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Une campagne électorale plutôt terne

Pour les élections fédérales du 23 octobre, pas moins de 365 listes électorales se disputent les faveurs des votants dans les 26 cantons. Keystone

Le cadre politique qui se dessine à quelques jours des élections fédérales est plutôt stable, si l’on en croit les derniers sondages. Situation à l'image d'une campagne électorale plutôt terne, qui n’a vu aucun parti réussir vraiment à émerger. Même pas la droite conservatrice.

A condition qu’aucun fait dramatique ne survienne d’ici au 31 décembre, l’année 2011 sera certainement considérée comme globalement positive pour la Suisse, tant d’un point de vue économique que social. Aucune grande catastrophe, une croissance économique satisfaisante compte tenu du contexte international, un taux de chômage qui n’atteint pas 3% et des caisses publiques en bonne santé.

Pour la majeure partie de la population, il s’agit donc d’un cadre rassurant. Il l’est moins pour les responsables des campagnes électorales qui n’ont pas eu grand-chose à se mettre sous la dent. Jusqu’à ce jour, l’année électorale a été marquée par trois événements dont l’impact politique est resté limité, comme le montrent les derniers sondages.

Les débats sur la politique énergétique, qui se sont ouverts après l’accident de Fukushima, ont tout de suite été atténués par la décision du gouvernement de renoncer à construire de nouvelles centrales nucléaires. Les craintes liées au renforcement du franc ont été mitigées par l’intervention décisive de la Banque nationale. Enfin, la démission de la ministre socialiste Micheline Calmy-Rey n’a pas vraiment créé la sensation dans la mesure où la bataille pour la future composition du gouvernement ne débutera vraiment qu’après les élections du 23 octobre.

Une campagne moins intense

Au bout du compte, la campagne électorale qui touche à sa fin a donc été plutôt terne – même carrément morne de l’avis de quelques observateurs – si on la compare à celles, plus enflammées, des années électorales 2003 et 2007. «Je ne parlerais pas d’une campagne morne, mais moins intense et surtout moins conflictuelle que celle d’il y a quatre ans», estime Silvano Moeckli, politologue à l’Université de Saint-Gall.

La campagne, relativement courtoise, s’inscrit donc dans la ligne de la tradition politique qui a marqué la Suisse jusque dans les années 1990. Soit avant que l’Union démocratique du centre (UDC / droite conservatrice) ne mette le feu aux poudres avec ses affiches provocatrices, ses attaques contre le gouvernement, son ton agressif et peu conforme aux usages politiques suisses.

Cette année, l’UDC a à nouveau dirigé sa campagne contre l’immigration et l’Union européenne. Toutefois, contrairement à ce qui s’est passé durant les deux à trois dernières élections, le plus grand parti du pays n’a pas réussi à dominer le débat national.

«L’UDC a mis l’accent sur un thème fondamental, celui de l’immigration, mais sa stratégie a été freinée par des évènements tels que le désastre de Fukushima. Il faut aussi dire que cette année, elle n’a pas pu dramatiser et personnaliser sa campagne comme en 2007, lorsqu’elle avait fait de la présence de Christoph Blocher au gouvernement, une question de vie ou de mort pour le futur du pays», souligne Silvano Moeckli.

Un avis partagé par Michael Hermann, politologue à l’Université de Zurich, qui entrevoit d’autres raisons: «D’une part, on constate une certaine lassitude autour du thème de l’immigration et, d’autre part, les autres partis savent désormais réagir avec un certain détachement aux provocations de l’UDC, par exemple les affiches contre les étrangers. En renonçant à riposter, ils ont empêché l’UDC de monopoliser les débats avec ses chevaux de bataille favoris.»

Sceau électoral

Ceci étant, même si les principales formations de gauche – le Parti socialiste (PS) et le Parti écologiste suisse (PES) – et du centre – le Parti libéral-radical (PLR) et le Parti démocrate-chrétien (PDC) – ont pu empêcher l’UDC de monopoliser les débats, elles n’ont pas été en mesure cette année non plus de proposer des thèmes dominants ni d’imprimer de forts accents à la campagne électorale. Même si quelques progrès ont été faits.

«Cette année, les sujets ont été plus ciblés et concrets: ainsi le PS a tablé sur la question de la justice sociale, le PLR sur l’assainissement des assurances sociales et la lutte contre la bureaucratie, le PDC sur la famille et les petites et moyennes entreprises. Par rapport à ces partis, l’UDC a cependant su forger son propre sceau électoral en reprenant et en insistant sur les thèmes avancés dans les années 1990», affirme Michael Hermann.

Silvano Moeckli estime également que des progrès ont été faits, mais que le système politique suisse, basé sur la concurrence, pénalise les deux grands partis centristes. «La position au centre du PLR et du PDC les oblige à un rôle d’intégration afin de parvenir à décrocher la majorité au sein du parlement, dit-il. Pour remporter une bataille électorale, il faudrait au contraire polariser, comme peuvent le faire la droite et la gauche. Il est difficile de remporter une élection en adoptant une politique de modération et de consensus.»

Un cadre plutôt stable

Durant cette campagne, les partis n’ont pas été capables de proposer une nouvelle vision de l’avenir ni même de lancer un vaste débat sur les grands défis qui se présentent pour le pays, comme la globalisation, les rapports avec l’Europe, la société. «Par rapport à certains pays, la situation économique et sociale de la Suisse est quasi paradisiaque. Aujourd’hui, la préoccupation n’est pas de créer une nouvelle société, comme il y a quelques décennies, mais plutôt de sauvegarder le bien-être actuel», explique encore Michael Hermann.

En réaffirmant leurs positions traditionnelles – et plus efficacement que par le passé, tout au moins pour ce qui est des rivaux de l’UDC – les partis semblent en fin de compte s’être neutralisés durant cette campagne. Le dernier sondage électoral trace un cadre plutôt stable: les deux nouvelles forces émergentes du centre soit les Verts libéraux et le Parti bourgeois démocratique pourraient gagner quelques points au détriment du PLR. Cette tendance cependant s’était déjà manifestée avant le début de la campagne, comme le montrent les résultats des élections cantonales de ces quatre dernières années.

La politique suisse est dominée par quatre grands partis gouvernementaux qui se partagent environ 80% de l’électorat depuis plus d’un siècle. Il s’agit de l’Union démocratique du centre (28,9% des électeurs en 2007), du Parti socialiste (19,5%), du Parti libéral-radical (17,7%) et du Parti démocrate-chrétien (14,5%).

Une nouvelle force politique est apparue dans les années 1980: le parti écologiste suisse (PES). Les Verts ont atteint 9,6% en 2007, mais n’ont jusqu’à présent jamais été représentés au gouvernement.

Plus récemment, deux nouvelles formations issues de scissions se sont créé un certain espace: les Verts libéraux (séparés du PES depuis 2008) et le Parti bourgeois démocratique (séparé de l’UDC depuis 2008). Selon les sondages, ces deux partis pourraient encore progresser lors des prochaines élections fédérales, mais ne devraient pas dépasser respectivement 5 et 4% des voix.

Le Parlement compte également cinq partis minoritaires qui, tous ensemble, représentent 5,5% des électeurs au niveau national. Il s’agit de la Ligue des Tessinois (droite conservatrice), de l’Union démocratique fédérale (droite chrétienne), du Parti chrétien-social (gauche) de La Gauche (extrême-gauche) et du Parti évangélique (droite chrétienne).

Traduction de l’italien: Gemma d’Urso

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