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Une forêt tropicale flamboie à Zurich

Les structures de la nouvelle halle devraient bientôt disparaître dans la végétation. Keystone

Le Zoo de Zurich a ouvert une halle tropicale recréant la forêt malgache de Masoala. Les animaux y vivent en liberté et les plantes mortes sont laissées au sol.

Objectif: soutenir Madagascar dans ses efforts pour sauver la bio-diversité.

On dira «suffocant», comme on le dit d’une beauté à couper le souffle, ce qui est le cas ici, mais aussi parce que l’humidité mouille la chemise après quelques enjambées.

L’hôte des lieux devra ici revoir ses réflexes de visiteur de zoo. Il ne verra par exemple aucune flèche directive, aucun panneau descriptif en trois ou quatre langues ni aucune cage. Ou, plus exactement, les quelques cages qu’il verra, dissimulées dans les arbres, gardent leurs portes grandes ouvertes.

«Nous sommes obligés d’habituer les oiseaux à un endroit fixe, dans le cas où il faut les soigner. C’est pourquoi nous les nourrissons dans les volières», explique le botaniste Martin Bauert, qui sera dès lundi, date de l’ouverture au public, responsable de la halle Masoala.

Date qui couronne douze ans de préparatifs, depuis le lancement de l’idée par le directeur Alex Rübel, et un peu plus de deux ans de travaux de construction. Deux mille personnes y ont travaillé.

Unique au monde

Le budget global est de 52 millions de francs, couvert presque entièrement (il manque environ 5 millions) par des dons privés, dont celui du banquier Hans Vontobel. La ville et le canton de Zurich ont injecté 3 millions de francs.

Excepté un projet en cours aux Pays-Bas, plus petit, la halle qui sera inaugurée ce week-end est unique et attire les regards jaloux des zoos du monde entier. Le célèbre zoo du Bronx a même téléphoné pour demander des précisions.

Sur une surface comparable à celle de deux terrains de football, l’écosystème de la presqu’île de Madagascar a été recréé, grâce à de nouveaux matériaux (une «feuille» de trois chambres à air qui recouvre la halle, très perméable à la lumière en même temps que très isolante) et à de nouvelles techniques (la circulation de l’air et de l’eau est géréee par ordinateur).

Cerise sur le gateau d’un projet qui se veut par essence respectueux de l’environnement: le bilan d’émission de CO2 est neutre et le chauffage se fait au bois.

Deux pluies par jour



Pour l’heure, il vaut mieux chasser l’idée d’un feu de bois… Les 34 degrés de l’intérieur ne sont pas très éloignés de la température extérieure, seul le taux d’humidité, quelque 88%, marque la différence. Et quelle différence! Il pleut deux fois par jour dans la halle, soir et matin.

Aujourd’hui, la halle transparente est remplie sur environ un tiers de sa hauteur. «Quand les arbres toucheront le haut, on oubliera l’existence de la halle», se réjouit Martin Bauert. Ce qui devrait être le cas d’ici deux ou trois ans, grâce notamment aux bambous, qui poussent de 20 à 30 centimètres par jour.

Justement, au bord du chemin, du bambou jonche le sol, en train de sécher. «Nous ne nettoierons pas, prévient Martin Bauert. Les plantes mortes doivent se décomposer dans le terreau et laisser la place à de nouveaux arrivants.»

Un geko attend «au soleil»

Le chemin, rouge mais moins boueux qu’à Madagascar, pour permettre l’accès à tout le monde, serpente dans la végétation. On en oublierait presque de chercher des animaux.

Mais un geko est là, immobile, accroché à une hutte en bois, qui reproduit les maisons des indigènes sur la presqu’île. Il a beau être botaniste, Martin Bauert connaît son petit monde et fait observer les parties de peau neuve, rutilantes de verdeur, et les endroits moins récents, blanchâtres.

Les tortues ont leur place au bord d’un des trois plans d’eau. «Lui, il s’appelle Petit Garçon. On dirait qu’il ne veut pas aller dans l’eau, aujourd’hui…» Nous restons un moment, mais Petit Garçon, qui n’a bien sûr de petit que le nom, ne bouge pas.

Des étiquettes invisibles

Le long du chemin, protégé par une simple corde et parfois bordé de panneaux peints à la main à Madagascar («Passage interdit»), Martin Bauert se baisse, touche la texture d’une plante comme pour en vérifier l’état, cache l’étiquette attachée à la tige sous un peu de terre.

«Il n’y a pas d’étiquette au Parc national, se justifie-t-il. Mais il y a tellement d’espèces inconnues que nous devons étudier leur développement et savoir exactement d’où elles viennent. Certaines sont mêmes équipées d’un GPS.»

Les oiseaux qui passent soudain au-dessus de nos têtes, non loin de la cascade de 6 mètres de haut, sont aussi bagués.

Nous nous sommes rapprochés d’un arbre aux épaisses racines: «Voilà notre arbre le plus lourd, 6,5 tonnes, un ficus benjamina. Quand il est arrivé aux Pays-Bas après trois semaines de mer, il n’avait plus de feuilles.»

Le ficus s’est manifetement bien adapté à son nouvel environnement. Comme tous les hôtes de ce paradis d’un nouveau genre, qui abritera encore bientôt de la vanille, des plantes médicinales, des papayes ou des lychees…

Le tout sans moustiques, puisqu’il n’y a pas d’eau stagnante. En bref: refait mais non surfait, naturel mais sans excès!

swissinfo, Ariane Gigon Bormann, Zurich

Coût de la halle tropicale: 52 millions de francs
Format: 90 / 120 / 30 m
Surface: 12 000 m2
Plantes: 1 tonne (environ 17 000 plantes, dont 500 espèces d’arbres, 1000 lianes, 400 bambous, 3000 orchidées et autres petites plantes, etc).
Invertébrés: 165 kilos
Vertébrés: 45 kilos
Ouverture: 30 juin 2003.
Travaux: un peu plus de deux ans, avec 2000 personnes.
Partenariat: création du parc national de Masoala en 1997, ouverture d’une pépinière, soutien à la population locale, encouragement d’un tourisme doux.

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