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Une vague porteuse pour le camp du non

Pour René Schwok, le refus français apporte de l'eau au moulin des eurosceptiques suisses, ƒ‹ƒlEƒVƒ…ƒƒbƒN‹³Žö‚́uƒXƒCƒX‚Í2012”N‚²‚ë‚ÉEU‰Á–¿‚ð‰Ê‚½‚·‚Ì‚Å‚Í‚È‚¢‚©v‚ÆŒ©‚Ä‚¢‚éB

Le refus français de la Constitution européenne pourrait favoriser le non lors de la votation suisse sur Schengen/Dublin, affirme le politologue René Schwok.

Ce spécialiste de l’intégration européenne attend toutefois un résultat positif au sortir des urnes, ce week-end.

Les Français ont freiné la construction européenne ce week-end en opposant un non très majoritaire à la Constitution de l’Union européenne. Un non qui pourrait faire tâche d’huile aux Pays-Bas mercredi.

Maître d’enseignement et de recherche de science politique à l’Institut européen de l’Université de Genève, René Schwok estime que ce résultat pourrait aussi influencer le résultat du vote sur le double accord bilatéral (Schengen/Dublin), le week-end prochain en Suisse. Cherchez l’erreur.

swissinfo: Quelles répercutions faut-il attendre du non français à la Constitution européenne sur le vote du week-end prochain (Schengen/Dublin) en Suisse?

René Schwok: L’impact direct sur le vote, je ne le connais pas. Nous n’avons pas de sondages d’opinion en Suisse qui pose la question clairement: est-ce que le vote français a une influence sur votre vote sur Schengen/Dublin? Aux Pays-Bas par contre, divers sondages montrent très clairement que le non français aura un impact négatif. Qu’il renforce le camp du non.

Ceci dit, intuitivement, j’ai l’impression que ce résultat ira dans le sens du camp du non en Suisse aussi. C’est d’ailleurs bien ce camp qui se réjouit du vote négatif français. Et qui espérait ce résultat pour forcer sa campagne.

Par contre, je ne suis pas certain que l’impact du votre français sera suffisant pour rattraper le retard. D’après le dernier sondage de gfs, le camp du oui se situe quand même à 55%, le camp du non, à 35%. La différence est de 20 points. Si on distribue les 10% d’indécis à part égale entre oui et non, on arrive à 60-40.

swissinfo: Vous attendez-vous à ce que les forces du non s’engouffrent dans la brèche du non français?

R.S.: Oui. Ceci dit, il faut quand même rappeler deux choses. D’abord, on ne vote que sur une association de la Suisse à Schengen/Dublin, pas sur la Constitution européenne. Deuxièmement, une bonne partie des Suisses a déjà voté. L’impact est amorti par vote par correspondance.

swissinfo: Quelles sont les similarités entre les deux scrutins?

R.S.: Franchement, je ne vois pas beaucoup d’analogies. Les différences sont tellement énormes… Dans le cas suisse, il s’agit d’une simple association d’un pays souverain à une ou deux politiques de l’Union européenne, celles de Schengen/Dublin. On a affaire ici à un traité taillé sur mesure pour la Suisse: elle entre dans Schengen mais ne lève pas ses contrôles aux frontières.

Dans le cas du vote français, l’objectif était beaucoup plus ambitieux. Et ce vote français a un impact non seulement sur la France, mais aussi sur l’ensemble de l’Union européenne. En votant non, les Suisses ne bloqueront pas Schengen.

swissinfo: Le ministre helvétique des finances Hans-Rudolf Merz salue le non français, sa lecture étant qu’il confirme la validité de la voie bilatérale choisie par la Suisse. Votre commentaire?

R.S.: Il est possible que certains partagent cette vision en Suisse, se disant qu’au fond, il y a plusieurs manières de s’intégrer. Les Français montrent qu’on peut refuser la Constitution tout en étant dans l’Union européenne. Pourquoi pas une Suisse qui refuse l’adhésion tout en acceptant certaines politiques européennes. Le résultat français pourrait renforcer en Suisse les tenants d’une intégration à la carte.

Mais je vois aussi dans cette réaction une tentative du camp du oui pour récupérer l’affaire. Ceci dit, comme Hans-Rudolf Merz, je suis convaincu que Schengen/Dublin et l’ensemble des accords bilatéraux n’amènent pas à une adhésion de la Suisse à l’Union européenne.

Je crois du reste que les Suisses l’ont davantage compris qu’en 1992 (votation sur l’EEE). Merz joue un rôle très positif à cet égard, étant intimement convaincu que la Suisse ne doit pas adhérer à l’Union européenne (M. Merz est favorable au oui à Schengen/Dublin, ndlr).

swissinfo: Certains observateurs estiment qu’au moment de voter, les Suisses sont généralement imperméables aux influences extérieures. C’est aussi votre appréciation?

R.S.: C’est vrai, on n’a pas beaucoup d’exemples où ils auraient tenu compte des influences extérieures. Je n’en vois pas. N’oubliez pas aussi que la Suisse allemande et la Suisse italienne – où vivent quand même 80% de la population suisse – sont moins touchées par le vote français que la Suisse romande. Dans la partie francophone, notre vision est un peu biaisée.

swissinfo: Autant en France qu’en Suisse, comment percevez-vous le rôle des avis à l’emporte-pièce durant la campagne?

R.S.: Je suis sidéré par les amalgames du camp du non, en France comme en Suisse. En France, le camp du oui a commis pas mal d’exagérations également, ce que je n’ai pas observé en Suisse.

Le camp du oui a peut-être raison de rester calme, comme il le fait ici. Ce que veut le camp adverse, c’est qu’il tombe dans le piège de la surenchère. Le camp du non sait bien que lorsque les gens sont déstabilisés, ils préfèrent le statu quo et voter non.

swissinfo: Plus largement maintenant, quel impact le non français aura-t-il sur les relations entre la Suisse et l’Union européenne?

R.S.: Peu d’impact. Ma thèse est que la Constitution n’apportait pas tellement d’éléments nouveaux, contrairement à ce que le camp du oui disait. Des petites choses positives certes – un peu plus d’efficacité, un peu plus de démocratie, un peu plus de lisibilité – mais foncièrement, ça ne changeait pas grand chose.

Le Traité de Nice continue à s’appliquer. On est en territoire connu. Je n’y vois rien de dramatique, à moins que les pays de l’UE commencent à régler leurs comptes entre eux. Mais quel gouvernement aujourd’hui en Europe aurait intérêt à une crise? J’ai donc l’impression que ce non ne va pas changer grand chose dans la relation entre l’Union européenne et la Suisse.

Interview swissinfo, Pierre-François Besson

Les Français ont refusé la Constitution à 54,87%
Les Néerlandais doivent à leur tour se prononcer mercredi
Les sondages annoncent le non gagnant
Les Suisses votent le 5 juin sur la participation à Schengen/Dublin
Le dernier sondage donne 55% de oui, 35% de non et 10% d’indécis

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