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Une Suissesse surveille les élections américaines

Barbara Hearing et son équipe surveilleront les présidentielles du 2 novembre. Keystone

La députée suisse Barbara Haering sera responsable de la délégation de l’OSCE qui surveillera le déroulement du duel électoral Bush-Kerry.

Cette surveillance des présidentielles renforcera tant la crédibilité des Etats-Unis que celle de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe.

swissinfo: Généralement, l’OSCE surveille les élections dans des pays comme la Géorgie ou l’Afghanistan. Comment ce fait-il que votre nouvelle mission se déroule aux Etats-Unis, un Etat libre et démocratique?

Barbara Haering: Ce n’est pas la première fois que l’OSCE observe le déroulement d’élections dans un pays occidental. Le Royaume-Uni et l’Espagne nous y avaient déjà invités.

Aux Etats-Unis, c’est le même cas. Nous observerons ces élections à la demande du gouvernement américain.

swissinfo: Les Etats-Unis ont-ils un problème de crédibilité depuis la débâcle électorale de l’an 2000?

B.H.: Je pense que le fait d’observer des élections a des effets à plusieurs niveaux. D’abord, cela renforce la crédibilité des Etats-Unis dans le cadre de son activité au sein de l’OSCE.

Cela renforce également la crédibilité de l’OSCE en tant qu’organisation. En effet, les pays de l’Est dénoncent régulièrement le fait que nous appliquions deux poids deux mesures. Ils veulent que nous balayions aussi devant la porte des pays occidentaux.

Enfin, en troisième lieu, cette surveillance devrait renforcer la confiance des Américains dans leur système électoral et, ce faisant, dans leur pays.

swissinfo: Votre délégation aux Etats-Unis a-t-elle été accueillie à bras ouverts ou y a-t-il eu des protestations?

B.H. : Du côté officiel, cette surveillance électorale a été accueillie très positivement. Toutes les institutions avec lesquelles nous avons déjà eu un contact nous soutiennent.

Mais des politiciens et des médias ont critiqué le fait qu’une telle surveillance puisse revêtir un caractère politique dans une élection aussi serrée. C’est dans ce sens que des critiques sont apparues dans différents milieux.

swissinfo: Le système électoral américain est-il plus sujet aux manipulations que ceux des autres pays occidentaux?

B.H. : J’ai remarqué que, exactement comme en Suisse, le système est très différent selon l’endroit. Chez nous, la compétence électorale appartient à chaque canton et aux Etats-Unis à chaque Etat.

De plus, l’introduction de nouvelles technologies, en particulier d’un système électronique de vote, pose de nouvelles questions et de nouveaux problèmes à tous les pays qui ont choisi cette voie.

swissinfo: Avez-vous d’ores et déjà constaté des irrégularités lors de vos visites pré-électorales?

B.H. : No comment. Je ne prendrai pas position sur ce que nous avons appris jusqu’à présent. Nous nous exprimerons dans un rapport qui sera livré après les élections, si possible le 4 novembre. Jusqu’à cette date, c’est le silence radio.

swissinfo: Que fera concrètement votre délégation le 2 novembre, le jour de l’élection?

B.H. : La surveillance des élections ne se limite naturellement pas au jour du scrutin. Elle prend également en compte l’analyse de la campagne électorale, l’accès de tous les candidats aux médias, la question de l’inscription des électeurs ainsi que le système électoral en tant que tel et les questions de techniques.

Le 2 novembre, nous serons présents dans des locaux de vote d’environ dix Etats, afin d’observer nous-même le déroulement du scrutin. Pour ma part, je serai présente en Ohio avec une petite équipe.

Nous écrirons nos observations sur des formulaires standards. Ainsi, les résultats pourront être systématiquement compilés le 3 novembre.

swissinfo: Si, comme déléguée de l’OSCE, vous constatez une irrégularité le jour de l’élection, pouvez-vous intervenir directement?

B.H. : Non. L’OSCE n’a pas un rôle de police. Elle livre un rapport où figurent ses observations, d’éventuelles irrégularités ainsi que de possibles recommandations pour améliorer la situation.

Le cas échéant, la mise en œuvre de ces recommandations n’interviendrait que lors des élections suivantes et cela reste de la compétence des seuls Etats américains.

swissinfo: En Floride, les bureaux de vote ont ouvert leurs portes deux semaines avant le jour officiel de l’élection et on y signale déjà des pannes. Est-ce un mauvais présage?

B.H. : Sur cette question non plus, je ne souhaite pas prendre position. Ce que je peux vous dire, c’est que nous répertorions très attentivement toutes les informations que nous avons déjà recueillies par mail, dans les médias ou sur internet.

swissinfo: Surveillez-vous tout particulièrement la Floride?

B.H. : Notre mission consiste à donner un reflet global de la situation. Nous délégations ne se rendent donc pas seulement en Floride ou dans l’Ohio, mais aussi dans d’autres Etats.

swissinfo: Il y aura davantage de machines de vote électroniques en fonction que lors des dernières présidentielles. Est-ce un pas dans la bonne direction?

B.H. : C’est un pas qui place les responsables devant de nouvelles questions. Par exemple la question de la sécurité du système électronique. Les disques dures et les logiciels doivent être vérifiés très minutieusement par les Etats.

swissinfo: Les différences entre les Etats sont grandes. Dans certains, on utilise encore des cartes à trous pour voter. Ces différences entrent Etats représentent-elles un problème?

B.H. : Il est vrai qu’il existe plusieurs systèmes possibles. Cela va des traditionnels bulletins aux cartes à trous en passant par des machines manuelles ou électroniques. Mais la diversité des systèmes ne représente pas un problème fondamental.

swissinfo: Une dizaine d’observateur de l’OSCE dans un énorme pays comme les Etats-Unis. N’est-ce pas une goutte d’eau dans l’océan?

B.H. : Il faut d’abord dire que nos contrôles ne peuvent être que des coups de sonde. C’était déjà le cas en Russie. Nous ne disposons pas du personnel nécessaire pour couvrir un pays entier. C’est pourquoi nous devons choisir très attentivement où nous faisons nos contrôles.

Mais la situation aux Etats-Unis n’est pas la même que dans d’autres pays. Ailleurs, nous n’avons souvent pas assez d’informations. En Amérique, ce serait plutôt le contraire.

Par ailleurs, si un problème survient aux Etats-Unis, il y aura toujours au moins un journaliste ou une organisation non gouvernementale pour en parler.

swissinfo: L’OSCE pourrait-elle un jour surveiller des élections en Suisse?

B.H. : Elle le ferait certainement si elle y était invitée par la Suisse. C’est un bon signal lorsque des pays occidentaux montrent clairement qu’ils ne se contentent pas de prôner les valeurs et aux principes défendus par l’OSCE, mais qu’ils sont également prêts à se soumettre aux contrôles qui vont avec.

Interview swissinfo, Gaby Ochsenbein
(Traduction: Olivier Pauchard)

Barbara Hearing est députée socialiste zurichoise à la Chambre basse du Parlement depuis 1990.
Cette scientifique de 51 ans est considérée comme une grande experte des questions de sécurité.
Elle est vice-présidente de l’assemblée parlementaire de l’OSCE.

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