Des perspectives suisses en 10 langues

Un oui plus net que prévu à la libre circulation

Les syndicats appellent à la mise en oeuvre immédiate des mesures d'accompagnement. Keystone

En Suisse, 56% des votants se sont prononcés en faveur de l'extension de la libre circulation des personnes aux dix nouveaux membres de l'UE.

Le résultat est plus net que celui des derniers sondages. La Suisse romande et alémanique ont dit oui mais le Tessin a voté non. C’est une victoire pour le gouvernement et le parlement.

La Suisse va ouvrir son marché du travail aux pays de l’Est. Le peuple a accepté dimanche par près de 56% des voix d’étendre l’accord sur la libre circulation des personnes aux dix nouveaux Etats membres de l’Union européenne (UE) et de renforcer les mesures contre la surenchère salariale.

Près de 1,457 million de citoyens ont voté en faveur de l’accord bilatéral. Le camp du «non» a réuni quelque 1,147 million de personnes. La netteté du score – meilleur que celui réalisé par l’accord de Schengen/Dublin (54,6%) le 5 juin – constitue une surprise.

Soulagement officiel

Les milieux économiques et syndicaux, le gouvernement et la plupart des états-majors politiques peuvent donc respirer, après des semaines d’inquiétude alimentée notamment par des sondages très serrés. Leur campagne très coûteuse n’aura pas été vaine.

Le président de la Confédération Samuel Schmid a exprimé sa satisfaction. En votant pour l’extension, le peuple suisse a, selon lui, également exprimé sa confiance dans les mesures d’accompagnement contre la sous-enchère salariale et sociale.

Pour Samuel Schmid, le peuple suisse a ainsi confirmé pour la deuxième fois en peu de temps (après la votation sur Schengen/Dublin) que la voie bilatérale était la bonne.

Déception des initiants

Les adversaires – en première ligne les Démocrates suisses, qui ont lancé le référendum, et une partie de l’extrême-gauche – ont déjà tenté de mettre à profit ce «succès d’estime» pour faire passer des revendications comme le retrait de la demande d’adhésion à l’UE.

Les démocrates suisses estiment que la forte somme – 30 à 40 millions de francs – investie par les partisans du «oui» a démontré que la majorité du peuple pouvait être achetée.

De son côté, l’Action pour une Suisse indépendante et neutre (ASIN) accuse les tenants du «oui» d’avoir eu recours à une «propagande antidémocratique sans précédent». Pour elle, ainsi que pour une majorité de l’Union démocratique du centre (UDC, droite dure), il s’agit désormais de s’en tenir uniquement à l’approche bilatérale.

Le Conseil fédéral ne parlera du sort de la demande d’adhésion que lors d’une séance spéciale fin octobre ou début novembre. Samuel Schmid a refusé dimanche d’en dire davantage.

Pour l’heure, le gouvernement va se concentrer sur la mise en oeuvre de ce qui a été promis, a souligné le président. L’extension de l’accord sur la libre circulation des personnes et le renforcement des mesures d’accompagnement devraient déjà entrer en vigueur début 2006.

Satisfaction à Bruxelles

L’annonce du résultat positif du référendum a été accueilli avec un «ouf» de soulagement dans les pays de l’UE concernés. Un non du peuple suisse aurait créé une situation de discrimination «inacceptable» au sein de l’Union.

La Commission européenne s’est «vivement félicitée» d’un oui qui renforce «la cohésion de l’Europe». Le président de la Commission, José Manuel Barroso, est «extrêmement satisfait», a précisé sa porte-parole.

Et d’ajouter: Ce «oui» est très important parce qu’il permet également la prochaine mise en oeuvre de l’accord sur Schengen/Dublin qui bénéficera aux Suisses et aux ressortissants de l’UE.

La députée européenne Diana Wallis n’a pas non plus caché sa satisfaction. «Je suis ravie», a déclaré à swissinfo la députée libérale britannique qui préside la commission du Parlement européen chargée des relations avec la Suisse.

Et de préciser qu’avec ce résultat, elle pourra se rendre dès mardi en Suisse pour «célébrer» cette victoire.

Sept cantons opposés

Les résultats ne laissent pas apparaître cette fois de barrière des röstis. L’opposition s’est confinée à six petits cantons conservateurs (Schwytz, Uri, Obwald, Nidwald, Appenzell Rhodes-intérieures, Glaris) et au Tessin.

