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Un pape conservateur qui déçoit la presse

L'élection du pape a bien sûr fait les gros titres de la presse suisse du jour. swissinfo.ch

L’élection du cardinal Ratzinger à la papauté ne ravit pas la presse suisse. Les commentateurs accueillent ce choix avec un mélange de déception et de scepticisme.

L’élection de ce théologien conservateur est largement vue comme la fin des espoirs de réformes au sein de l’Eglise catholique – tout du moins pour quelques années.

Le choix de Joseph Ratzinger pour prendre la succession de Jean-Paul II n’a pas vraiment surpris les commentateurs. Déjà très présent sous le règne de son prédécesseur, le cardinal allemand a en effet encore été omniprésent durant la période de deuil.

«La grande visibilité du doyen du Sacré Collège a sans doute joué en faveur de ce choix, souligne Le Temps. La majorité des 115 électeurs n’avaient aucune expérience d’un conclave, et il n’est pas étonnant qu’ils aient porté leur choix sur le gardien de la grande maison qu’est l’Eglise.»

Par ailleurs, «l’accession au trône de saint Pierre du théologien allemand s’inscrit parfaitement dans l’air du temps – occidental tout au moins, remarque La Liberté. N’impute-t-on pas tous les péchés du monde au passif de Mai 68, dans une sorte de grand exorcisme mêlé d’un espoir de restauration?»

Un pape de «transition»

Pour les éditorialistes, le nouveau pape s’inscrit donc dans la continuité. «Avec Ratzinger, les 26 ans du pontificat polonais sont prolongés et accentués», note le Tages Anzeiger.

«Cette rapide décision prouve que le collège des cardinaux a trouvé sans grande dispute un consensus sur l’avenir de l’Eglise catholique. Ils n’ont pas choisi la réforme ou l’ouverture, mais la continuité», relève pour sa part la Luzerner Zeitung.

La plupart des commentateurs sont également d’avis que Benoît XVI ne pourra être qu’un «pape de transition». En raison de son âge – il a 78 ans – son règne ne devrait pas durer très longtemps. En tout cas pas aussi longtemps que celui de son prédécesseur Jean Paul II!

Pour Le nouvelliste, le quotidien du très catholique canton du Valais, Benoît XVI sera cependant davantage qu’un simple pape de transition: «Il pourrait bien être un pape de consolidation. Les tenants de l’ouverture à certains vents n’y trouveront vraisemblablement pas leur compte, mais la grâce qui soutient le successeur de Pierre va sans doute révéler en cet homme un charisme particulier.»

Au Tessin, le Giornale del Popolo invite également à la prudence lorsque l’on parle de pape de transition. Et le quodidien catholique de citer l’exemple de Jean XXIII: «Vous souvenez-vous de ce “pape de transition” nommé Roncalli et qui, à 81 ans bien sonnés, avait convoqué un Concile?»

«Un choix qui désole»

Le moins que l’on puisse dire, c’est que le choix du cardinal Ratzinger ne soulève pas l’enthousiasme dans la plus grande partie de la presse suisse. En effet, le nouveau pape passe pour le chef de fil du courant le plus conservateur de l’Eglise catholique.

La Tribune de Genève se fait la plus virulente en titrant carrément: «Un choix qui désole». Et le quotidien genevois de poursuivre: «On peut le dire tout net, l’élection de Benoît XVI, ex-cardinal Ratzinger, va décevoir beaucoup de monde.»

Côté alémanique, le ton est également au scepticisme. Le choix de Mgr Ratzinger «suscite de profondes inquiétudes», écrit le Blick dans son commentaire. Le successeur de Jean Paul II va amener «à son paroxysme» la crise que traverse l’Eglise catholique face à sa modernisation, estime le Tages Anzeiger.

Ce choix permet aux cardinaux électeurs de renvoyer à plus tard les questions de fonds sur la direction de l’Eglise catholique et les réformes à apporter, selon la Neue Zürcher Zeitung.

«Après une joyeuse ouverture au monde, une sorte de mentalité de barricade va-t-elle maintenant prendre place dans le monde catholique? Beaucoup de choses plaident pour cette thèse», pronostique la Basler Zeitung.

Une telle évolution ne peut être que malheureuse pour l’Eglise catholique qui va encore davantage se couper de la réalité du monde moderne. «On ne pourra ainsi pas éviter qu’en Europe encore plus de catholiques engagés ne se distancient de leur Eglise», conclut le Bund.

Surprise possible

Même s’ils sont globalement sceptiques, tous les commentateurs ne se laissent pas aller au pessimisme. Certains pensent en effet que Benoît XVI – dont la vive intelligence est unanimement reconnue – pourrait surprendre.

C’est en tout cas l’avis défendu par 24 heures: «Et si Benoît XVI, à son tour nous surprenait? Il en a certainement les capacités. Et peut-être même la volonté», estime le grand quotidien vaudois.

«Le nouveau pape ne se laissera pas intimider par ceux qui veulent que l’Eglise catholique devienne une espèce d’auberge espagnole. Et pourtant, il reste l’inconnue majeure de cette élection, qui ne sera levée qu’a posteriori, à savoir que la fonction aussi peut faire le pape», conclut pour sa part Le Matin.

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