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Une piste pour lutter contre les «addictions»

C'est à la dépendance psychique à la cocaïne que se sont intéressés les chercheurs genevois. RSR

Des chercheurs de l'Université de Genève ont réalisé une percée dans la compréhension et le traitement de l'«addiction» à la cocaïne.

Une substance contre la dépendance psychologique qui, si elle pouvait s’étendre à d’autres addictions, pourrait concerner une très large population.

«Nous avons emprunté le terme ‘addiction’ au vocabulaire anglo-saxon pour distinguer la dépendance physique à proprement parler de la dépendance psychologique, qui est l’envie de reprendre une drogue», a expliqué aux médias Christian Lüscher, directeur de la recherche et professeur à la Faculté de médecine de Genève.

La dépendance psychique, qui, finalement, serait elle-même physiologique… En travaillant sur le cerveau de souris ayant absorbé de la cocaïne, Camilla Bellone et Christian Lüscher ont démontré que l’addiction résulte d’une modification physiologique des neurones.

Inverser le phénomène

La prise de cocaïne déclenche en fait des réactions qui rendent perméables au calcium des cellules nerveuses qui ne l’étaient pas. Les scientifiques genevois se sont ensuite demandé comment inverser le phénomène afin de retrouver la situation antérieure à la prise de cocaïne.

Ils ont alors découvert qu’une substance brevetée par le groupe pharmaceutique Roche, le Ro 67-7476, possédait les propriétés requises pour un tel retour en arrière.

«Lorsqu’une souris reçoit une prise de cocaïne, les vannes du calcium, dans son cerveau, sont ouvertes pendant quatre jours. Si on lui administre cette substance, les vannes se referment en quelques minutes», a expliqué le professeur Christian Lüscher.

On ignore pour l’heure si la substance produit les mêmes effets après des prises de stupéfiants répétées et étalées sur une longue durée. «C’est une chose que nous sommes encore en train de tester en laboratoire», a indiqué le chercheur genevois. En revanche, la méthode peut s’appliquer à d’autres produits et même à l’alcool.

Rentabiliser le traitement

Publiés dimanche dans la revue américaine «Nature Neuroscience», les découvertes genevoises font déjà naître l’espoir d’un traitement pharmaco-thérapeutique dans les cinq à dix prochaines années. Le professeur Lüscher a cependant admis qu’on était encore assez loin des tests effectués sur des êtres humains.

Pour des raisons commerciales, les compagnies pharmaceutiques peuvent être réticentes à développer un produit destiné aux seuls toxicomanes, a ajouté le professeur.

Ainsi, cité dans le quotidien ‘Le Temps’, Roche signale ne pas envisager, pour l’instant, de donner suite aux découvertes genevoises: «Pas pour le moment, car cela ne correspond pas aux domaines sur lesquels nous nous focalisons (…)», déclare Katja Prowald, attachée de presse du géant bâlois.

Mais s’il devait se confirmer que l’addiction liée à la cocaïne s’apparente à d’autres addictions, par exemple l’envie incontrôlée de manger, ou de fumer, la question de la rentabilité de ce produit ne se poserait plus, et il est certain que l’industrie pharmaceutique s’y intéresserait alors de très près.

swissinfo et les agences

– En Suisse, la Loi sur les stupéfiants est construite sur le modèle dit des quatre piliers: la prévention, la thérapie, la réduction des risques et la répression.

– Dimanche, Christian Lüscher, de la Faculté de médecine de Genève, a émis l’idée que, face à l’absence de volonté de la pharma-industrie, la politique des drogues en Suisse devrait peut-être intégrer un financement particulier pour les programmes scientifiques menant des recherches cliniques et amenant au développement d’un médicament.

– La Commission fédérale pour les questions liées aux drogues a préconisé en automne 2005 une approche globale et pragmatique face à toutes les substances agissant sur le cerveau – soit également, l’alcool, la nicotine ou certains médicaments.

Selon une enquête réalisée en 2002 par l’Institut suisse de prévention de l’alcoolisme et autres toxicomanies, environ 60’000 personnes consomment de l’héroïne et/ou de la cocaïne.
36% des hommes et 24% des femmes âgés de 15 à 24 ans ont consommé au moins une fois du cannabis.
1/3 de la population de plus de 15 ans fume du tabac.
Le nombre estimé de personnes dépendantes à l’alcool est de 300’000.

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