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Entre la Côte d’Ivoire et la Suisse… le bonheur d’aider

Arrivée triomphale à Meneké de Morano et de Jacqueline à bord d’un camion rafistolé, pour le plus grand bonheur des enfants. cortesia

Jacqueline Lefelle passe un tiers de l’année en Côte d’Ivoire, et deux tiers en Suisse pour récolter des fonds, du matériel, et organiser le prochain voyage et les prochains travaux. La Tessinoise se démène pour venir en aide aux habitants d’un village.

Jacqueline Lefelle, âgée de 55 ans, mère de deux enfants adultes, est assistante de soins auprès de l’Etablissement médico-social (EMS) communal de Bellinzone, le chef-lieu du Tessin. Elle est une sorte de membre de la Cinquième Suisse à temps partiel, puisqu’elle passe près de quatre mois par an – ses vacances et une période de congé non-payé – en Côte d’Ivoire. C’est aussi dans ce pays qu’elle prévoit de s’installer lorsqu’elle sera à la retraite.  

C’est dans ce pays que Jacqueline Lefelle s’occupe de projets d’aide au développement spontanés. Un bénévolat qu’elle avait entamé avec son compagnon, décédé en 2010, frappé par la foudre alors qu’il pêchait au bord d’un cours d’eau. « C’était comme si le monde s’était arrêté de tourner d’un seul coup. J’ai cru que j’allais tout abandonner », confie-t-elle en parlant de son compagnon, rencontré en 2004.

Un peu par hasard

Mais un ami de Moreno l’a encouragée à poursuivre les efforts déployés avec l’homme qu’elle aimait. « Je me suis rendue compte que je n’étais pas seule. Qu’il y avait les amis de Moreno qui voulaient continuer », se souvient-elle.

C’est comme ça que Jacqueline Lefelle s’est jetée corps et âme dans les travaux préparatifs pour retourner à Meneké, ce village au bord de l’océan, à ouest de la Côte d’Ivoire, et où sont mis en œuvre des projets qu’elle avait échafaudés avec Moreno. Un endroit dans lequel ils étaient arrivés pour la première fois en 2008, un peu par hasard.

« Nous étions partis pour le Cameroun, mais nous devions nous arrêter en Côte d’Ivoire pour régler un problème de passeport. C’est comme ça que nous sommes partis dans cette région et que nous avons découvert ce petit paradis, dans lequel nous avons fait halte », se souvient Jacqueline Lefelle.

Des ennuis et de nouveaux amis

Leur véhicule s’était enlisé dans les sables et Jacqueline avait attrapé la malaria. « Ces problèmes ont débouché sur une profonde amitié avec des membres du village qui nous avaient apporté leur aide ». Et c’est ainsi que Jacqueline et Moreno ont décidé d’acheter deux maisons délabrées et de louer du terrain. « Les gens villageois nous avaient invités à rester. Certains nous ont aidé à défricher le terrain et à reconstruire les maisons », ajoute-t-elle.

Durant leur séjour à Meneké, le couple en a profité pour apporter du matériel à l’établissement scolaire régional, à 5 kilomètres de là. C’est ainsi que les deux Tessinois ont pu constater que la cantine scolaire avait besoin d’être reconstruite. « Moreno a établi un bilan des travaux nécessaires et décidé que le travail serait fait l’année suivante ».

De retour dans sa bourgade grisonne de Roveredo, Moreno a organisé une fête de bienfaisance afin de réunir l’argent nécessaire pour la reconstruction de la cantine. Lorsque le couple est retourné à Meneké l’hiver suivant, l’édifice a été construit en moins de trois mois. Seuls manquaient encore le mobilier et les appareils. Un projet pour l’année d’après.  

Bâtiments scolaires

Avant de retourner en Suisse, Moreno « avait demandé au chef du village quels étaient les besoins de la population. Ce dernier a alors consulté les habitants qui ont demandé une école pour les plus petits, pour que les bambins n’aient plus à parcourir un trajet de 10 km aller-retour à pied durant leur deux premières années de scolarité».

Moreno avait décidé que ce souhait des villageois deviendrait réalité. De fait, le projet est en train de voir le jour, malgré le décès du Suisse. Il faut dire que Jacqueline a pris les choses en main pour concrétiser les choses. Ce faisant, elle a repris le témoin et appliqué la méthode de son ancien compagnon, rodée au cours de 20 années de voyages en Afrique.

