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Une menace terroriste éclatée et mal comprise

Keystone Archive

Le territoire suisse n'est pas à l'abri d'attaques contre des intérêts étrangers et la présence de membres de cellules terroristes y est fortement suspectée.

Néanmoins, les attentats déjoués à Londres et en Allemagne semblent ne pas avoir de liens directs avec la Suisse, selon les renseignements helvétiques.

Après avoir déjoué le 10 août dernier un complot terroriste visant des avions en partance pour les Etats-Unis, les autorités britanniques multiplient les coups de filet liés à ces projets d’attentat.

Elles suivent la pistes de centaines de Britanniques suspectés de planifier, financer ou encourager d’autres attaques, si l’on en croit les propos tenus récemment par Peter Clarke, chef de la cellule antiterroriste de la police de Londres, sur les ondes de la BBC.

Reste que pour l’heure, aucune certitude ne peut être établie sur l’ampleur réelle de ce projet terroriste, comme le souligne le Suisse Jacques Baud, expert en terrorisme.

Sans totalement exclure une instrumentalisation de cette affaire par Londres et Washington – une hypothèse défendue par certains médias, en Suisse également – Jacques Baud souligne les doutes qu’il est permis d’avoir sur les renseignements fournis par le Pakistan, à l’origine de l’éventement du complot de Londres.

Même prudence du coté du Service d’analyse et de prévention (SAP), les services secrets suisses en charge des questions intérieures – le Service de renseignement stratégique traitant, lui, des questions internationales.

«Nous sommes en contact avec nos collègues britanniques et allemands – où une attaque terroriste contre des trains a récemment été déjouée – mais il est trop tôt pour dessiner une image précise des événements», assure Jürg Bühler, chef suppléant du SAP.

Pas de lien avec la Suisse

«Jusqu’à maintenant, aucun lien direct avec la Suisse n’a été détecté dans ces affaires et la Suisse n’est toujours pas une cible primaire pour les terroristes», ajoute Jürg Bühler.

Cela dit, la menace terroriste continue d’augmenter, selon ce responsable du SAP. Et ce à cause de l’autonomisation croissante des cellules terroristes. «Al Qaïda fixe le cadre global et les cellules agissent localement, sans attendre de directives précises de la direction d’Al Qaïda.»

De son coté, Jacques Baud assure que la réalisation d’un attentat comme ceux déjoués à Londres ou en Allemagne ne nécessite pas d’énormes moyens, ni une logistique très sophistiquée.

Raisons pour lesquelles la vigilance s’impose en Suisse également. «La Suisse n’est pas directement menacée. Mais des organisations internationales, des entreprises ou des représentations américaines, britannique ou israélienne peuvent être attaquées», avertit Hans Hofmann, président de la délégation des commissions de gestion du parlement, qui contrôle les services de renseignement suisses.

Son collègue Kurt Wasserfallen remarque, lui, que la Suisse sert très vraisemblablement de base opérationnelle pour certains groupes terroristes. «Il faut lutter contre cette situation. Mais cela augmente le risque d’attentats en Suisse», ajoute le président de la Commission de gestion de la Chambre basse, un autre organe de contrôle du parlement suisse.

Même s’il estime qu’il ne faut pas surévaluer le rôle de base arrière joué par la Suisse, Jürg Bühler affirme qu’«il faut donc renforcer la détection précoce des activités terroristes en Suisse.»

C’est l’objectif visé par le Département fédéral (ministère) de justice et police, qui veut durcir la Loi sur le maintien de la sécurité intérieure. Ce projet, actuellement en consultation, accorde aux services secrets des moyens d’investigation élargis.

Le piège de la lutte antiterroriste

Cela dit, Jürg Bülher rappelle que les communautés musulmanes de Suisse sont très différentes de celles qui vivent en Grande-Bretagne, puisqu’elles sont originaires essentiellement de Turquie et des Balkans et non du monde arabe ou du Pakistan, d’où proviennent les suspects arrêtés en Grande-Bretagne et en Allemagne.

Reste à savoir si la lutte antiterroriste, menée en Suisse comme dans le reste du monde, permettra de venir à bout de la nébuleuse Al Qaïda et de ses métastases.

Jacques Baud pense tout le contraire: «La guerre au terrorisme conduite par les Etats-Unis et ses alliés favorise l’éclosion des vocations terroristes. Les services engagés dans cette lutte ne comprennent pas la nature et la mécanique même de ce terrorisme djihadiste.»

Ou se trompent d’explication. «Ce n’est pas la misère, ni les promesses virginales du paradis qui motivent les candidats aux attentats-suicides, mais le sentiment que l’Islam est humilié et attaqué par les Occidentaux. Une perception confortée depuis la première guerre du Golfe avec l’arrivée de troupes américaines dans la région», conclut Jacques Baud.

swissinfo, Frédéric Burnand à Genève

Le gouvernement a mis en consultation en juin une réforme de la Loi sur le maintien de la sécurité intérieure, qui autorise notamment les écoutes téléphoniques, les observations dans des lieux privés ou les perquisitions secrètes de systèmes informatiques.

Depuis juillet 2004, tous les utilisateurs de téléphones portables à cartes à prépaiement ont l’obligation de s’enregistrer. Les opérateurs sont tenus de conserver les traces des communications durant deux ans.

En mars 2005, la Suisse a conclu un accord avec les USA (et avec le Canada en 2006) pour leur transmettre 34 données de passagers aériens (noms, numéro de passeport et de carte de crédit ou encore des données concernant le billet d’avion). Des données «sensibles» comme les orientations politiques ou religieuses ne sont en revanche pas communiquées.

La Suisse a ratifié en 2003 les conventions de l’ONU pour la répression du financement du terrorisme et des attentats terroristes à l’explosif.

Le gouvernement suisse s’est associé aux sanctions décrétées par l’ONU contre Al-Qaïda et l’ancien régime afghan des talibans. Au total, 335 individus et 119 organisations sont soumis à des sanctions financières et interdits d’entrée ou de transit en Suisse.

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