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Vertiges féminins dans La Maison de poupée

La version genevoise de la pièce avec, de gauche à droite, Ekaterina Tschetshelachvily, Simon Duprez et Barbara Tobola. Carole Parodi

Hasard du calendrier: «La Maison de poupée», pièce célèbre de Henrik Ibsen, est jouée à Zurich et à Genève dans deux versions différentes.

Une occasion pour reconsidérer la liberté de la femme.

Pour les femmes éprises de liberté, la Nora de Henrik Ibsen est un cas rêvé. Ni pute ni soumise, l’héroïne de «La Maison de poupée», née en 1879 sous la plume du grand auteur norvégien, dépasse largement le cadre de son époque.

Par ses aspirations, elle annonce les élans féministes du 20e siècle dont le 21e a mal hérité.

Il n’est donc pas étonnant de voir de jeunes metteurs en scène s’emparer aujourd’hui de la figure de Nora. Femme rebelle qui, dans un mouvement de révolte intérieure, quitte un mari banquier et une société bien nantie pour retrouver son autonomie.

Une pièce rebaptisée et…modifiée



Certes, les divorces ou les séparations de couples sont devenus de nos jours monnaie courante. Mais ce qui attire chez Nora, ce n’est pas tant sa rupture avec la morale bourgeoise.

C’est plutôt sa capacité à assumer, par ses actes, les pulsions agressives qui opposent toujours hommes et femmes.

Pulsions agressives transformées carrément en pulsions criminelles par le metteur en scène allemand Thomas Ostermeir qui fait un peu le ménage dans la «Maison de poupée».

D’abord en rebaptisant la pièce «Nora». Ensuite en modifiant sa fin. Sous sa houlette, l’héroïne se débarrasse de son mari non pas en le quittant mais en le tuant.

Créée à Berlin avec un immense succès, la «Nora» d’Ostermeir est à l’affiche du Schauspielhaus de Zurich jusqu’au 26 novembre.

La condition de la femme n’a pas évolué



Dans le rôle-titre, la grande actrice allemande Anne Tismer (41 ans) qui fit un triomphe cet été à Avignon où le spectacle était au programme du festival.

Interrogé alors sur la réactualisation de la pièce, Ostermeir confiait à la presse française: «La Maison de poupée doit être un choc, car, somme toute, la condition de la femme, en Allemagne en tout cas, n’a pas tant évolué depuis le 19e siècle.»

Et Anne Tismer de renchérir dans une autre interview: «Le scandale aujourd’hui ne serait pas que Nora parte, mais qu’elle tue son mari.»

Une version genevoise d’origine



Hasard du calendrier: «La Maison de poupée» est donnée à partir du 23 novembre à la Comédie de Genève, dans une mise en scène d’Anne Bisang. La directrice des lieux n’apporte pas, quant à elle, de changement à la pièce.

Si chez Ostermeir la liberté se conquiert par la violence de la mort, chez Anne Bisang elle se réalise par «une grande ouverture à la surprise».

«Ce qui est intéressant chez la femme telle que vue par Ibsen, explique la metteuse en scène, c’est sa façon de se laisser submerger par le flot des événements. Quitte ensuite à faire le tri pour retenir la solution qui lui permet d’accéder à son autonomie.»

Des modèles féminins très sexualisés



Pour Anne Bisang, la liberté féminine est loin d’être, au 21e siècle, une affaire classée. Certes, beaucoup de choses ont changé depuis Ibsen. Mais l’accès des femmes à leur propre désir n’est pas une bataille déjà gagnée.

«Il suffit pour s’en convaincre d’observer les jeunes d’aujourd’hui. Qu’a-t-on à leur offrir, sinon des modèles féminins très sexualisés, calqués sur des images stéréotypées que leur renvoie la télévision, par exemple», se demande Anne Bisang.

A Barbara Tobola, très jeune actrice romande, la metteuse en scène a confié Nora. «La jeunesse du rôle me semble essentielle, lâche Anne Bisang. Je pense que la comédienne appartient à une génération qui n’a intégré qu’en partie l’héritage du féminisme et qui risque encore d’être piégée par la vie.»

A moins que l’héroïne d’Ibsen ne lui serve de garde-fou…

swissinfo, Ghania Adamo

«La Maison de poupée», la pièce de Henrik Ibsen, est présentée dans deux interprétations différentes.
Au Schauspielhaus de Zurich, «Nora» est à l’affiche jusqu’au 26 novembre.
A la Comédie de Genève, «La Maison de poupée» est jouée du 23 novembre au 12 décembre.

– «La Maison de poupée» est née en 1879 sous la plume de Henrik Ibsen, grand auteur norvégien.

– L’héroïne principale, Nora, est une femme rebelle. Elle quitte un mari banquier et une société bien nantie pour retrouver son autonomie.

– Cette pièce annonce les mouvements féministes du 20e siècle.

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