A l’époque, Moreno achetait un vieux véhicule d’occasion, qu’il réparait et qu’il vendait avant de rentrer en Suisse. Au pays, il rassemblait du matériel sanitaire et scolaire, des vêtements, des vélos et bien d’autres choses encore, qu’il distribuait dans les endroits par lesquels il transitait lorsqu’il voyageait en Afrique. Et après la découverte de Meneké en 2008, ces opérations ont été complétées par la fête organisée à Roveredo, pour récolter l’argent nécessaire pour organiser la construction des bâtiments scolaires.

Force et courage

Au cours de l’été 2010, frappée par le deuil, Jacqueline s’est armée de  courage et a recommencé à faire exactement la même chose. A la fin du mois de décembre, sans se préoccuper du conflit qui opposait les milices du président fraichement élu Alassane Ouattara et les troupes restées fidèles au dirigeant ivoirien déchu, Laurent Gbagbo, Jacqueline est repartie pour Meneké, entourée de quatre personnes, dont sa fille.

Un voyage exténuant. Dans la région occupée par les milices de Ouattara, il y avait de nombreux barrages routiers. « Ils étaient agressifs. Ils nous ont pillé et volé beaucoup d’argent. Il y a eu des moments de tension », se souvient la Tessinoise.

Mais arrivés à Meneké, ces problèmes ont été vite oubliés. « Les habitants du village m’attendaient, tout en pensant que je ne serais jamais revenue. Ils disaient : c’est une femme, elle n’y arrivera pas. Mais j’ai réussi ! »,  souligne-t-elle, le regard brillant.

Les travaux ont débuté sans tarder. Et alors que la cantine était inaugurée, on posait déjà les premières pierres pour la construction de l’école. « Nous payons tout le matériel – acheté dans la région- et les salaires des ouvriers pour les travaux en dur. Les habitants se chargent des tâches accessoires, comme le défrichage, l’alimentation en eau et en matériel, et de préparer les repas pour les ouvriers », explique encore Jacqueline Lefelle.

Axé sur la pêche

Avec un ami, Jacqueline a aussi lancé un projet axé sur la pêche. « Nous avons acheté une barque pour permettre aux jeunes d’aller pêcher. Une manière de créer de l’emploi », se réjouit la Suissesse.

Et pendant que la réalisation des travaux progresse, Jacqueline esquisse déjà les prochaines étapes, soit récolter des fonds et organiser le voyage de l’hiver prochain. « Lorsque je serai à la retraite, je viendrai vivre à Meneké et je passerai l’été en Suisse, pour y voire mes enfants, mes proches et mes amis et organiser notre fête de bienfaisance », assure-t-elle en concluant par son proverbe préféré : « Ma maison est ta maison ».

Ouest. Meneké est un village situé à l’Ouest de la Côte d’Ivoire, à quelque 80 kilomètres de la frontière avec le Liberia. Il fait partie du département du Tabou, dans la région du Bas-Sassandra.  

Hasard. C’est dans ce village éloigné, à plus de dix kilomètres de la principale route asphaltée de la région, qu’un couple suisse, s’est retrouvé un par hasard au début de l’année 2008.

Développement. Moreno Fibbioli et Jacqueline Lefelle, y ont fait une étape prolongée, alors qu’ils traversaient la Côte d’Ivoire. Mais au fil du temps, la population de Meneké est devenue comme une seconde famille. Les deux Tessinois ont décidé d’y retourner chaque année pour y mener plusieurs projets d’aide au développement.

Fête. Les fonds nécessaires pour financer leurs efforts ont été réunis grâce à une fête de bienfaisance organisée en été à Roveredo, dans le canton des Grisons. Cette année, l’événement aura lieu le 27 août et sera rythme par des concerts et des repas. Les participants sont invités à faire un don.

Hommage. Après la mort de Moreno, en 2010, l’association Scigue (le surnom de Moreno) a vu le jour. Elle a pour but de rassembler l’argent nécessaire pour financer les projets de développement poursuivis à Meneké.

Traduction de l’italien : Nicole della Pietra

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