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Une initiative qui fait trembler Pilatus

Le PC-21 sert à l'entraînement des pilotes militaires. Keystone

Une interdiction des exportations de matériel de guerre aurait de graves conséquences pour l'unique constructeur d'avions de Suisse. Pilatus estime devoir supprimer 40% de ses emplois si le peuple accepte l'initiative en question le 29 novembre.

«La technologie évolue en permanence. Pour chaque produit que nous développons, nous acquérons des connaissances pour des produits futurs», explique Markus Kälin, collaborateur personnel du président du conseil d’administration de la Pilatus Aircraft Ltd.

Par ailleurs, cela permet de réunir les fonds nécessaires pour la recherche. «Ainsi, par exemple, nous avons investi les bénéfices des ventes du PC-12 dans le développement du PC-21, puis ceux du PC-21 dans le développement d’un nouveau projet civil. Si cela n’est plus possible, c’est l’avenir de la société à moyen et à long terme qui est menacé», déclare Markus Kälin.

Pilatus produit depuis 1939 des avions d’entraînement à usage militaire. Depuis 1991, la société qui a son siège à Stans (Nidwald) fabrique aussi un modèle de PC-12 à usage civil.

«Le développement du PC-12 avait déjà coûté plus de 200 millions de francs. Aujourd’hui, le développement d’un nouveau modèle engloutit entre 400 et 500 millions. Même en étant très rapide, il faut au moins six ou sept ans pour mettre un nouveau modèle sur le marché. Les avions deviennent de plus en plus complexes et donc la technique plus coûteuse», précise Markus Kälin.

Pertes d’emplois

Une acceptation de l’initiative frapperait très durement Pilatus. «Nous employons environ 500 personnes dans le secteur des avions d’entraînement et des systèmes militaires. Si nous éliminons ces activités, 700 autres postes de travail seraient mis en danger. En outre, nous ne pourrions plus honorer les contrats pour des services dans le secteur militaire», ajoute le conseiller personnel.

Les produits de Pilatus jouissent d’une très bonne réputation dans les cercles de l’aviation. «Jusqu’à présent, nous avons vendu 1000 PC-12, rappelle Markus Kälin. C’est un grand succès auquel personne ne se serait attendu. Nous avons plusieurs fois été récompensés comme meilleure entreprise au niveau international pour notre support. Nous avons aussi une excellente image dans le domaine des avions d’entraînement.»

Markus Kälin ajoute qu’en ce qui concerne les PC-21, dont la production en série a pu débuter il y a seulement deux ans, 19 ont déjà été vendus à Singapour et 6 à la Suisse.

Image écornée

Cette image est toutefois écornée depuis que des appareils Pilatus, livrés comme avions d’entraînement – ont été armés et utilisés pour des opérations militaires. Le cas le plus récent remonte à février 2008 au Tchad, lorsqu’un PC-9 a été transformé pour effectuer des bombardements au Darfour.

«Nous ne contestons pas qu’il y ait eu des abus dans le passé. Mais nous en avons tiré les leçons et, aujourd’hui, nous avons des directives claires», concède Markus Kälin, faisant référence au renforcement de la loi fédérale sur les exportations d’armes.

«Désormais, lorsque nous livrons un avion, nous devons recevoir un certificat d’utilisation finale délivré par les autorités du pays destinataire. Mais si un gouvernement ne respecte ensuite pas les clauses, nous ne pouvons rien faire. On le voit aussi avec l’accord entre la Suisse et la Libye», relativise Markus Kälin.

De toute façon, pour les pays «moins fiables», il existe un embargo, observe le collaborateur personnel. «Dans ces cas, une exportation n’entre pas en ligne de compte. Mais on ne peut pas absolument empêcher des opérations criminelles. Un véhicule civil peut aussi être rempli d’explosif et placé au milieu d’une foule.»

La reconversion: de la poudre aux yeux

Réglementation en vigueur suffisamment sévère, risque de pertes d’emplois et de savoir-faire pour l’industrie suisse, affaiblissement de l’armée: c’est avec de tels arguments que les opposants combattent l’initiative.

