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Valentin Rossier, fier magicien

Valentin Rossier, «un souvenir brumeux qui est celui de l’enfance». SP

L'acteur et metteur en scène romand, un des meilleurs du moment, met sa voix et son corps au service du «Grand cahier».

Avant Genève et Neuchâtel, il interprète à Lausanne le célèbre roman d’Agota Kristof, écrivain hongroise réfugiée en Suisse. Poignant.

Pas question de s’emparer d’un grand texte et de le faire parler sur scène sans avoir passé des frontières prétendues infranchissables. Une fois le voyage accompli, on s’installe sur sa terre de prédilection.

C’est ce que fait Valentin Rossier dans «Le grand cahier». Ce roman poignant d’Agota Kristof, le comédien semble l’avoir choisi comme expression de sa juste place au monde. Il lui trouve même un excellent répondant: le théâtre.

Rossier est un fier qui revendique ici une œuvre fortement arrimée à lui. Il affirme: «Vouloir travailler seul (…) un texte comme ‘Le grand cahier’, c’est un peu pouvoir s’oublier soi-même (…) et tenter d’extirper (…) les mots (…) d’un souvenir brumeux qui est celui de l’enfance».

Eliminer ses émotions

Deux gamins, jumeaux, Lucas et Klaus, sont déposés par leurs parents dans un village-frontière chez leur grand-mère, mi folle mi sorcière. La guerre bat son plein et les deux enfants, livrés à eux-mêmes, vont apprendre à l’affronter en s’infligeant des exercices d’insensibilité destinés à élimer leurs émotions.

A cette discipline de fer, Valentin Rossier se plie avec force, amour, conviction et … humour. Le spectacle qu’il met lui-même en scène semble sortir de son parcours de vie, lui qui n’a pas connu son père et n’a croisé sa mère qu’à l’âge de 7 ans.

Seul sur la scène de Vidy, il se sent légitime au regard sans pitié d’Agota Kristof qui, lorsqu’elle a appris que le comédien interpréterait son roman lui aurait dit: «Mais vous êtes fou!».

Folie très bien maîtrisée pourtant. Rossier parvient à introduire dans la monstruosité de la guerre une humanité d’autant plus déchirante qu’innocente.

Jeu de reflets

Derrière lui, un rideau de velours rouge ferme en demi-cercle le fond du plateau. A l’avant-scène, l’acteur, debout face au public, est éclairé par un rond de lumière. Soleil crépusculaire d’une guerre qui ne dit pas son nom.

Ce cercle de feu, le comédien ne le quittera point. Magicien d’un soir, son corps savamment illuminé se scinde en deux renvoyant sur le rideau rouge le reflet des jumeaux.

Et voilà que les deux personnages, nés comme par magie, se mettent à vivre en images, ombres d’eux-mêmes et bêtes de foire fabriquées par toutes les guerres et soumises au regard abasourdi de l’humanité.

swissinfo, Ghania Adamo

«Le grand cahier». Lausanne, Théâtre de Vidy, jusqu’au 20 novembre. Tel: 021 619 45 45 . Centre Culturel Neuchâtelois, 28 et 29 novembre. Genève, Théâtre du Grütli, du 3 au 14 décembre.

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