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Villa Flora: Winterthour réinvente ses musées

Odalisque debout. Une oeuvre de Henri Matisse (1869 -1954) à la Villa Flora. Privatbesitz

Avec 17 musées, la ville de Winterthour est une des plus riches du pays. Un ambitieux projet de réorganisation muséale a été lancé pour mettre en valeur ce patrimoine. A la croisée des chemins, la Villa Flora ouvre une nouvelle exposition.

De nombreux habitants de Winterthour sont bien étonnés lorsqu’on leur demande combien de fois ils ont vu les tableaux de Renoir, Van Gogh, Cézanne, Hodler ou Vallotton exposés dans les institutions de leur ville. Ils ne savent souvent pas que ces chefs-d’œuvre sont conservés autour d’eux.

Cité industrielle classique, avec ses grandes familles Sulzer, Volkart et autres, Winterthour (plus de 100’000 habitants) a aussi un nombre correspondant de mécènes. L’avenir de la collection Bruno Stefanini, un «roi» de l’immobilier local est par exemple toujours en discussion.

Les grands collectionneurs du siècle passé ont déjà leur musée. Souvent, ces lieux, encore partiellement habités par leurs propriétaires ou leurs héritiers, sont restés longtemps fermés au public.

«Oeuvre d’art totale»

C’est le cas de la Villa Flora, décrite comme une «œuvre d’art totale» dans la brochure de présentation: la maison elle-même, construite en 1846, le jardin, l’aménagement et, bien sûr, la collection, réunie par Hedy et Arthur Hahnloser-Bühler, peintre et ophtalmologue, entre 1907 et 1932, sont des chefs-d’œuvre.

Le couple collectionne alors des peintres contemporains et ne peut «en saisir toute la portée historique qu’à la fin de [leur] vie», explique Margrit Hahnloser-Ingold dans le catalogue du musée. La collection, acquise directement chez les peintres, contribua beaucoup à faire connaître le post-impressionnisme en Suisse.

Jusqu’en 1995, la Villa Flora, avec ses Bonnard, Cézanne, Van Gogh, Renoir, Hodler ou Vallotton était un mythe invisible pour le grand public. C’est la petite-fille des collectionneurs, Verena Steiner-Jäggli, et son époux qui ont ouvert la maison aux visiteurs.

La troisième exposition

L’exposition qui s’est ouverte le 30 octobre n’est pas que la troisième des lieux, après deux présentations en 1995 et 2005. Son titre, «Vive la peinture!» fait référence aux seuls mots écrits sur une carte par Matisse à Bonnard, comme un manifeste.

La liaison de ces deux artistes est aussi celle entre les Fauves et les Nabis, qui forment une grande partie de la collection. Le nouveau parcours permet d’ailleurs de découvrir les pièces essentielles de la collection.

Comme une allégorie de l’ouverture morale du couple Hahnloser-Bühler, le tableau «Nice, cahier noir», de Matisse (1918) est placé en début d’exposition. Outre un coin d’intérieur, il ouvre une perspective sur une porte-balcon laissant voir un paysage marin.

La superposition d’un intérieur coquet et confortable et de l’appel du large est à l’image du couple de collectionneurs, bien installés chez eux, à Winterthour, mais n’ayant cessé de visiter les artistes et de les faire venir chez eux.

Résistances

Heureux de montrer les œuvres, les propriétaires ne cachent pas non plus une certaine inquiétude, car l’avenir de la villa dépend de celui d’un nouveau concept muséal pour toute la ville. Or celui-ci est partiellement bloqué.

Pour mieux mettre ses richesses en valeur, Winterthour en effet a décidé de coordonner et de réorganiser ses musées. Le projet a été confié à David Streiff, ancien directeur de l’Office fédéral de la culture.

Il était prévu de donner la responsabilité des plus importantes institutions de la ville – le Kunstmuseum, la Villa Flora, les deux collections Reinhart, mais aussi le Musée Briner und Kern et la Fondation pour l’art, la culture et l’histoire – à une même structure, l’association «Kunstverein».

Mais le conservateur du musée am Stadtgarten, qui abrite une des deux collections Reinhart, n’a rien voulu savoir d’un «assouplissement des possibilités d’exposition» de la collection. Fondée pour l’occasion, une association a fait opposition contre la modification des statuts de la fondation proposée par la ville.

Dans la presse locale, David Streiff a admis, en juin dernier, avoir «complètement sous-estimé le potentiel perturbateur de mes idées, évoquées pour la première fois en 2007.» Le projet se poursuit, mais sans le musée am Stadtgarten.

En attendant, le couple Steiner, à la Villa Flora, croise les doigts pour pouvoir continuer à ouvrir sa maison au public. Une déclaration d’intention pour la reprise de la fondation Flora par le Kunstverein a déjà été signée.

Un agrandissement est prévu. La Villa Flora pourrait ainsi devenir un centre pour le post-impressionnisme. Et la prochaine collection, «Vive la sculpture!» est déjà agendée, pour fin 2010.

Ariane Gigon, Winterthour, swissinfo.ch

La Villa Flora de Winterthour abrite la collection du couple Hedy et Arthur Hahnloser-Bühler, qui, entre 1907 et 1932, ont acquis de nombreuses toiles chez les Nabis et les Fauves, mais aussi chez leurs prédécesseurs, Gauguin, Cézanne Van Gogh ou encore Odilon Redon.

Hedy Hahnloser (1873-1952) était la fille de l’industriel du textile Karl Bühler-Blumer.

Fermée jusqu’en 1995, la villa a été ouverte au public par la petite-fille du couple, Verena Steiner-Jäggli, et son mari.

L’exposition «Vive la peinture!» est la troisième organisée depuis l’ouverture. Elle est à voir jusqu’au 5 avril 2010.

Oskar Reinhart (1885-1965) a travaillé jusqu’en 1924 dans l’entreprise familiale Volkart, dont le nom est aujourd’hui celui d’une fondation très active dans le soutien à la photographie notamment.

Dès 1924, il s’est dédié à l’art. Il a placé une première collection, composée d’artistes français du 19e siècle, chez lui, à la Villa «Am Römerholz», ouverte au public depuis 1970.

Il a aussi réuni une deuxième collection, axée sur les artistes allemands, autrichiens et suisses, exposée, elle, au Musée «Am Stadtgarten».

La rénovation de la villa a été l’occasion de rassembler les deux collections pour une exposition temporaire, «En dialogue» au Musée Reinhart am Stadtgarten.

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