Kaspar Villiger réplique aux critiques sur le secret bancaire

Le conseiller fédéral Kaspar Villiger monte au front. Face aux critiques britanniques de ces derniers jours et sans doute européennes, vendredi, le ministre des Finances affirme que le secret bancaire suisse ne protège pas les terroristes. En réalité, derrière ces accusations se profile une nouvelle guerre entre places bancaires.
Selon Gordon Brown, ministre des Finances du Royaume-Uni, la Suisse sera mise sous pression à Bruxelles lors du sommet extraordinaire de l’Union européenne. Motif, son secret bancaire pourrait protéger les réseaux financiers utilisés par le terrorisme international.
Mercredi, à grands renforts de publicité, Gordon Brown a annoncé qu’une liste de suspects circulait et qu’à ce titre, les Britanniques avaient déjà fermé un compte bancaire. Le moins que l’on puisse dire, c’est que la Grande-Bretagne se lance avec un train de retard dans la lutte contre la grande criminalité.
La Suisse a depuis plusieurs mois fermé une demi-douzaine de comptes appartenant à des banques afghanes ouverts auprès d’instituts suisses, dont le montant le plus important s’élèverait à presque 300 000 francs. Et dès la semaine dernière, la liste des personnes physiques et morales ayant des avoirs en Suisse devant être gelés a été étendue à 170 noms.
Lanterne rouge en Europe
Pourtant, Londres, lanterne rouge en Europe pour la coopération en matière judiciaire (53% des commissions rogatoires concernant des dossiers financiers ne sont pas exécutées trois ans après leur envoi), cherche à montrer du doigt la Suisse.
Genève et Zurich sont soupçonnées d’abriter l’argent du crime organisé et des plus dangereux criminels de la planète grâce à son fameux secret bancaire.
Bernard Bertossa, procureur général de Genève, qui ne passe pourtant pas pour un ardent défenseur du secret bancaire, constate que la Suisse attire beaucoup moins l’argent noir que l’Ukraine, la Dominique ou les îles Cook. En effet, le secret bancaire ne tient absolument pas devant un juge d’instruction.
Ambiguïtés des Américains et des Italiens
L’avocat genevois Carlo Lombardini souligne que les comptes en banque offshore se sont développés «depuis que la magistrature helvétique a clairement indiqué vouloir favoriser le traitement des requêtes d’entraide de la justice pénale étrangère».
Or, lors du sommet de l’ODCE en mai dernier à Paris, les Etats-Unis, suivis par l’Italie, ont affirmé que la lutte contre les paradis fiscaux ne faisait plus partie de leurs priorités.
Bref, la Suisse, petit pays de 7 millions d’habitants, reste une cible idéale. Elle est, certes, victime de son passé. Mais des évènements récents comme la traque des fonds détournés par Sani Abacha, ancien dictateur du Nigeria, ont montré que la Confédération était beaucoup plus prompte à bloquer des comptes que les établissements bancaires de la City.
Il reste que la place financière helvétique gère encore 35% de la fortune offshore du monde, Londres, seulement 15%. Ceci explique sans doute cela. Et les intentions du ministre britannique des Finances ne sont sans doute pas totalement pures.
Pas de demande d’entraide judiciaire
Jeudi, à Berne, Kaspar Villiger a une nouvelle fois clarifié la position de la Suisse et de sa place financière après les attentats aux Etats-Unis. La Suisse est prête selon le conseiller fédéral, à utiliser pleinement son arsenal de mesures contre le terrorisme, les organisations criminelles et le blanchiment d’argent.
Le ministre des Finances a souligné que le secret bancaire ne vaut que pour les citoyens honnêtes et ne s’applique pas aux opérations criminelles. Après un attentat terroriste, la Suisse accorde sans retard l’entraide judiciaire et bloque les comptes d’auteurs présumés.
Kaspar Villiger a rappelé les mesures prises par la Suisse depuis le 11 septembre, notamment dans le domaine financier. Dans l’attente d’une demande américaine d’entraide judiciaire, le Ministère public de la Confédération mène des enquêtes qui ont conduit au blocage de comptes.
Précisément, un compte bancaire a été bloqué, a annoncé le ministre des Finances. Cependant, «aucune banque suisse n’a pour l’heure fait état d’un numéro de compte établi au nom du millionnaire Oussama ben Laden ou de l’un de ses sympathisants».
Ian Hamel

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