Les promoteurs de l’initiative, au contraire, affirment que les dispositions en vigueur sont lacunaires, que le matériel militaire est destiné à tuer et que l’exportation d’armes est contraire à la politique extérieure suisse qui se base sur des principes de neutralité et de droit humanitaire.

Par ailleurs, l’initiative prévoit un soutien financier de la Confédération pendant dix ans pour les entreprises frappées par l’interdiction d’exporter des armes, l’objectif étant d’accélérer la reconversion de la production militaire en production civile.

«C’est simplement de la poudre aux yeux, juge Markus Kälin. Nous avons un savoir-faire très particulier et aussi des machines spéciales pour fabriquer des avions. Nous devrions non seulement former des personnes, mais aussi transformer toute notre infrastructure.»

La Suisse est trop chère

Selon Markus Kälin, les propositions des défenseurs de l’initiative visant à reconvertir Pilatus avec l’aide de la Confédération ne sont pas réalistes.

«Comme industrie suisse, nous ne pouvons survivre que dans des marchés de niche avec des produits d’avant-garde. Nous sommes trop chers pour les produits de masse. Le passage à la production de grands avions demanderait des milliards d’investissement et nous sommes tout simplement trop petits pour cela. Quant à la reconversion dans le domaine ferroviaire, il faudrait un savoir-faire et des moyens de production complètement différents. Il a fallu 20 ans à Stadler Rail pour parvenir à un haut niveau au plan international», conclut Markus Kälin.

Andreas Keiser, swissinfo.ch, Stans
(Traduction de l’allemand: Olivier Pauchard)

25 appareils. La société Pilatus a reçu une commande d’un demi-milliard de francs des Emirats arabes unis portant sur 25 Pilatus PC-21 destinés à l’entraînement, a communiqué mardi Pilatus.

Formation. Les Emirats arabes unis ont passé commande pour la formation de futurs pilotes militaires.

Matériel varié. La commande porte également sur des simulateurs et un soutien logistique. La livraison des appareils est prévue dès 2011.

Plaque tournante. Le GSsA a émis de vives critiques. Les Emirats arabes unis sont connus pour être une plaque tournante en matière d’armes au Proche-Orient. En 2004, ils avaient remis au Maroc des obusiers blindés suisses M-109, ceci contrairement à ce qui était prévu dans le contrat. En conséquence, la Suisse avait interdit pendant plusieurs mois l’exportation d’armes vers les Emirats arabes unis.

PC-21 concerné. Selon le GSsA, le PC-21 serait concerné par l’initiative populaire «pour l’interdiction d’exporter du matériel de guerre» soumise au vote le 29 novembre.

Selon les statistiques du Secrétariat d’Etat à l’économie, la Suisse a exporté l’an dernier du matériel militaire dans 72 pays pour un total de 722 millions de francs.

Ces chiffres de 2007 constituent un record. Le record précédent remontaient à 1987 avec des exportations pour un total de 578,3 millions.

Pour l’année 2009, les exportations ont déjà atteint un chiffre de 499 millions pour les neuf premiers mois de l’année.

En 2008, les principaux destinataires furent le Pakistan (110 millions), le Danemark (83 millions), l’Allemagne (81 millions) et la Belgique (79 millions).

La part des armes est très modeste par rapport à l’ensemble des exportations suisses: 0,33% en 2008.

L’initiative «Pour l’interdiction d’exporter du matériel de guerre» a été lancée en 2006 par le Groupe pour une Suisse sans armée.

Munie de plus 109’000 signatures, elle demande l’interdictioninterdiction d’exporter depuis la Suissedu matériel de guerre ainsi que des technologies destinées à la fabrication d’armes.

Le courtage et le commerce d’armes ayant pour destinataire des sociétés établies à l’étranger seraient également interdit.

Les auteurs de l’initiative demande une aide fédérale de dix ans en faveur des régions qui seraient touchées économiquement par cette interdiction.

Le gouvernement ainsi que le Parlement demandent au peuple de refuser cette initiative.

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