A noter que les Tessinois ont été les plus clairs, avec 63,9% de «non». Les Schwytzois viennent ensuite avec 59,2%, suivis des Glaronais avec 57,1% et des Appenzellois des Rhodes-intérieures avec 56,4%.

En revanche, à l’instar des Rhodes-extérieures, sept cantons de Suisse orientale, centrale et du Plateau qui avaient refusé les accords Schengen/Dublin ont basculé dans le camp du oui. Mais ils n’ont accepté l’extension de la libre circulation des personnes que du bout des lèvres.

Vaudois champions du «oui»

Les menaces sur les salaires et l’emploi semblent avoir légèrement érodé le camp des partisans francophones. Les champions du «oui» ont été malgré tout les Vaudois, avec 65,5% des voix.

Ils sont talonnés par les Neuchâtelois (65,2%) et les Bâlois de la ville (63,6%). A Fribourg, le taux d’acceptation a atteint 59,1%, alors qu’il s’élève à 58,6% dans le Jura et à 58,1% à Genève.

Les Bernois ont adopté l’extension par 60,2% des suffrages. Zurich a voté «oui» par 59,4% des voix. Alors que le Valais ferme la marche avec 53%.

Un «oui» massif des Suisses de l’étranger

Les Suisses de l’étranger ont voté massivement pour l’extension de la libre circulation, avec des records de oui.

Ainsi, 72% des Genevois vivant à l’étranger ont voté oui, contre 58% pour les résidants. Même topo dans le canton de Vaud avec 75,7 % de oui (65% pour les résidants). A Lucerne, on relève 75,6 de oui de la part des expatriés (51% pour les résidants). Enfin Bâle ville affiche 79,6% de vote en faveur de l’extension de la libre circulation (63,5% pour les résidants).

«Nous sommes soulagés et satisfaits. Un non aurait causé de sérieux problèmes aux Suisses résidants à l’étranger », souligne Rudolf Wyder, directeur de l’Organisation des Suisses de l’étranger (ASO).

Ouverture progressive

Au grand dam de la droite nationaliste, ce «oui» élargit aux Estoniens, Lettons, Lituaniens, Polonais, Slovaques, Slovènes, Hongrois, Tchèques, Chypriotes et Maltais les droits conférés par l’accord sur la libre circulation des personnes avec les quinze premiers membres de l’UE en vigueur depuis juin 2002. La réciproque sera offerte aux Suisses dans ces Etats.

Afin d’éviter une concurrence massive pour les travailleurs suisses, l’ouverture aux pays de l’Est se fera progressivement. Des contingents seront maintenus jusqu’en 2011, voire 2014 en cas de forte immigration.

L’extension de la libre circulation s’accompagne d’un renforcement du dispositif de lutte contre la sous-enchère salariale et sociale. Les cantons devront en particulier augmenter le nombre des inspecteurs du travail.

Les conventions collectives de travail pourront plus facilement être étendues à toute une branche. Enfin, les sanctions seront durcies, tout comme la chasse aux «faux indépendants».

swissinfo et les agences

Oui: 1’457’807 voix (56%).
Non: 1’146’784 (44%).
L’extension de la libre circulation a été acceptés par 16 cantons et 3 demi-cantons.
Elle a été rejetée par 4 cantons et 3 demi-cantons.
La participation a atteint 54%.

– Déjà en vigueur avec les quinze premiers membres de l’UE, l’accord sur la libre circulation des personnes doit être étendu aux dix nouveaux Etats membres de manière progressive et contrôlée.

– Ces dix nouveaux Etats sont: l’Estonie, la Lituanie, la Lettonie, la Hongrie, la Pologne, la République tchèque, la Slovaquie, la Slovénie, Chypre et Malte.

– Les mesures d’accompagnement déjà existantes seront renforcées afin que l’extension de la libre circulation ne débouche sur des abus et un dumping salarial.

En conformité avec les normes du JTI

Plus: SWI swissinfo.ch certifiée par la Journalism Trust Initiative

Vous pouvez trouver un aperçu des conversations en cours avec nos journalistes ici. Rejoignez-nous !

Si vous souhaitez entamer une conversation sur un sujet abordé dans cet article ou si vous voulez signaler des erreurs factuelles, envoyez-nous un courriel à french@swissinfo.ch.

SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision

SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision