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Une victoire pour Dick Marty au Conseil de l’Europe

Pour Dick Marty, les listes noires sont «totalement arbitraires et sans crédibilité aucune». Keystone

Une commission de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe a approuvé lundi le rapport du Suisse Dick Marty contre les «listes noires» de présumés terroristes dressées par l'ONU et l'UE.

Le sénateur tessinois, qui a reçu samedi le Prix 2007 de la Société internationale pour les droits de l’homme, a déjà enregistré une première victoire: depuis avril, l’UE informe les gens avant de les inscrire sur sa liste.

Lundi Dick Marty a fustigé une nouvelle fois les listes noires des Nations Unies et de l’Union européenne (UE), qui représentent pour lui «un glissement dangereux des démocraties occidentales vers l’arbitraire dans la lutte antiterroriste».

«Des personnes y sont inscrites parfois sur la base de simples soupçons», s’insurge le rapporteur spécial du Conseil de l’Europe. Ce système envoie un «message dévastateur» au reste du monde, a souligné le sénateur suisse lors d’une conférence de presse à Paris.

Le même jour, son rapport a été approuvé par la Commission des questions juridiques et des droits de l’homme de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, dont il est le président.

Dans un communiqué, la commission appelle à revoir «de toute urgence» les modalités d’application de ces listes noires, qualifiées de «totalement arbitraires et sans crédibilité aucune».

Pas le droit de se défendre

«Si l’on considère les listes noires, les détentions secrètes à Guantanamo, les nouvelles collectes de renseignement sur tous les passagers d’avion, je constate qu’il y a une dynamique, qui au nom de la lutte contre le terrorisme, fait que les droits fondamentaux sont de plus en plus restreints et que le droit de se défendre est de plus en plus illusoire», souligne Dick Marty.

Actuellement, quelque 370 personnes sont inscrites sur la liste noire de l’ONU, alors qu’une soixantaine figureraient sur celle de l’UE. Le plus souvent, les individus inscrits ne sont pas avisés et prennent connaissance de cette mesure au moment où ils veulent franchir une frontière ou utiliser un compte bancaire.

«Les conséquences peuvent être dramatiques sur la vie personnelle et professionnelle», s’insurge le rapporteur. Et rappelle que «souvent un pays propose d’inclure une personne sur la liste sans fournir des raisons détaillées au comité de sanctions». Et celui-ci «donne son accord sans entendre ni même en informer l’intéressé».

«Aujourd’hui, un tueur en série a plus de droits qu’une personne inscrite sur une liste noire», résume Dick Marty

Un cas «kafkaïen»

Le rapporteur cite ainsi le cas «kafkaïen» de l’homme d’affaires égypto-italien Youssef Nada, membre du mouvement panislamiste des Frères musulmans, qui vit dans l’enclave italienne de Campione d’Italia au Tessin.

Un temps soupçonné d’avoir financé les attentats du 11 septembre, il a ensuite été innocenté par la justice suisse après une enquête de quatre ans. Aujourd’hui, «il est toujours sur la liste noire», privé de ses biens et du droit de voyager, s’indigne le sénateur suisse.

Pour faire cesser ces pratiques, Dick Marty demande notamment qu’une instance indépendante puisse vérifier les accusations portées contre des groupes ou des individus avant que ceux-ci ne soient placés sur liste noire.

Son rapport sera débattu du 21 au 25 janvier par l’assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, composée d’élus de 47 pays. Le Conseil de l’Europe n’a pas de pouvoir exécutif mais peut demander à ses Etats membres de se saisir de la question.

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Un premier pas

La liste noire de l’ONU est établie par un comité basé à New York (le Comité 1267), créé en 1999 pour surveiller la mise en oeuvre des sanctions prises contre les talibans en Afghanistan. Elle a ensuite été étendue à tous les individus ou organisations associés au réseau Al-Qaïda.

De leur côté, les Etats membres de l’UE ont décidé en avril d’informer les groupes et individus lorsqu’ils sont placés sur sa liste noire des suspects de terrorisme. Ceux-ci peuvent ainsi désormais demander des explications sur cette mise à l’index et sur le gel de leurs avoirs.

swissinfo et les agences

En 2005, l’ONG Human Right Watch dénonce l’existence en Europe de prisons secrètes de la CIA et le kidnapping de terroristes présumés.

Le Conseil de l’Europe charge alors le sénateur suisse Dick Marty – ancien procureur du canton du Tessin et président de la Commission des questions juridiques et des droits de l’homme de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe – d’enquêter.

En juin 2006, Dick Marty présente un premier rapport: 14 pays européens ont collaboré avec la CIA sur le transfert de terroristes présumés et leur détention dans des prisons secrètes.

Le rapport accuse aussi plusieurs pays, dont la Suisse, d’avoir fermé les yeux sur le transit d’avions suspects.

Dans son deuxième rapport, déposé en juin 2007, Dick Marty révèle que la CIA a géré des prisons secrètes en Pologne et en Roumanie de 2003 à 2005.

Ce lundi, la commission qu’il préside approuve son nouveau rapport, portant cette fois sur les listes noires. Celui-ci doit être discuté en janvier par l’assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe.

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