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Un plan d’action genevois pour lutter contre le harcèlement sexuel

Le conseiller d'Etat Thierry Apothéloz, le conseiller administratif Sami Kanaan et le représentant de la Ville de Meyrin Adrien Fohrer, ont présenté jeudi é Genève un plan d'action pour lutter contre le harcèlement sexuel et les atteintes à la personnalité dans le domaine culturel. KEYSTONE/MARTIAL TREZZINI sda-ats

(Keystone-ATS) A Genève, un plan d’action sera mis en oeuvre dès 2023 pour lutter contre le harcèlement sexuel dans le domaine culturel. Il reprend les recommandations d’une analyse demandée par les collectivités publiques suite aux agissements du directeur de la compagnie Alias.

Le canton, les Villes de Genève et de Meyrin ont octroyé un mandat d’analyse au 2e Observatoire – Centre de compétence en matière de souffrance et harcèlement au travail « à partir d’une situation hautement problématique et inacceptable », a déclaré Sami Kanaan, magistrat en charge de la culture en Ville de Genève, jeudi devant la presse.

Etat des lieux

Suite à ce choc qui a accéléré la prise de conscience, le mandat vise à comprendre comment les abus et attouchements sexuels perpétrés par le directeur et chorégraphe de la compagnie de danse Alias rendus publics en été 2021 « ont pu durer tant d’années ». De renommée mondiale, la troupe a été longtemps soutenue par les trois collectivités publiques, ainsi que par Pro Helvetia, a rappelé le conseiller administratif.

Les investigations avaient aussi pour objectif de faire un état de lieux des dispositifs de prévention existants pour les entités genevoises subventionnées, ce dans le domaine des arts de la scène (danse et théâtre).

Méconnaissance des droits

Le 2e Observatoire a procédé à 78 auditions: des personnes et structures qui ont été en lien avec la compagnie, ainsi que des entités subventionnées par l’une ou plusieurs collectivités publiques genevoises, a expliqué Laetitia Carreras, cheffe de projet.

Parmi les constats, un manque de réel cadre de travail et une méconnaissance des droits des artistes-interprètes. Souvent dans une situation précaire, avec des engagements de courte durée, ils ne savent pas vers qui se tourner en cas de difficultés. Quant à la gouvernance, les comités sont souvent constitués de bénévoles démunies face à ces questions.

En outre, dans un contexte de grande compétition, il est difficile de connaître les limites physiques et émotionnelles. Sans compter que pour certaines structures, il peut exister une concentration importante du pouvoir aux mains d’une seule personne, avec comme corollaire une dépendance importante vis-à-vis d’elle, a souligné Mme Carreras.

Brouillage des limites

Concernant la compagnie Alias, les conditions de travail, l’épuisement, le brouillage des limites entre l’acceptable et l’inacceptable ont été un terreau fertile pour des abus de pouvoir et des atteintes graves à l’intégralité personnelle. Alors qu’il aurait pu avoir la puce à l’oreille, le comité de bénévoles n’a pas su, ni pu intervenir.

Deux anciennes employées auraient alerté les collectivités publiques. Celles-ci disent n’avoir jamais été averties, a ajouté l’experte.

Pour le reste, l’analyse démontre une méconnaissance des rôles et responsabilités des employeurs. Si certaines grandes entités bénéficient de dispositifs de prévention et d’intervention, comme des personnes de confiance externes, la majorité n’en a pas, a constaté Valérie Huber, également cheffe de projet au 2e Observatoire, soulignant qu’il faut offrir ce dispositif aux petites structures également.

Tolérance zéro

Les trois collectivités ont repris les recommandations du 2e Observatoire dans leur plan d’action. L’idée est de rallier l’ensemble des communes genevoises, a expliqué Adrien Fohrer, en charge de la communication à Meyrin.

Dans le détail, et en plus des mesures déjà prises, ce plan prévoit de réaffirmer haut et fort la tolérance zéro contre toute forme d’atteinte à la personnalité, de diffuser largement les recommandations de l’analyse, en mettre en place des formations, mais aussi de conditionner l’octroi d’aides financières à l’engagement du respect de l’intégrité.

Les collectivités publiques veulent aussi clarifier les rôles au sein des structures, et permettre aux collaborateurs d’avoir accès gratuitement à une personne de confiance en extérieur. Un système d’alerte doit être mis en place au sein de chaque institution. Enfin l’efficacité du dispositif appelé à évoluer sera vérifiée dans deux ans. Il s’appliquera à tous les domaines de la culture.

Finies les ambiguïtés

Sami Kanaan a écarté la crainte que ces mesures ne détruisent l’emploi et que personne n’ose plus lancer un projet. Il est impossible de laisser agir un prédateur, a-t-il souligné.

« Le changement de société doit être à l’oeuvre aujourd’hui. Il y a quelques années, certaines choses étaient acceptées. Concernant les comportements toxiques, ce n’est plus le cas aujourd’hui », a commenté le conseiller d’Etat Thierry Apothéloz, en charge du Département de la cohésion sociale.

« Il est primordial qu’il n’y ait plus l’ombre d’une ambiguïté ». Cette lutte contre le harcèlement et les discriminations figure d’ailleurs dans la loi sur la culture qui vient d’être déposée au Grand Conseil », a rappelé le ministre.

Condamnation

Pour mémoire, le directeur et chorégraphe de la compagnie Alias avait été condamné par le Tribunal de Lausanne à cinq mois de prison avec sursis pour actes d’ordre sexuel commis sur une jeune danseuse, une peine confirmée en appel par le Tribunal cantonal vaudois en mars. Privée de subventions, la compagnie Alias a été dissoute depuis.

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