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Une réforme fiscale écologique encore peu convaincante

Doris Leuthard (à droite) pour l’énergie, Eveline Widmer-Schlumpf pour les finances: la Suisse se prépare à amortir le choc de la sortie du nucléaire. Reuters

Pour atteindre les objectifs de la nouvelle stratégie énergétique 2050, le Conseil fédéral (gouvernement) veut une réforme fiscale écologique, qui consisterait à taxer davantage l’énergie et moins le travail. Pour l’instant, la perspective ne séduit guère la presse suisse.

«Le Conseil fédéral cherche à concrétiser le virage antinucléaire qu’il a amorcé après Fukushima. Les deux ministres de l’Energie Doris Leuthard et des Finances Eveline Widmer-Schlumpf sont apparues ensemble jeudi pour défendre la stratégie gouvernementale. Pourtant, on est encore loin de la parole aux actes», note L’Express de Neuchâtel.

«Les deux ministres se sont contentées d’inventorier les mesures permettant de garantir l’approvisionnement énergétique de la Suisse sans nucléaire et d’ouvrir la voie à une réforme fiscale écologique. Il faudra attendre l’été prochain pour les propositions concrètes», résume le journal. Mais, «cela n’empêche pas l’UDC et la Parti libéral-radical de faire déjà part de leur scepticisme, voire de leur opposition».

Bagarres en perspective

«Pour être neutres au plan économique, les taxes écologiques devraient être compensées par des allègements fiscaux équivalents ou redistribuées intégralement aux consommateurs, précise Le Temps. La théorie est séduisante, les propositions concrètes demeurent encore nues et vierges des controverses à venir».

«Par essence, poursuit le quotidien, une réforme fiscale se heurtera à d’innombrables lobbies et oppositions sectorielles. A l’évidence, elle sera attaquée de toutes parts et pourrait bien s’enliser dans les sables parlementaires et, in fine, échouer en votation populaire».

Car, remarque encore Le Temps, «les citoyens ont conscience des dégâts écologiques, mais ils sont réticents à admettre que la protection de l’environnement, la nature, au sens où l’entendait Adam Smith, a bel et bien un prix réel».

Tigre de papier

«’Elle a sauté comme un tigre pour atterrir comme une descente de lit’, c’est ainsi qu’un ancien sénateur du canton d’Uri décrivait un jour la politique climatique», rappellent ensemble la Südostschweiz et le St-Galler Tagblatt.

Cette réforme annoncée il y a six mois et dont on ne saura rien de concret avant six autres bons mois a déjà «laissé le temps aux partisans verts et aux adversaires proches de l’économie de danser la rhétorique tout un été». Et ce n’est pas la première fois que l’on en parle, rappellent les deux quotidiens. Durant toutes les années 90, de nombreuses études ont été publiées sur la fiscalité écologique, jusqu’à un premier échec en votation populaire en 1999.

Or, la réforme annoncée par Eveline Widmer-Schlumpf prévoit de compenser la fiscalité écologique en baissant d’autres impôts. Lorsqu’il s’agira de décider lesquels, c’est l’affrontement programmé, et le projet «risque bien de rester un tigre de papier, même pas utilisable comme descente de lit», prédisent les deux journaux.

Pour sauver son siège

«Eveline Widmer-Schlumpf, conseillère fédérale en campagne électorale permanente, devrait s’être assuré hier encore quelques voix qui comptent dans le camp rose-vert», écrit pour sa part la Basler Zeitung.

Pour le quotidien bâlois, la ministre des Finances qui chercherait avant tout à sauver son siège lors de la réélection du gouvernement par le parlement le 14 décembre semble avoir oublié que «plusieurs membres des partis du centre, dont elle espère obtenir également les voix, ont dit clairement il y a quelques semaines que la sortie du nucléaire devait se faire sans nouvelles subventions ni nouvelles taxes écologiques».

Inconséquence

La Neue Zürcher Zeitung, de son côté, s’en prend à tous ceux qui ne vont pas manquer de critiquer le gouvernement pour sa politique énergétique et fiscale, en oubliant que les lobbies et les députés portent également ici une grosse part de responsabilité.

«Ce sont les même parlementaires qui d’un côté veulent supprimer tous les droits de timbre et de l’autre, veulent dépenser plus pour une plus grande armée, pour des avions de combat, pour les routes, les chemins de fer, l’agriculture, la formation et la recherche», dénonce le quotidien zurichois, qui taxe d’«inconséquentes» certaines des critiques adressées au Conseil fédéral.

Le Conseil fédéral a décidé d’examiner en profondeur l’opportunité d’une réforme fiscale écologique. Il s’agirait de taxer davantage l’énergie et moins le travail et l’épargne.

Globalement, la charge fiscale des ménages et des entreprises ne devrait pas augmenter. Les recettes issues de la réforme seraient en effet compensées par des baisses d’impôts et de taxes ou redistribuées aux ménages et aux entreprises.

Le gouvernement y espère des gains en matière de prospérité et de croissance. Il a chargé les services de la ministre des Finances Eveline Widmer-Schlumpf d’examiner diverses solutions d’ici l’été 2012.

Parallèlement, les services de Doris Leuthard, ministre de l’Environnement, des Transports, de l’Energie et de la Communication, vont étudier le remplacement à l’horizon 2020 de la taxe sur le CO2 par une nouvelle taxe affectée dont les recettes seraient redistribuées.

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