Le carton rouge de Me Freddy Rumo

La nouvelle formule de championnat de football devrait être acceptée vendredi à Berne. Mais, quelques clubs, dont NE-Xamax, émettent de sérieuses réserves.
«Un double sentiment m’habite à l’idée de la disparition de la formule», reconnaît le père du présent mode de championnat, Me Freddy Rumo, président durant dix ans de la Ligue nationale, puis président durant quatre ans de l’Association suisse de football, et aujourd’hui président du conseil d’administration de Neuchâtel Xamax.
«C’est une bonne chose de vouloir évoluer. Mais je crains que l’on change une formule, souvent qualifiée de mauvaise, par un autre mode de championnat encore plus désastreux».
L’histoire se répète
Ce qui avait amené l’instauration de la formule dite de Rumo, en 1988, était la morosité dans laquelle baignait le football suisse. Le championnat de LNA ne suscitait plus d’intérêt au bout de quelques matches.
Cette absence d’intérêt avait eu pour conséquences la désertion des stades. Un appauvrissement de la qualité du football. Une absence des clubs suisses en coupes d’Europe. Et une disqualification systématique des sélections nationales dans les compétions internationales.
Tous ces voyants qui clignotaient au rouge ont viré au vert lorsque la formule Rumo a été instaurée. Mais, les dirigeants qui avaient souhaité à l’époque ce changement ne sont plus en place aujourd’hui.
Vers un championnat insipide
«L’aspect le plus négatif de ce changement concerne la future Ligue nationale promotionnelle (LNP). Très vite, plus personne ne s’intéressera à cette compétition. De par le fait qu’il n’y aura que deux ou trois équipes concernées par une promotion en Ligue professionnelle (LP). Et deux ou trois formations luttant contre la relégation. Les matches des équipes du milieu du classement n’auront plus aucun intérêt pour le public».
Idem pour la LP. De par la répétition des matches entre les mêmes formations (quatre tours). Et de par le fait que, très vite, ne se dégageront que deux ou trois équipes pour le titre.
En outre, l’absence de risque de relégation va accentuer le manque d’intérêt. Car il n’y aura qu’un seul relégué possible de LP en LNP.
Appauvrissement du réservoir national
«Pour moi, explique Me Freddy Rumo, la réduction de l’élite à dix clubs va dangereusement restreindre le réservoir des joueurs papables pour l’équipe nationale. Et comme on envisage de diminuer le nombre de joueurs étrangers pouvant évoluer en LNP, les clubs de la LP utiliseront forcément un maximum d’étrangers».
Faites le compte: «pour former l’équipe nationale, il ne restera alors que quatre à cinq joueurs par club de LP, soit au total 40 à 50 joueurs sur toute la Suisse. Et on ne peut faire appel à des joueurs de LNP en sélection, car ils n’auront jamais le rythme pour les confrontations internationales».
Une «Nati» performante
L’histoire nous rappelle qu’avant l’introduction de la formule dite Rumo, la Suisse n’avait plus participé à une phase finale de Coupe du monde ou de championnat d’Europe depuis la World Cup de 1966 en Angleterre.
Or depuis son introduction, l’équipe de Suisse s’est qualifiée pour le Mondial aux Etats-Unis en 1994 et pour l’Euro en Angleterre en 1996.
Sans parler de tous les joueurs qui ont pu être engagés dans de prestigieux clubs à l’étranger. Ce qui était plutôt rare, à l’époque.
En conclusion, «je vois dans cette nouvelle formule le piège de retomber exactement dans les mêmes travers qui caractérisaient le football suisse avant l’introduction de ma formule», argue Me Freddy Rumo.
swissinfo/Emmanuel Manzi

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