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Une avalanche à l’origine du drame de la Jungfrau

Les recrues ont fait une chute de 1000 mètres alors qu'ils escaladaient la Jungfrau. Reuters

C'est bien une avalanche qui est à l'origine de la chute mortelle de six recrues le 12 juillet dernier dans le massif de la Jungfrau. La coulée a «très vraisemblablement» été déclenchée par les militaires eux-mêmes.

Les deux guides de montagne qui accompagnaient la cordée de soldats sont prévenus de multiples homicides par négligence, a indiqué jeudi le juge d’instruction du Tribunal militaire.

«L’ouverture d’une telle enquête fait partie de la procédure pénale normale et ne constitue en rien un verdict de culpabilité», a également précisé le juge Christoph Huber.

La présomption d’innocence vaut pour les deux guides, âgés de 32 et 45 ans, qui accompagnaient les recrues.

Le juge d’instruction n’exclut en outre pas d’étendre l’enquête à d’autres personnes. «Cela pourrait concerner des supérieurs hiérarchiques, mais des points restent à éclaircir concernant les divers degrés de responsabilité», a-t-il prudemment indiqué, soulignant que la justice n’en était pas encore à établir les responsabilités.

Du coup, de nombreuses questions restent ouvertes, comme celle de savoir si les deux guides avaient les éléments en main pour mesurer les risques. «Cette question doit être posée devant un tribunal, mais pas à ce stade de l’enquête», a-t-il souligné.

Coulée déclenchée par les soldats

Après l’expertise livrée par l’Institut fédéral pour l’étude de la neige et des avalanches (ENA), un fait est établi: l’avalanche qui a emporté les hommes, le 12 juillet vers 10h00, a été déclenchée par l’ensemble du groupe de militaires.

«Un déclenchement par une tierce personne ou par des animaux est tout aussi peu probable que son déclenchement spontané», souligne à ce propos Jakob Rhyner de l’ENA.

Cette conclusion ne contredit donc pas les déclarations d’un des survivants qui attribuait la chute des recrues à un faux-pas de l’une d’elles. Il est «parfaitement possible que le déclenchement de l’avalanche n’ait pas été immédiatement perçu comme tel par les personnes qui se trouvaient à l’arrière», a poursuivi Jakob Rhyner.

Un danger de degré 3

Le jour de l’accident, le danger d’avalanche était «marqué», selon les experts. Ceux-ci l’estiment au degré 3 sur l’échelle européenne en vigueur, qui en compte cinq.

Quant à l’équipement emporté par la colonne, il était suffisant, même s’il ne comportait pas d’équipement de secours en cas d’avalanche, comme une pelle, une sonde et un appareil de repérage: dans l’accident en question, ces objets n’auraient été d’aucun secours, selon le rapport d’expertise.

Le jour précédent le drame, les militaires avaient déjà déclenché une coulée sur le massif du Mönsch. Le soir, à la cabane, il a été décidé de faire trois groupes, dont l’un irait sur le Mönsch, l’autre au sommet de la Jungfrau par la voie traditionnelle et le troisième, celui des victimes, par la voie directe.

«L’ordre n’était pas d’aller jusqu’au bout mais de commencer la randonnée et de voir si la suite de l’exercice était possible», a précisé Christoph Huber.

Des victimes âgées de 20 à 23 ans

Pour le reste, les autres éléments tombent sous le sceau du secret de l’instruction, avertit Christoph Huber. Vu le très grand intérêt manifesté par le public, une «exception absolue» a été faite. Les familles ont été informées de leur côté.

Mais le juge militaire a également mis en garde contre le manque de professionnalisme de certains médias. «Parfois, on a l’impression que les médias en savent plus que ce qu’ils savent réellement. On trouve dans les journaux des éléments qui ne sont pas exacts», a-t-il dénoncé auprès de swissinfo.

Indiquant qu’il «s’efforcait d’aller très vite dans son enquête», Christoph Huber a par ailleurs déclaré que ni l’armée ni le Département de la défense n’avaient souhaité s’exprimer à ce stade.

Au total, quatorze personnes se trouvaient sur la montagne bernoise au moment de l’accident. Les six victimes, cinq recrues et un sergent, étaient toutes romandes. Elle étaient âgées entre 20 et 23 ans.

swissinfo et les agences

Le drame survenu en juillet dernier sur la Jungfrau est le plus grave impliquant l’armée suisse depuis 1992. Cette année-là, l’explosion d’un dépôt de munition au col du Susten avait fait 6 morts.

L’avalanche la plus meurtrière du 20e siècle en Suisse avait fait 30 morts à Reckingen en Valais en 1970, dont 19 militaires stationnés dans le village.

12 juillet: cinq recrues et un sergent du Groupe des spécialistes de montagne 1 de l’armée suisse sont emportés par une coulée de neige. Ils sont retrouvés morts.

13 juillet: lors d’une procédure d’instruction provisionnelle, la justice militaire ouvre une enquête contre inconnu. Des voix critiques s’élèvent pour dire qu’au vu des conditions météorologiques, une telle ascension était trop risquée.

15 juillet: un guide de montagne privé affirme qu’il avait averti les guides de l’armée que les conditions étaient trop mauvaises pour effectuer cette randonnée.

16 juillet: la justice militaire explique qu’il n’existe peut-être pas de lien entre la coulée de neige et la chute des soldats.

17 juillet: lors de la cérémonie d’adieux à Andermatt, le ministre de la Défense Samuel Schmid met en garde contre les condamnations précipitées et promet de faire la lumière sur ce drame.

26 juillet: une conférence de presse du juge d’instruction militaire n’apporte aucun élément nouveau. L’Institut fédéral pour l’étude de la neige et des avalanches (ENA) de Davos est mandaté pour une expertise.

4 octobre: la justice militaire annonce l’ouverture d’une enquête ordinaire pour homicides par négligence contre les deux guides de montagne de l’armée. Les experts de Davos parviennent à la conclusion que la coulée a «très vraisemblablement» été déclenchée par les militaires eux-mêmes.

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