlement dans le cadre de la révision législative «Swissness», plus large.

Le premier salon mondial de l’horlogerie et de la bijouterie a lieu jusqu’à jeudi 31 à Bâle. Il réunit 1892 exposants de 44 pays présentant leurs produits sur 160’000 m2 et 25 km d’allées d’exposition.
 
Parmi eux, 736 bijoutiers, 627 horlogers, et 529 représentants des branches annexes – outils, matériaux, présentoirs, bracelets, etc.
 
Les exposants sont à 64% européens, 28% asiatiques et 4,5% nord-américains. Les marques suisses exposantes sont au nombre de 466, dont 307 horlogères.
 
Le salon table sur 100’000 visiteurs venus de 100 pays et parmi eux, 3000 journalistes.

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