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Vers une nouvelle révolution conservatrice avec le président Trump?

Sur le style Trump, le "Washington Post" rappelle que le magnat de l'immobilier n'aime pas lire, surtout pas de longs rapports, et qu'il demandera donc à ses conseillers, experts et ministres de faire des résumés très concis des dossiers. Keystone/AP/PABLO MARTINEZ MONSIVAIS sda-ats

(Keystone-ATS) La présidence Trump mettra un coup de frein aux huit années progressistes de celle d’Obama. Difficile en revanche de se faire une idée précise des grandes orientations du futur locataire de la Maison Blanche. Se dirige-t-on vers une nouvelle révolution conservatrice?

Editorialistes, observateurs et experts s’accordent à dire que Donald Trump a au moins deux ans, jusqu’aux prochaines législatives (élections de mi-mandat), pour mettre en place ses priorités, notamment grâce à la majorité républicaine au Congrès. C’est relativement court et il ne pourra pas tout faire en même temps.

Nomination d’un juge conservateur à la Cour suprême des Etats-Unis, abrogation, au moins partielle, de la réforme de la santé Obamacare, baisse d’impôts pour les riches et les grandes sociétés, retournement spectaculaire sur l’environnement et le climat, premières mesures contre l’immigration: voilà les premiers coups d’arrêt opérables contre les années Obama, selon les spécialistes.

Plusieurs obstacles possibles

Mais dans une analyse jeudi, le Washington Post estime que « les promesses intrépides de M. Trump pourraient affronter des obstacles tant juridiques que politiques », notamment sur l’Obamacare ou sur la construction d’un mur à la frontière mexicaine. Certaines décisions devront être approuvées par le Congrès, et même des parlementaires républicains pourraient ne pas tout laisser passer, notamment sur des détails de fond et de forme.

Le frein au « progressisme » du double mandat démocrate ne donne toutefois pas pour autant d’indices sur le vrai logiciel idéologique d’une présidence Trump. « Incertitude » et « imprévisibilité » semblent être les maîtres mots avec le futur 45e président américain.

« Quelles sont exactement les vraies valeurs politiques, morales et éthiques de Donald Trump? On ne sait rien. C’est l’inconnu. Il a tellement dit tout et son contraire », résume Boris Vejdovsky, maître d’enseignement en littérature et culture américaine à l’Université de Lausanne.

Pas de « reaganisme » bis

« Son ‘America First’ (Amérique d’abord) n’est pas basé sur des valeurs morales, mais sur un espèce de ‘moi d’abord’ qui a parlé à beaucoup de gens », les délaissés de l’Amérique. M. Vejdovsky ne voit donc « ni révolution reaganienne ni révolution conservatrice » sous Trump.

La comparaison avec Ronald Regan ne tient pas, selon lui: l’ancien président venait d’un vrai milieu conservateur, a été durant huit ans gouverneur de Californie, Etat comparable à un pays. Il avait une réelle expérience politique avant d’accéder à la Maison-Blanche.

Trump sera-t-il finalement pragmatique comme il l’a été en tant qu’homme d’affaires? Un président consensuel après avoir été un candidat radical, brutal et provocateur? A la Maison Blanche, « je pense qu’il va plutôt arranger la table plutôt que la renverser », illustre M. Vejdovski.

Quel rapport de force avec le GOP?

« On risque de rester dans le flou jusqu’au printemps prochain. Il faut d’un côté attendre la constitution de l’équipe Trump à la Maison Blanche mais également de l’autre côté le vrai rapport de force entre le parti républicain et son administration », analyse pour sa part Vincent Michelot, spécialiste de l’histoire politique des Etats-Unis et ex-directeur de Sciences Po à Lyon.

La colère et la peur ne sont pas un programme politique, ont répété de nombreux observateurs durant la campagne électorale américaine. Or, selon M. Michelot, Donald Trump « va devoir donner des gages à ce mouvement populiste, à cette colère des cols bleus qui se sont sentis trahis ces dernières années par l’élite républicaine ».

Le mouvement ultraconservateur du Tea Party influencera-t-il le « trumpisme »? Ce sera aussi l’un des enjeux de l’aile très à droite du Grand Old Party (GOP).

« Instinctif et rapide »

Sur le style Trump, le « Washington Post » rappelle que le magnat de l’immobilier n’aime pas lire, surtout pas de longs rapports, et qu’il demandera donc à ses conseillers, experts et ministres de faire des résumés très concis des dossiers. On peut donc s’attendre à des décisions instinctives et rapides, écrit le quotidien.

« Je n’ai pas l’impression que Donald Trump ait une vraie passion pour les affaires publiques (…) Je ne suis pas sûre qu’il ait vraiment envie de gouverner. Gagner, oui, mais gouverner… », confie au journal Libération Marie-Cécile Naves, chercheuse associée à l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris) et auteure de « Trump: l’onde de choc populiste ».

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