Arrestation d’Alfred Sirven: la Suisse laisse la priorité à la France

Après une cavale de trois ans, Alfred Sirven a été arrêté vendredi aux Philippines et immédiatement extradé vers la France. L'ancien numéro deux de la compagnie pétrolière française Elf Aquitaine était recherché par la France et la Suisse où il est soupçonné de blanchiment d'argent. Le juge d'instruction genevois Paul Perraudin a décidé de laisser la priorité à ses collègues français.
En 1998, le nom d’Alfred Sirven figurait encore dans le répertoire des administrateurs de Suisse comme président de GF Interenergie SA. Il avait créé cette société à Genève après son départ en 1993. Bénéficiaire d’un permis C, l’homme le plus recherché de France habitait officiellement au 4 de la rue Monthoux, juste à côté du Noga Hilton, jusqu’en février 1998.
Arrêté aux Philippines où il résidait depuis théoriquement trois ans en compagnie de son ancienne bonne, Vilma Aguilando Medina, Alfred Sirven, 74 ans (il est né le 6 janvier 1927 à Toulouse) a été extradé dans la nuit de vendredi à samedi vers la France via l’Allemagne. La justice française lui reproche d’avoir détourné l’équivalent d’un milliard de francs suisses entre 1989 et 1993.
Toutefois, la Suisse pourrait légitimement le réclamer, elle aussi. En effet, le palais de justice de Genève ne s’est pas contenté d’exécuter la quarantaine de commissions rogatoires internationales envoyées par Paris. En juin 1997, Bernard Bertossa, le procureur général, a en effet ouvert une information contre l’homme clé de l’affaire Elf pour blanchiment d’argent.
L’immense majorité des malversations, dont Alfred Sirven est soupçonné, se sont déroulées sur le territoire suisse, principalement à Genève, Lausanne, Lugano et Zurich. Toutefois, la Suisse n’a jamais envoyé de mandat d’arrêt international contre l’ex-numéro 2 d’Elf, afin de pas faire doublon avec le mandat d’arrêt français.
A deux reprises, Paris a envoyé une équipe de policiers à Manille pour traquer l’ancien bras droit de Loïc Le Floch-Prigent, l’ancien PDG d’Elf Aquitaine. De la même façon, la Suisse ne va pas réclamer l’extradition de l’ancien bénéficiaire d’un permis C. «Il est normal que le pays du centre de gravité de l’affaire puisse obtenir en priorité son extradition», explique Paul Perraudin, le juge d’instruction genevois en charge de l’affaire Elf depuis 1997.
Cette arrestation, qui ne tient vraisemblablement pas du hasard, intervient en plein milieu du procès Elf, dont la principale figure est Roland Dumas, ancien ministre français des Affaires étrangères, et amant de Christine Deviers-Joncour, l’une des salariés les mieux payés du groupe pétrolier.
Ian Hamel

En conformité avec les normes du JTI
Plus: SWI swissinfo.ch certifiée par la Journalism Trust Initiative
Vous pouvez trouver un aperçu des conversations en cours avec nos journalistes ici. Rejoignez-nous !
Si vous souhaitez entamer une conversation sur un sujet abordé dans cet article ou si vous voulez signaler des erreurs factuelles, envoyez-nous un courriel à french@swissinfo.ch.